Intervention de François Ruffin

Séance en hémicycle du jeudi 18 mars 2021 à 9h00
Droits à protection sociale des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

« Les horaires, ça pèse sur la vie de famille. Marc me l'a beaucoup reproché quand on s'est séparés. Je me levais le matin à six heures, une maman infirmière m'amenait son gosse pour que je le conduise au périscolaire, et ça se terminait à dix-neuf heures trente le soir. Mon mari ne le supportait plus. » De tôt le matin jusque tard le soir, cette amplitude horaire énorme des assistantes maternelles, vous la connaissez, madame la rapporteure, comme vous savez aussi que, malgré cela, elles ne perçoivent que des salaires de misère : plus de la moitié d'entre elles sont sous le SMIC… Oui, le salaire moyen dans cette profession est sous le salaire minimum !

« Quand j'ai perdu ma grand-mère, j'ai annoncé le décès à une maman et mon absence pour l'enterrement. Cette dame m'a répondu qu'il n'en était pas question, que ça commençait à faire beaucoup de décès dans ma famille. Par peur d'être licenciée, je me suis abstenue de me rendre aux funérailles. » C'est une angoisse très fréquente pour les assistantes maternelles : comment annoncer son absence aux parents ? Je pense à Lucie, dont le fils entre au collège et qui ne sait comment arriver à se rendre à la réunion préparatoire avec les enseignants. Comment même parfois prendre des vacances ou tomber malade ? « Mon médecin m'appelle vendredi pour me dire qu'au vu des examens, j'avais un gros souci au coeur et que je devais me faire opérer dès le lundi. Vous savez quelle était mon angoisse ? Comment l'annoncer aux parents. Ma vie était en danger d'après mon docteur, et plutôt que de penser à moi et à ma fille de douze ans, mon inquiétude était de savoir comment j'allais l'annoncer aux parents. Est-ce que j'allais perdre le contrat et comment alors j'allais faire pour vivre ? »

Je pourrais encore ajouter à la liste, madame la rapporteure, monsieur le secrétaire d'État, les formations qui se déroulent le samedi sur les temps de repos, les difficultés avec Pôle emploi et les droits au chômage aléatoires, cette aberration fiscale qui fait des repas remis par les parents pour leurs petits un avantage en nature à déclarer par les assistantes maternelles, ou encore les ruptures conjugales qui conduisent à revendre sa maison et donc à perdre son métier, trois drames en un. Mais de tout cela et de bien d'autres choses, nous ne discuterons pas, pas plus que des propositions faites par Bruno Bonnell et moi-même dans notre rapport d'information pour leur construire un statut et pour leur assurer un revenu. Cela me semble honteux.

Le Président de la République avait lancé une commission des 1 000 premiers jours placée sous la présidence de Boris Cyrulnik, car les 1 000 premiers jours du bébé sont décisifs pour son avenir, pour sa vie, et dont évidemment les 400 000 assistantes maternelles sont un maillon. Le même Président de la République déclarait il y a un an : « Il faudra nous rappeler que notre pays, aujourd'hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal. » Et parmi ces femmes, bien sûr, il y a les assistantes maternelles.

Qu'en est-il à l'arrivée ? Le seul texte de toute votre législature qui traite des assistantes maternelles, le premier et le dernier, celui que nous examinons aujourd'hui, est un texte étriqué, une formalité administrative que vous pensiez même, chers collègues de la majorité, examiner en procédure simplifiée, c'est-à-dire sans discussion ni sur les salaires, ni sur les horaires, ni sur les formations, ni sur l'organisation, ni sur rien ! Le seul texte sur les assistantes maternelles est un texte de huitième zone ! La meilleure preuve en est l'absence au banc du Gouvernement du ministre des solidarités et de la santé et même de sa ministre déléguée ou de son secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. Ils sont remplacés par le secrétaire d'État au numérique, fort bien, mais voilà qui dénote un évident mépris. Je ne dis pas que vous le partagez, madame la rapporteure, monsieur le secrétaire d'État, mais ce mépris pour ces femmes et leur métier est ancré dans le système : c'est un mépris hérité de l'histoire, parce qu'on se dit que les femmes qui s'occupent gratuitement des enfants depuis des millénaires, elles ne vont pas nous embêter maintenant qu'on les paye un peu pour le faire ! Voilà ce qui est dans l'inconscient de la société, et c'est de ce mépris-là que nous devons sortir aujourd'hui !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.