Ainsi que cela vient d'être souligné par le précédent orateur, il était temps – plusieurs juridictions nous ont rappelés à l'ordre – de mettre au point cette procédure minimale permettant au détenu de faire valoir le caractère indigne de ses conditions de détention, afin qu'il y soit mis fin le plus rapidement possible.
Je ne dresserai pas un état des lieux des prisons : nous l'avons longuement évoqué lors de l'examen de la loi du 23 mai 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. La seule solution proposée était la création de places de prisons, laquelle devait régler la situation, en permettant la fermeture des établissements vétustes. Au demeurant, tel ne fut pas le cas puisque, à chaque fois qu'on a construit des établissements, c'était davantage pour les remplir avec de nouveaux détenus que pour vider les établissements existants. Sur ce point, l'histoire ne nous a jamais contredits. Alors que l'objectif de cette loi était de diminuer le nombre de personnes incarcérées – ce qui est très bien et je le partage puisque les personnes incarcérées pour des courtes peines sont trop nombreuses, ainsi que le ministre l'a rappelé – , nous en sommes réduits à exhorter les magistrats à moins incarcérer, puisque la loi n'a pas abouti à une diminution progressive des courtes peines.
Nous revenons toujours à la même discussion : étant donné que la surpopulation en maison d'arrêt constitue la principale cause de dégradation des conditions de vie en prison, comment arriver à diminuer le nombre de personnes incarcérées ?
Nous devons modifier le code pénal, pour revoir l'échelle des peines et, afin d'éviter que des peines de prison ne soient prononcées, créer de véritables peines de probation qui seraient prononcées à l'encontre de personnes ayant commis certains délits. Tant que nous ne le ferons pas, la machine judiciaire continuera de produire les mêmes effets, c'est-à-dire incarcérer toujours davantage de personnes.
Si le contexte du covid-19 a conduit à des libérations très rapides de détenus, les établissements en accueillent de nouveaux, même s'ils se remplissent moins rapidement, heureusement. Aujourd'hui, nous avons dépassé le taux de 120 % d'occupation des maisons d'arrêt, sachant que, de manière générale, nous ne sommes jamais descendus en-dessous de 100 %.
J'en viens au fond du texte qui appelle toute mon attention et que j'approuve à ce stade, même si beaucoup de problèmes doivent être approfondis. En créant ce recours, on instaure une procédure qui est l'objet même du texte, tout en craignant que tous les détenus n'en usent pour contester les conditions indignes de leur détention – nous en avons parlé en commission. En effet, ces recours seraient trop compliqués à instruire, notamment en raison du nombre insuffisant de magistrats. Par conséquent, des conditions ont été ajoutées comme autant de filtres, conduisant à se demander comment ce recours pourra être, en définitive, actionné.
L'administration pénitentiaire est ainsi placée dans une situation quelque peu embarrassante, puisqu'elle est, à un moment donné, à la fois juge et partie. Si le juge judiciaire estime que la requête de la personne détenue dans conditions indignes est fondée, il peut demander à l'administration pénitentiaire de lui fournir des éléments pour remédier à cette situation. Or, comme le juge judiciaire ne peut utiliser son pouvoir d'injonction, il revient à l'administration pénitentiaire de trouver la solution à un problème quotidien qu'elle n'arrive déjà pas à régler en temps normal.
En effet, ne considérez-pas que l'administration pénitentiaire, qu'il s'agisse des directeurs d'établissement ou des personnels de surveillance, laisse une personne vivre dans des conditions indignes par plaisir. Ils font ce qu'ils peuvent avec les moyens du bord, – les bâtiments, le matériel, les équipements. C'est pourquoi, leur imposer de résoudre un problème auquel ils sont confrontés au quotidien n'est pas la bonne solution.
S'agissant des conditions de détention indignes, j'ai évoqué, comme beaucoup d'orateurs, la surpopulation carcérale qui est un problème central. Mais s'en tenir à l'examen de ce sujet conduirait à passer à côté de l'essentiel : le sens de la peine. Or ne pas avoir accès aux activités éducatives, de réinsertion – la recherche d'emploi avec Pôle emploi – , de formation et de travail que nous voudrions voir offertes aux détenus, représente également une forme d'indignité. En effet, le temps passé en cellule, subi pour l'essentiel, est très important dans les maisons d'arrêt en France. Ce n'est pas en supprimant les réductions de peine automatiques que nous susciterons tout à coup la motivation extraordinaire des détenus.