L'impact de la crise sur la jeunesse est connu, documenté et, à travers ses différentes mesures, nous pouvons constater que ce thème est pris à bras-le-corps par le Gouvernement. Toutefois, le but de notre Parlement est, selon l'article 24 de la Constitution, d'évaluer et de contrôler l'action du Gouvernement. Je tiens ici à saluer nos collègues de La France insoumise, qui nous permettent, à travers ce sujet primordial, de questionner le Gouvernement et de lui indiquer les angles absents de ses politiques. Je suis certain que nous aborderons la détresse affective des jeunes, les problèmes de fin de mois, les inégalités scolaires qui augmentent et la difficile entrée sur le marché du travail.
Naturellement, je soutiens nos collègues qui aborderont ces sujets. Je souhaite toutefois concentrer mon intervention sur une question précise : comment réconcilier la jeunesse pour qui la crise ne sera que passagère et sans conséquences réelles sur son avenir professionnel et la jeunesse pour qui la crise risque d'être l'origine de difficultés professionnelles, économiques, de long terme et causant des effets irrémédiables ?
Madame la secrétaire d'État, la jeunesse est un joli mot, qui présente plusieurs visages. Certains de ces visages sont confiants. Ils sont titulaires de diplômes de l'enseignement supérieur, d'écoles de commerce, de médecine, d'écoles d'ingénieurs. Le chômage, pour eux, est quasiment un chômage frictionnel, de 4 %, qui correspond à la durée de recherche entre deux emplois. Ils profitent du télétravail pour aller travailler dans des conditions heureuses et parfois exotiques. Certes, comme l'ensemble de la jeunesse, ils souffrent de la fermeture des lieux de rencontre et de fête, mais cette tristesse est temporaire. Ils ne craignent pas l'avenir et travaillent souvent dans des entreprises qui traverseront la crise sans réel encombre, voire en sortiront renforcées.
Mais il existe une autre jeunesse, qui a le visage crispé et le regard noirci de cernes inquiets. C'est la jeunesse pour qui le chômage est une réalité quotidienne et qui s'élève à 22,1 % en novembre 2020. Pour cette jeunesse, la crise ne sera pas temporaire ; elle accentuera les inégalités qui existaient hier et qui se renforceront demain.
Certes, des mesures ont été prises par votre gouvernement, comme le doublement des bénéficiaires de la garantie jeunes et les repas à 1 euro, mais l'atonie de notre économie et la perte de croissance potentielle française probable à l'issue de cette crise m'empêchent d'espérer que ces mesures suffiront à calmer l'inquiétude de cette jeunesse. Le retard de l'arrivée sur le marché du travail, les difficultés à étudier dans de bonnes conditions, la diminution des interactions sociales et des rencontres professionnelles seront pour eux un retard difficile à rattraper.
Les conséquences de la crise de la covid-19 se matérialiseront donc d'ici quelques années, quand les jeunes d'aujourd'hui risquent fort d'être demain les adultes d'un pays contrasté – ceux pour qui la crise fut le début d'une paupérisation et ceux pour qui la crise de la covid-19 se sera limitée à deux années d'interactions sociales restreintes. Or cette inégalité contient en germe les risques d'une fracturation économique, politique, sociale de notre pays, qu'une abondante littérature estime déjà fortement divisé.
Il me paraît dès lors urgent que le Gouvernement s'interroge sur les moyens concrets de créer les conditions d'un lien entre cette jeunesse paupérisée par la crise et celle qui s'en sort.
Dans sa note de juillet 2020, le Conseil d'analyse économique évoque une solution : il propose que les jeunes titulaires d'une licence qui arriveront sur un marché de l'emploi atone, où il sera difficile de trouver un travail, se voient proposer un contrat de travail par l'éducation nationale afin d'assurer des missions de tutorat auprès des élèves ayant décroché au cours des différents confinements. Depuis la publication de cette note, les difficultés scolaires se sont accentuées pour une partie de la jeunesse et l'atonie du marché du travail reste malheureusement d'actualité. La mise en place de tels contrats de tutorat serait possible à la rentrée scolaire de 2021. Le coût de cette mesure est estimé à 3 milliards d'euros.
Des solutions de ce type pourraient être reproduites en grand nombre et permettre par exemple à l'État de favoriser la création de centres d'écoute et de dialogue entre les jeunes insérés dans le monde du travail et les jeunes en difficulté. Le service national universel pourrait constituer un moyen de sensibiliser les jeunes à cette thématique au cours de formations afin de renforcer à la source la cohésion de la société de demain.
Madame la secrétaire d'État, réfléchissez-vous à des moyens de rassembler les différentes jeunesses de notre pays dans le cadre de votre politique en faveur des jeunes ?