Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du lundi 22 mars 2021 à 16h00
Impact de la crise sur la jeunesse

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert, LT :

Il y a un an, face à la flambée soudaine de l'épidémie qui nous a pris de court, le manque de recul et l'urgence nous ont commandé de prendre en priorité soin de nos aînés. Ce sont les premières victimes du virus et les plus vulnérables : nous devions protéger nos seniors. Nous avons eu raison de faire ce choix, mais nous ne devrions aujourd'hui plus être dans cette urgence : le caractère durable de la crise nous impose de réinterroger la stratégie qui nous a conduits à négliger toute une génération, qui a le sentiment d'avoir été oubliée.

En mars 2020, les jeunes se sont confinés sans discuter. Ils ont accepté de mettre leur vie sociale, leurs études et leurs projets entre parenthèses. Un an plus tard, en mars 2021, ils sont nombreux à être dans la détresse, car ils n'ont plus de perspectives. Loin d'être épargnés par cette crise protéiforme, ils en subissent les conséquences plus durement et plus violemment que les autres.

Tout d'abord, ils subissent avec force l'impact économique de la crise. Comment pouvait-il en être autrement alors qu'avant la crise sanitaire, la moitié des personnes pauvres dans notre pays avaient moins de 30 ans ? La précarité étudiante s'est considérablement aggravée, car les petits boulots ont disparu et la solidarité familiale qui permettait de compenser cette perte ne suffit plus. Alors qu'ils devraient se consacrer à la construction de leur avenir, de trop nombreux jeunes en sont réduits à chercher le moyen de se nourrir.

Je l'ai constaté jeudi dernier, dans le XIIIe arrondissement de Paris, lors de la distribution de paniers alimentaires et de colis hygiéniques auprès de 550 étudiants. Ces jeunes, qui bénéficiaient de l'aide bénévole d'une association, venaient aussi chercher un peu de chaleur humaine…

Malgré cette situation, le Gouvernement continue de s'opposer à un RSA ou à un dispositif d'urgence sociale pour les jeunes de moins de 25 ans, leur préférant des aides ponctuelles et la garantie jeunes, dont l'universalisation, pourtant annoncée, tarde à se concrétiser. Combien de garanties seront-elles accordées en 2021 ? Aujourd'hui, dans le XIIIe arrondissement, 150 000 repas sont distribués chaque mois par cette seule association.

Le plus inquiétant dans cette aggravation de la précarité des jeunes est que si rien n'est fait, elle risque de durer. Malheureusement, de nombreux jeunes n'en sortiront pas et abandonneront leurs études, et avec elles l'espoir d'un avenir meilleur. Ceux qui arrivent aujourd'hui sur le marché du travail se découragent du peu de perspectives qu'il offre. Les mesures du plan gouvernemental « 1 jeune, 1 solution », bien que nécessaires, ne suffiront pas. Au-delà de la crise économique qui les frappe de plein fouet, avant même la crise économique, les jeunes sont les victimes directes et indirectes de la crise sanitaire.

Les conséquences directes et indirectes de l'épidémie de covid-19 sur la santé ne doivent pas être sous-estimées. Elles sont liées au covid long, mais aussi au recul de l'activité physique, favorisé par la sédentarité des enfants et des jeunes. À cet égard, il reste incompréhensible que la pratique sportive ne figure pas parmi les dérogations possibles au couvre-feu.

Les conséquences de l'épidémie sur la santé des jeunes sont par ailleurs liées au retard de la prévention et du suivi des traitements. Nous manquons encore de données pour mesurer l'ampleur de ce phénomène, mais nous devons l'anticiper, sous peine d'être confrontés sous peu à des effets graves et irréversibles sur la santé des jeunes.

Enfin, la santé mentale et le mal-être de la jeunesse doivent être au coeur de nos préoccupations. L'année écoulée a assigné les jeunes à résidence. Les confinements à répétition, les couvre-feux, le télétravail, l'enseignement à distance : les différentes mesures sanitaires ont privé les jeunes de relations sociales alors que celles-ci sont vitales. Pour de nombreux étudiants, le retour à un enseignement vertical, sans interactions et par écrans interposés, est vécu comme la négation même des études et de la transmission du savoir, lequel se nourrit des relations entre les êtres humains.

Le retour au présentiel est la seule réponse possible à leur isolement et à leur mal-être. De nombreux psychiatres tirent la sonnette d'alarme tant les dépressions et les décrochages sont devenus monnaie courante alors que les moyens pour soutenir ceux qui souffrent sont largement insuffisants. Les chèques psy ne suffiront pas : il faut près de quatre mois d'attente pour obtenir un rendez-vous dans un bureau d'aide psychologique universitaire à Paris – largement le temps de sombrer…

Chers collègues, il est encore temps d'éviter l'apparition d'une génération sacrifiée, celle-là même qui devra se retrousser les manches les dix prochaines années pour redresser le pays et changer notre monde à bout de souffle. Entre la crise démocratique, la montée des populismes, le réchauffement climatique, la crise environnementale et la crise sanitaire, ils vont devoir faire des miracles. À nous de leur proposer autre chose qu'un passeport vaccinal, qu'ils ne recevront de surcroît qu'en dernier, ce qui conduira plus encore à les exclure. À nous de leur proposer bien plus qu'une solidarité à sens unique. À nous de leur donner l'avenir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.