Intervention de Laetitia Buffet

Séance en hémicycle du lundi 22 mars 2021 à 16h00
Dimension logistique de la stratégie vaccinale contre la covid-19

Laetitia Buffet, responsable de la task force interministérielle vaccination covid-19 :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir invitée. Je suis ravie de m'exprimer devant vous aujourd'hui.

Je commencerai en vous expliquant ce qu'est la task force interministérielle vaccination covid-19 et quelles sont ses missions.

Il s'agit d'une équipe interministérielle, constituée à l'automne 2020, qui répond au Gouvernement dans son ensemble et plus particulièrement au ministre des solidarités et de la santé, et à la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie. Elle a pour mission de veiller au bon déroulement de la campagne vaccinale à tous les maillons de la chaîne, depuis l'identification des fournisseurs jusqu'à l'injection. Dans ce cadre, la logistique, dont nous allons parler aujourd'hui, constitue un des nerfs de la guerre les plus importants.

Cette task force est composée d'une grosse vingtaine de personnes, agents publics issus de divers horizons – des militaires, des logisticiens, des ingénieurs, des médecins ou encore des pharmaciens – , qui représentent toute la diversité des corps de métier investis au quotidien dans la campagne vaccinale.

Nous travaillons évidemment en lien étroit avec le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale, présidé par le professeur Alain Fischer, qui est chargé de deux autres missions : conseiller le Gouvernement, à partir d'une approche pluridisciplinaire qui intègre aussi bien les sciences dures que les sciences humaines, et contribuer au travail de communication.

Dans ce propos liminaire, j'aimerais insister sur trois points. Tout d'abord, la campagne vaccinale, notamment dans sa dimension logistique, a dû être organisée en prenant en considération deux types de contraintes très fortes, sur lesquelles il me semble important d'insister.

La première contrainte concerne l'approvisionnement. Vous le savez, ces vaccins ont été développés en moins d'un an et les chaînes de production ont elles-mêmes été construites en quelques mois, donc très rapidement. Cela peut expliquer l'existence aujourd'hui, tout au long de la chaîne logistique, de certains goulots d'étranglement avec lesquels nous devons composer au quotidien. Pardonnez-moi d'enfoncer une porte ouverte mais, vous le savez, toutes les doses n'arrivent pas en une seule fois.

La stratégie vaccinale a connu différentes phases : dans la première, nous devions vacciner beaucoup de personnes – celles qui étaient prioritaires – sans disposer d'énormément de doses. Nous allons à présent passer à une phase dans laquelle nous avons beaucoup plus de doses de vaccins ; nous devons donc absolument réussir à les diffuser et à toutes les injecter. Nous entrerons ensuite vraisemblablement dans une troisième phase, dans laquelle nous devrons aller chercher des personnes acceptant de se faire vacciner. Il s'agit de trois phases distinctes, liées à l'arrivée successives de différentes contraintes.

Vous le savez, la campagne vaccinale a connu, à certains moments, des baisses brutales d'approvisionnement face auxquelles il a fallu réagir rapidement. Cette situation n'est certes pas celle que nous aurions souhaitée mais elle nous a obligés à nous adapter en permanence. Aujourd'hui, nous disposons de beaucoup plus de doses, de façon beaucoup plus sûre – j'y reviendrai si vous le souhaitez.

La deuxième contrainte renvoie à la nature, totalement inédite, des vaccins. Leurs conditions de conservation et de transport sont très spécifiques. Ainsi, vous le savez, le vaccin Pfizer se transporte et se conserve à -80o, et le vaccin Moderna à -20o. Chacun des flacons renferme plusieurs doses qui doivent être administrées les unes après les autres selon une procédure particulière. Si vous le souhaitez, je vous donnerai d'autres exemples de la nature très spécifique de ces vaccins.

Pour gérer la dimension logistique de cette campagne vaccinale, nous avons fait appel à des spécialistes venus d'horizons différents : certains de ces logisticiens sont militaires, d'autres issus du privé, d'autres encore travaillaient déjà sur la chaîne du médicament au sein du ministère des solidarités et de la santé. Ils nous ont permis d'organiser des flux spécifiques à chacun des vaccins – Pfizer, Moderna et AstraZeneca – en fonction des contraintes qui lui sont propres.

J'en arrive au deuxième point de mon exposé : les quatre principes qui guident notre action.

Le premier est l'équité dans la répartition territoriale des vaccins. Sachant que cette question fait l'objet d'un intérêt tout particulier, je tiens à réaffirmer que les vaccins sont distribués au prorata des populations cibles des différents départements et régions. Une nuance cependant : ces derniers temps, face à la tension épidémique très forte observée dans certaines zones, nous avons procédé à des « coups de boost » – pardonnez-moi l'expression – dans ces territoires. En dehors de ce cas de figure, l'équité territoriale reste notre moteur.

Le deuxième principe est le choix du « zéro stock ». Aujourd'hui, le taux moyen d'utilisation des doses, qui est notre indicateur clé – il correspond au rapport entre le nombre de doses utilisées et celui de doses reçues depuis le début de la campagne – , s'élève à 80 % pour l'ensemble des vaccins et à plus de 90 % pour Pfizer.

Certes, il est un peu moins important pour AstraZeneca et Moderna, pour des raisons sur lesquelles je pourrai revenir – même si, s'agissant d'AstraZeneca, nous les connaissons tous, en particulier depuis la semaine dernière. Mais je tiens à souligner qu'un taux de 90 %, pour Pfizer, vaccin central dans notre stratégie en ce qu'il représente une part majeure de nos approvisionnements, signifie que nous sommes quasiment à flux tendu. Un tel niveau de tension dans la chaîne logistique est même assez rare, y compris dans le secteur privé.

Le troisième principe, qui peut se résumer par la formule « zéro dose perdue », est que l'on ne doit jamais perdre une seule dose de vaccin.

Le quatrième principe, par lequel j'aurais dû commencer car c'est le plus important, est celui de la priorisation. C'est un principe clé dans notre organisation logistique. En effet, le choix de vacciner les plus vulnérables en premier supposait de commencer la campagne dans les EHPAD, ce qui était d'autant plus délicat que nous devions utiliser le vaccin présentant le plus de contraintes logistiques. Cela nécessitait donc une organisation particulièrement complexe. Au sein de la task force, nous avons d'ailleurs coutume de dire que nous avons abordé le problème par la face nord, une formule qui me semble juste. Aujourd'hui, le taux de vaccination est suffisamment élevé pour prouver que notre choix était bon.

On ne peut évidemment pas dire que la campagne de vaccination s'est déroulée sans heurts ni que certains de ses aspects ne sont pas perfectibles. J'ai cependant mentionné les contraintes très fortes auxquelles il fallait faire face.

Je conclurai en vous livrant quelques données factuelles concernant la situation actuelle. Plus de 90 % des résidents en EHPAD ont reçu une première injection.

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