Tout d'abord, je partage votre constat : il est vrai que tout est inédit. Les vaccins sont inédits, tout comme leurs caractéristiques de transport et de conservation, ce qui implique d'élaborer des modalités d'utilisation qui soient, elles aussi, entièrement nouvelles. Il nous faut aller très vite et toucher des populations très spécifiques. C'est pourquoi je suis en plein accord avec vous : pour affronter une situation de cette nature, il faut s'adapter en permanence, ce qui requiert parfois de faire des tests. Si cela ne fonctionne pas, on se réoriente ; voilà le quotidien de la task force, que je me permets de vous exposer avec simplicité.
En ce qui concerne les freins structurels à l'exécution de la stratégie vaccinale, cela dépend des vaccins. S'agissant de celui de Pfizer, le principal frein est évidemment celui de son transport et de sa conservation à -80o. Pour le surmonter, le choix – ou le levier – a été celui du système logistique le plus direct possible. C'est ce que les logisticiens appellent le système « au point de monte » : le produit est acheminé le plus vite possible du producteur au lieu d'utilisation. En l'espèce, cela signifie que Pfizer livre directement les établissements de santé sur le territoire – y compris, d'ailleurs, en outre-mer – , lesquels sont au nombre de cent, soit un par département, qui distribuent ensuite le produit dans les centres de vaccination. Le circuit logistique est donc très spécifique.
Concernant le vaccin de Moderna, l'enjeu est différent, car si le transport et la conservation ne doivent s'effectuer qu'à -20o – c'est moins contraignant que pour Pfizer – , les quantités reçues sont, elles, beaucoup moins importantes. La difficulté est donc ici de s'assurer de disposer de quantités suffisantes pour pouvoir donner un véritable coup d'accélérateur à la vaccination tout en restant prudent dans l'utilisation des doses pour être en mesure d'administrer les secondes injections vingt-huit jours après les premières. Je pense que vous en avez tous conscience, il s'agit d'une caractéristique spécifique à la campagne française de vaccination, qui nous différencie notamment du Royaume-Uni.
Nous avons fait ce choix car, s'agissant des vaccins de Pfizer et de Moderna, le consensus scientifique s'est arrêté sur la nécessité d'administrer une seconde dose vingt-huit jours après la première. Cette option est évidemment structurante pour la logistique : elle nous oblige à concilier l'absence de stocks avec la capacité d'administrer les secondes injections. Il nous a fallu penser un modèle nous permettant de toujours avoir les approvisionnements suffisants pour ces secondes doses.