Je souhaite tout d'abord remercier nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'avoir mis à l'ordre du jour ce débat sur la dette. Cela fait maintenant plusieurs semaines que le débat sur l'annulation de la dette dite covid détenue par la BCE déchaîne les passions sur la scène médiatique. À vrai dire, le débat semble parfois plus politique qu'économique. Il n'en reste pas moins que la dette publique est un sujet majeur, qui inquiète beaucoup nos concitoyens et dont nous devrions débattre plus souvent dans cet hémicycle. Les chiffres de la dette publique française et de son évolution ont été rappelés par les précédents orateurs. Sous l'effet de la doctrine nécessaire du « quoi qu'il en coûte », la dette a explosé, franchissant très nettement la barre symbolique des 100 % du PIB, frôlant les 120 %.
Pour autant, nous ne pensons pas qu'il faille annuler la dette covid. Même si cette solution paraît en soi alléchante et qu'elle présente l'avantage de la simplicité et de la clarté, une telle mesure ne nous semble pas pertinente en l'état. Premièrement, et cela a été rappelé tout à l'heure, il existe une contrainte juridique : le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en son article 123, interdit le financement monétaire des États par la Banque centrale européenne. De plus, une annulation de la dette pourrait se révéler contre-productive, en ce qu'elle pourrait entraîner une augmentation des taux d'intérêt. En effet, nous sommes convaincus que la signature de la France serait affaiblie par une annulation d'une partie de la dette publique, quand bien même cette dette est détenue par la BCE. Enfin, et c'est le corollaire des deux premiers points, une annulation de la dette serait-elle utile ? En l'état, nous ne le pensons pas, puisque la France ne connaît pas de difficultés pour se financer. Depuis plusieurs mois, elle profite même de taux d'intérêt très bas, voire négatifs.
Finalement, nous pouvons craindre que ce débat sur l'annulation ou non de la dette nous éloigne d'une réflexion plus aboutie sur l'endettement public. La question n'est pas tant de savoir si l'on doit annuler ou non la dette, mais plutôt de faire en sorte qu'elle soit soutenable, car le véritable enjeu est celui de la soutenabilité de la dette publique française. Cette question dépend en partie des taux d'intérêt : ils n'ont jamais été aussi bas, mais notre endettement résistera-t-il en cas de remontée importante et soudaine ?
La question de la soutenabilité de la dette dépend également de notre capacité à bien dépenser. Nous le savons, le niveau d'endettement public français est l'un des plus élevés au monde, puisque la dépense publique représentait 56 % du PIB en 2018. En tant que telle, la dépense publique n'est évidemment pas un problème, mais elle le devient si des priorités ne sont pas définies. La maîtrise de la dépense publique ne passera pas par des coups de rabot : on sait qu'ils peuvent être dévastateurs…