La dette publique doit faire l'objet d'une discussion politique rigoureuse, car ce débat engage la France pour des décennies. Disons les choses très directement : cette dette, dont vous vous plaignez souvent, est en réalité votre meilleur allié, et elle l'était déjà avant la crise sanitaire. C'est en la convoquant que vous appelez de vos voeux de nouvelles réformes antisociales comme celle des retraites.
La dette d'un État ne peut pas – et ne doit pas – être comparée à la dette d'un ménage. Fort heureusement, la dette d'un ménage n'est pas ramenée à une seule année de ses revenus ! Même si nous devons nous prémunir d'une remontée des taux, commençons par dire qu'ils sont actuellement si bas que la France consacre actuellement moins de ressources pour servir la charge des intérêts qu'en 1981, alors que la dette publique a été multipliée par cinq dans l'intervalle.
Rappelons ensuite que vous êtes responsables, dans la continuité des actions conduites au cours des quinze dernières années, des baisses d'impôts inutiles qui pèsent pour 25 % de la dette publique, sans compter la fraude et l'évasion fiscales, évaluées à 100 milliards d'euros, soit deux fois plus que le service annuel de la dette l'an dernier.
Selon vous, il faudrait maintenant réduire les dépenses publiques afin de retrouver des marges de manoeuvre en cas de nouvelle crise. N'est-ce pas précisément en réduisant les dépenses publiques que l'on a rendu nos infrastructures plus vulnérables face à la crise ? N'est-ce pas au nom de la baisse des dépenses publiques que l'on a fermé 120 000 lits à l'hôpital en vingt ans et 7 400 en deux ans, au début de ce quinquennat ? Suivre les vieilles recettes du passé serait criminel sur le plan social. Surtout, cela nous ferait prendre un retard considérable pour réaliser la bifurcation écologique de notre économie, qui va nécessiter énormément d'investissements.
Alors, faisons avancer le débat ! Vous le savez : il est possible pour la Banque centrale européenne de continuer à racheter aux États leurs titres de dette et de les classer en dette perpétuelle. Vous le savez : aux États-Unis, la Réserve fédérale vient d'en racheter pour 2 300 milliards de dollars. Vous le savez : en 1953, il fut décidé d'éponger 50 % de la dette de l'Allemagne.
Bien sûr, vous êtes en désaccord politique avec ces solutions alternatives parce que vous avez besoin de la dette pour justifier votre préférence pour la baisse des dépenses publiques. Mais, à tout le moins, pouvez-vous admettre qu'il existe d'autres solutions que vos vieilles recettes ?