Il s'appelait Dominique. Marié, père de famille, ce chirurgien a passé sa vie au chevet des autres ; durant les dix-sept derniers jours de son existence, personne n'a été au sien. Admis en clinique pour avoir contracté le covid-19, ce sont finalement les suites d'une infection qui l'ont emporté en novembre dernier, à seulement 70 ans. Pendant ces dix-sept jours d'hospitalisation, sa famille a tout tenté pour lui rendre visite. Au nom du protocole sanitaire, les portes de l'établissement sont restées closes, alors même que Dominique n'était plus porteur du virus au bout de sept jours et que les siens pouvaient fournir la preuve qu'ils n'étaient pas contaminés. Au cours des dix derniers jours de sa vie, il leur a confié par téléphone qu'il souffrait atrocement, moins de la maladie que de la solitude et des insomnies qui l'accompagnaient ; il a attendu, seul, de voir entrer l'un de ses proches. Les portes sont restées closes. Il était seul le dernier jour. Lorsque sa famille a pu lui rendre visite, on venait de fermer son cercueil.
Madame la ministre, combien de Dominique y a-t-il dans nos hôpitaux et nos cliniques ? Depuis le début de la crise sanitaire, nous assistons à la multiplication des témoignages de familles qui n'ont pu voir une dernière fois un parent au terme de sa vie. Cette situation n'est pas seulement tragique, mais indigne, indécente, tant pour les malades que pour leurs proches. Chez les premiers, la solitude peut déterminer un syndrome de glissement qui précipite la mort. Chez les seconds, l'impossibilité des visites entraîne une profonde tristesse et souvent un sentiment de culpabilité. L'adieu au visage est un élément essentiel au processus de deuil ; l'accompagnement des siens à la fin de leur vie, une composante fondamentale de notre civilisation millénaire. La crise sanitaire ne doit en aucun cas nous faire renoncer à nos valeurs humaines : c'est pourquoi Marine Le Pen a déposé ce matin une proposition de loi, que je cosignerai, visant à créer un droit opposable aux visites qui pourrait être exercé par le patient ou le résident lui-même, mais aussi par sa famille ou par les proches qu'il aurait désignés.