Intervention de Danielle Brulebois

Séance en hémicycle du mercredi 24 mars 2021 à 15h00
Suivi de la crise sanitaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Brulebois :

La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire participe activement au suivi de la crise sanitaire, et je salue l'implication sans faille de notre présidente, Laurence Maillart-Méhaignerie. La crise a notamment eu pour conséquence une explosion de la consommation de protections sanitaires à usage unique : leur production a été multipliée par 200, d'après l'Organisation des Nations unies. Si elles constituent nos meilleures alliées pour lutter contre la pandémie, elles génèrent aussi, chaque jour, des tonnes de déchets, et deviennent un fléau pour l'environnement. Telle est la préoccupation qui a motivé notre engagement dans une mission flash portant sur le traitement des masques usagés ; nous avons en effet la conviction que l'urgence sanitaire ne doit pas faire perdre de vue l'urgence écologique.

Les masques chirurgicaux, devenus des objets grand public, ont produit environ 40 000 tonnes de déchets non recyclés en 2020, tandis que les protections médicales – surblouses, charlottes… – , qui relèvent des déchets d'activités de soins à risques infectieux – DASRI – , représentent quelque 200 000 tonnes de déchets incinérés ou enfouis. Selon l'ADEME – Agence de la transition écologique – , l'incinération d'une tonne de ces déchets rejette 880 kilos de CO2 dans l'atmosphère. La facture écologique en est lourde et nécessite des actions fortes : on ne saurait accepter que l'enfouissement et l'incinération soient les seules solutions.

Nos auditions ont montré qu'une autre voie est possible, malgré les difficultés liées à la collecte, au tri, aux risques infectieux et au coût de la transformation. C'est ainsi que les entreprises Neutraliz à Tours, Plaxtil à Châtellerault, ou encore Cycl-add dans l'Ain, ont trouvé des solutions pour donner une seconde vie aux masques, en valorisant leurs matières recyclées. À Avelin, Cosmolys collecte des déchets médicaux à risques infectieux, qu'elle désinfecte et transforme en granules de polypropylène. Avec le soutien fort des collectivités, un écosystème vertueux, à la fois industriel, écologique et social, a donc pu voir le jour.

Sur le terrain fleurissent de belles initiatives, et beaucoup de bonnes volontés. C'est notamment le cas dans le Jura, avec Rudologia, pôle de compétences national consacré aux déchets et centre de formation universitaire, ainsi qu'avec les entreprises de la plasturgie, déjà très engagées dans l'écoresponsabilité et dans l'incorporation de matières recyclées. De son côté, le pôle de compétitivité Plastipolis apporte tout son soutien à la création d'une filière de recyclage spécifique pour les masques et les équipements de protection jetables.

Il faut toutefois aller plus loin. Si nous voulons avancer, le recyclage de ces déchets doit bénéficier d'un soutien public accru, au-delà du fonds économie circulaire de l'ADEME et du plan de relance – lequel comporte une mesure de soutien au financement d'équipements de banalisation des DASRI. Nous devons renforcer les incitations et l'accompagnement. En effet, des solutions existent pour diminuer la quantité de ces déchets.

La première consiste à promouvoir l'utilisation de masques réutilisables par le grand public, comme le recommande le Haut Conseil de la santé publique, en privilégiant les masques de catégorie 1, dont le pouvoir filtrant est supérieur à 90 %. Une deuxième solution réside dans le lavage des masques chirurgicaux, voie proposée par un consortium de chercheurs et de scientifiques piloté par le CNRS – Centre national de la recherche scientifique – : ils ont démontré que les masques chirurgicaux restent performants après plusieurs cycles de lavage à soixante degrés avec un détergent. Toutefois, si les masques lavés ont obtenu une certification de l'AFNOR – Agence française de normalisation – , la réutilisation des dispositifs médicaux à usage unique reste interdite en France. Pour l'autoriser, il faudrait organiser un essai clinique. Or l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – ANSM – n'a pas encore répondu à une telle demande de protocole de recherche impliquant la personne humaine. C'est un préalable nécessaire, si nous voulons mener une politique favorisant la réutilisation de ces masques.

Le statut du masque chirurgical doit évoluer : bien qu'utilisé par le grand public, il est toujours régi par le code de la santé publique, contrairement aux masques employés en entreprise, qui sont régis par le code du travail. Si une telle évolution était actée, deux utilisations du masque chirurgical seraient autorisées : l'une médicale, pour les soignants, l'autre à titre de protection individuelle, pour la population. Il faut aussi faire évoluer les normes, en accord avec le nouveau référentiel de l'ANSES – Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – , fruit d'un important travail : les fabricants pourraient alors revendiquer la possibilité que leurs masques chirurgicaux deviennent réutilisables.

Des solutions émergent donc en faveur du recyclage et de la réutilisation des masques usagés. Dans tous les cas, l'objectif est le même : lutter contre la pollution liée aux déchets. Monsieur le ministre, chers collègues, il est de notre devoir et de notre responsabilité d'encourager et de développer cette nouvelle voie de l'économie circulaire et solidaire.

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