Ma première pensée va aux familles des victimes et à tous les soignants qui, depuis plus d'un an, tiennent à bout de bras le système hospitalier, les EHPAD et les résidences, et assurent le lien quotidien avec les personnes âgées.
Nous voici replongés dans une situation sanitaire particulièrement inquiétante, un peu plus d'un an après l'apparition de la covid-19 et trois mois après le début de l'année 2021, lorsque le Président de la République a fait un « pari », selon l'expression de son propre entourage et de nombreux ministres. « Il va finir épidémiologiste », s'amuse un ministre. « Les chiffres lui donnent raison. Un confinement eut été la solution de facilité, la mesure de confort », selon un autre. Un autre encore, qui participe au conseil de défense, ajoute : « Si on avait écouté tous les Cassandre, on serait en train de travailler avec nos enfants sur les genoux depuis trois semaines ». Voilà ce que rapportait France Inter le 10 février 2021, alors qu'il avait été décidé de ne pas reconfiner le pays.
Le Gouvernement ne peut pas dire comme nous l'avons entendu que l'augmentation du nombre de contaminations est « subite ». En effet, le 28 janvier dernier, le Premier ministre avait présenté aux chefs des groupes politiques de l'Assemblée une projection du nombre possible de contaminations avec le variant anglais. Je ne suis pas une Cassandre, monsieur le ministre, mais les projections faites alors par les épidémiologistes– les vrais ! – et les spécialistes se sont malheureusement concrétisées. Par conséquent, le Gouvernement ne peut pas se dire surpris par le nombre de cas puisqu'il y a six semaines, il nous a présenté une projection qui faisait déjà état d'une augmentation exponentielle du nombre de contaminations du fait des nouveaux variants. On peut raisonnablement imaginer que si le Gouvernement nous a présenté cette projection, c'est qu'il lui accordait un minimum de crédit.
Le conseil scientifique exposait lui aussi les choses très clairement. Dans une note d'éclairage rédigée fin janvier, qui n'a hélas été rendue publique que le jeudi 25 février, le conseil préconisait un confinement précoce de quatre semaines sur l'ensemble du territoire. Ce retard récurrent dans la publication des travaux du conseil scientifique nuit à la confiance et à la nécessaire transparence des informations que Cédric Villani vient de rappeler au nom de l'OPECST.
La situation est désormais plus que préoccupante. En Île-de-France les centres hospitaliers sont à la recherche de lits pour créer, temporairement, plus de places en réanimation. Dans mon département de Seine-Maritime, la progression du virus se poursuit. Le taux d'incidence y est mesuré à 341,8 pour 100 000 personnes. Au regard de ce chiffre, l'ARS, l'agence régionale de santé, a demandé aux hôpitaux de Rouen et d'Elbeuf d'activer la phase 3 de leur plan régional de mobilisation contre la covid-19, mesure qui implique notamment la déprogrammation de 30 % de l'activité chirurgicale non urgente. Cette situation est une catastrophe pour toutes les personnes qui attendent des soins et risque de susciter une nouvelle vague d'urgences dans quelques semaines. Je le répète : les départements concernés par de nouvelles restrictions sanitaires devraient être mieux accompagnés par une accélération massive des vaccinations. Il faut utiliser toutes les doses disponibles en s'appuyant sur une organisation logistique plus musclée.
Enfin, nous avons le sentiment que la vaccination ne se fait pas en flux tendu. Je rappelle qu'en décembre 2020, l'objectif du Gouvernement était de vacciner 15 millions de Français d'ici au printemps. Le printemps, c'était samedi, et nous sommes encore loin des chiffres escomptés. Le Gouvernement doit renforcer la transparence et la concertation, notamment avec les représentants des collectivités locales. La tâche est ingrate, je le sais, monsieur le ministre, et gouverner dans ces conditions est difficile. Pour toutes ces raisons et parce que la situation est exceptionnelle, l'exécutif doit faire preuve d'une transparence totale concernant les informations dont il dispose et l'action du Gouvernement doit être contrôlée.
Malheureusement, cette obligation de contrôle a été contournée, notamment depuis la dissolution de la mission d'information relative au suivi de la gestion sanitaire. Cette instance, dotée des pouvoirs d'une commission d'enquête, assurait jusque-là cette mission de contrôle. Le 27 janvier, elle a été dissoute sous le prétexte que les commissions permanentes pouvaient assurer à elles seules ce suivi. Près de deux mois plus tard, quel est le bilan ? Cinq des huit commissions permanentes n'ont organisé aucune audition depuis le 27 janvier – je rappelle que la commission d'enquête conduisait en moyenne deux à cinq auditions par semaine : une à deux le mardi, deux à trois le mercredi et une le jeudi matin. Alors que les choix faits par l'exécutif ne sont soumis à aucun débat préalable, que les différents scénarios devraient être systématiquement mis sur la table et que les retards sur la stratégie vaccinale s'accumulent, comment expliquer que le rôle de contrôle du Parlement soit ainsi rétréci ?