Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du mercredi 24 mars 2021 à 15h00
Suivi de la crise sanitaire

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

L'été dernier, le Ségur de la santé a traduit cette reconnaissance en actes et en engagements financiers inédits. Cette reconnaissance, ces engagements, attendus par toute la nation, ne pouvaient attendre davantage. La première ligne n'est pas un concept imaginaire ou médiatique, c'est la ligne qui fait face aux patients en manque d'oxygène, en détresse respiratoire, aux vies qui ne tiennent plus qu'à un fil.

Aujourd'hui, nous sommes à un tournant de notre combat contre l'épidémie : les prochaines semaines s'annoncent très difficiles, mais pour la suite, l'espoir, encore vague il y a peu, est désormais permis. Pour que cet espoir prenne une forme concrète, il a fallu que la recherche tienne toutes ses promesses et accomplisse la prouesse d'élaborer en quelques mois seulement un vaccin dont il nous revient aujourd'hui d'assurer le déploiement dans les meilleures conditions. Nous en débattons régulièrement dans cet hémicycle. Croyez bien que nous suivons heure par heure la progression de la campagne de vaccination : à court terme, elle changera la donne, et je gage qu'elle la changera définitivement.

Mesdames et messieurs les députés, quels enseignements tirer de ce que nous avons vécu, de ce que nous vivons encore ? Nous avons appris, ce qui est la moindre des choses, me direz-vous ; mais quand survient un événement aussi inconcevable, un virus au sujet duquel les connaissances théoriques et pratiques font également défaut, cette nouveauté même constitue un handicap considérable, que seuls l'expérience et le temps peuvent permettre de surmonter. Nous avons appris à mieux détecter la maladie, à proposer dans tout le territoire des dispositifs de dépistage systématique : la France s'est montrée capable de cette prouesse technique et logistique.

Désormais, que ce soit dans les villes ou à la campagne, nos concitoyens peuvent se faire tester gratuitement, sans ordonnance, afin de se protéger et de protéger leurs proches. Nous avons appris à mieux soigner les malades, à mieux les prendre en charge. Aujourd'hui, grâce à la mobilisation des acteurs de la médecine de ville, les patients sont hospitalisés à leur domicile, même si une oxygénothérapie est nécessaire ; à l'hôpital, le nombre de lits de réanimation et de soins critiques est bien plus élevé qu'avant la crise et peut encore être adapté, en fonction de l'évolution de l'épidémie, aux besoins de chaque territoire. Nous savons organiser des transferts sanitaires par voie aérienne, par train, par bateau, afin de répartir la charge entre tous les services de réanimation de France.

Voilà quelques-uns des enseignements que nous avons tirés de cette crise sanitaire, avant même d'en être sortis. L'épidémie n'est pas un aléa sanitaire, voire hospitalier : par son ampleur, elle constitue un fait social total. Elle interroge nos institutions, le statut de la parole scientifique et jusqu'aux valeurs les plus fondamentales de notre nation, c'est-à-dire pour le Gouvernement, ces dernières semaines, ces derniers mois, la santé de nos concitoyens et les solidarités qui protègent chacun. Il y a des décisions qu'il coûte de prendre ; il y a aussi des enjeux qui n'ont pas de prix. Je suis ministre des solidarités et de la santé : mon portefeuille ne réunit pas par hasard ces deux aspects en réalité indissociables de la protection sociale. Peu d'institutions abritent le quotidien des Français, leurs joies, leurs peines, leurs espoirs, comme la sécurité sociale, ce pilier du pacte républicain : en témoigne le fait que ses valeurs mettent à peu près tout le monde d'accord, en dépit des profondes divisions de notre société.

Quand tout semble fragile, incertain, la protection sociale est un repère solide, ces derniers mois nous l'ont rappelé. Dans la création d'un revenu de remplacement pour faire face à un ralentissement d'activité inédit, comment ne pas voir la preuve de son rôle majeur en matière d'accompagnement de la vie économique ? L'épidémie aura également prouvé, si besoin était, que l'universalité constituait un principe et une exigence indispensables. Il suffit pour s'en convaincre de diriger son regard vers les pays qui ont fait d'autres choix, des pays pourtant riches, mais où l'accès aux soins ne relève pas de l'évidence pour tout le monde, tant s'en faut. Notre protection sociale est donc bien plus qu'une grande machine assurantielle : c'est une véritable conception de la vie, fondée sur la solidarité, car, dans le pays des droits de l'homme, on ne demande pas à un malade s'il a les moyens de se soigner avant de lui ouvrir les portes d'un hôpital ou d'un laboratoire. La santé pour tous, les solidarités pour chacun, voilà notre exigence commune : l'épidémie n'a fait que la renforcer.

Cette exigence a beau être partagée, je n'en mesure pas moins la fatigue, la lassitude et parfois le découragement de nos concitoyens. Je sais combien les efforts et les sacrifices consentis par chacun sont importants. Ils sont courageux, les Français ! Néanmoins, si, depuis un an, j'ai pu me forger une conviction inamovible, c'est celle qu'il ne faut pas opposer mesures sanitaires et vie collective. Protéger nos concitoyens les plus vulnérables, ce n'est pas faire preuve de charité, ce n'est pas choisir, ce n'est pas privilégier les uns au détriment les autres : c'est honorer notre pacte social et ses promesses. Dedans ou dehors, être citoyen, c'est considérer que toutes les vies ont la même valeur et que chaque vie compte ; chacun de nos comportements individuels contribue à la solution collective qui est devant nous. Après avoir affronté deux vagues, nous savons comment vaincre la troisième. Nous la vaincrons donc et, grâce au courage des Français, nous la vaincrons vite.

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