Intervention de Pierre Dharréville

Séance en hémicycle du mercredi 24 mars 2021 à 15h00
Évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville, GDR :

Nombre de maladies, dont certaines comptent parmi les plus graves, résultent de notre milieu de vie, de notre environnement, de notre exposition à des facteurs de risque auxquels nous sommes plus ou moins sensibles. De nombreuses maladies pourraient donc être éliminées. Encore faut-il comprendre et identifier clairement les liens de cause à effet.

Une chose est sûre, nous devons agir. Nous devons agir sur les causes, sur nos modes de vie, de production et de consommation, et nous devons donner de la force à des politiques publiques de prévention puissantes qui doivent revêtir une dimension structurelle et ne pas se contenter de messages de conseil. Ces enjeux soulèvent des questions politiques en de nombreux domaines.

Il faut donc, comme le suggère le rapport de la commission d'enquête, en faire une obsession des politiques publiques. Nous ne pouvons pas nous désintéresser des conséquences de nos modes de vie, des choix que nous faisons ou que nous ne faisons pas. La période que nous vivons est venue nous rappeler l'importance de cette priorité suprême qu'est la santé. Nous devons en tirer toutes les conséquences, au-delà même de la lutte contre la pandémie.

Mais pour relever ce défi, nous avons besoin d'une action publique qui soit à forte dimension citoyenne, susceptible de mobiliser les outils publics de recherche, d'expertise, d'analyse mais aussi – j'insiste là-dessus – de cartographie et de cadastre qui peuvent s'avérer utiles.

Or le constat est sévère. Sans moyens à la hauteur dans les institutions publiques qui oeuvrent à la santé environnementale, qu'est-ce qui peut garantir un véritable engagement politique ? Qu'est-ce qui peut garantir la manifestation dans la vie d'une véritable volonté politique ? Faisons-nous le nécessaire ou décidons-nous de continuer à affaiblir ces institutions ? Quid des baisses d'effectifs à l'agence Santé publique France, qui amoindrissent les capacités à mener des recherches prospectives ? Quid des ressources des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement ? N'oublions pas les multiples institutions qui, comme l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES, travaillent dans ce domaine. Quid des moyens des instituts de recherche ?

Il faut aller au-delà. Agissons-nous pour le développement du rail, pour les déplacements de personnes comme pour le transport de marchandises, ou décidons-nous de nous en remettre au marché ? Décidons-nous de démantibuler EDF ou essayons-nous de nous donner les moyens d'agir dans le domaine de la production d'énergie ? Décidons-nous de prendre des mesures à la hauteur pour le climat ou bien faisons-nous semblant ?

Le néolibéralisme est un poison pour la santé environnementale : le capitalisme, lui, s'en contrefiche. Pour agir sérieusement, il faut s'y attaquer. L'une des façons de le faire est de ne pas laisser l'expertise aux industriels ou aux cabinets de conseil. C'est pourquoi je plaide pour la création d'incubateurs industriels publics se portant à la pointe des avancées technologiques pour être moteurs dans la transformation des outils de production.

C'est de concert qu'il faut agir pour la santé environnementale et pour la santé au travail – point trop souvent aveugle des diagnostics et des analyses. C'est d'expérience que j'en appelle à engager des actions résolues dans ces deux domaines, en faisant un effort déterminé pour toujours mieux élucider les causes structurelles des maladies et ne pas les attribuer à la fatalité.

Je vous parle d'un territoire, le golfe de Fos-sur-Mer, où les pollutions atmosphériques avérées ont des conséquences sur la santé des habitantes et des habitants. Ce territoire se bat pour changer les choses, demande la transparence, des études et des actes.

Nous voulons mieux connaître l'environnement atmosphérique et son évolution, ce qui le détermine et son influence sur la santé : nous réclamons des études publiques environnementales et sanitaires auxquelles doivent être pleinement associés les citoyennes et les citoyens. Nous voulons être mieux soutenus et accompagnés. Nous voulons que la recherche publique s'empare de ces données locales, les corrèle et les étudie. Il s'agit ici d'être à la pointe de thématiques de recherche encore trop marginales, notamment celles qui portent sur les particules ultrafines ou sur les effets cocktails.

J'ai proposé que le golfe de Fos-sur-Mer soit déclaré site pilote dans la lutte contre les pollutions atmosphériques, car c'est un lieu emblématique où les problématiques d'environnement et de santé s'imbriquent étroitement. Densément peuplé, il est l'un des territoires les plus industrialisés d'Europe – raffinage, pétrochimie, sidérurgie. Il est aussi marqué par la présence d'un grand port maritime et d'un fort trafic routier. Il est le théâtre de mobilisations, d'expérimentations et d'initiatives dont nous avons à tirer des leçons. L'objectif serait de faire de ce territoire un lieu d'excellence dans la lutte contre les pollutions atmosphériques.

Pour avancer, nous devrions décider d'instituer des sites pilotes en santé environnementale, afin de faire progresser les connaissances et de les partager. Ils seraient dotés de moyens particuliers dans le cadre d'une démarche démocratique associant les différents acteurs. Je suis certain que nous gagnerions à porter le fer concrètement par ce biais dans plusieurs endroits du pays et sur différentes problématiques.

Enfin, je veux saluer le travail effectué pour ce rapport par Élisabeth Toutut-Picard et Sandrine Josso, et leurs propositions concernant notamment les cancers pédiatriques, les perturbateurs endocriniens, les substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction – CMR.

N'en restons pas aux incantations, donnons-nous les moyens d'agir plus vite et plus fort.

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