C'est aussi avec une certaine émotion que j'interviens à cette tribune. Je voudrais remercier Yannick Favennec-Bécot de son initiative et saluer Louis Giscard d'Estaing dans les tribunes réservées au public.
Le 2 décembre dernier disparaissait le président Valéry Giscard d'Estaing. L'ensemble de la classe politique française lui a rendu hommage et Emmanuel Macron a souligné à quel point son septennat avait transformé la France. Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés revendique cet héritage d'une société ouverte, moderne et solidaire. Nous sommes quelques-uns à avoir connu ce président fédérateur, qui avait su conjuguer, dans l'exercice de l'État, modernité et respect de notre héritage culturel et collectif. Je me souviens de la dynamique qu'il avait impulsée, bien avant Emmanuel Macron, celle d'une politique transpartisane transcendant les clivages et s'adressant à toutes les générations.
Je m'étais d'ailleurs personnellement engagé dans son mouvement de jeunesse, Génération sociale et libérale, avec notre regrettée Marielle de Sarnez – qui pourrait être à ma place en ce jour. Nous avions notre carte de militant sur laquelle était inscrite la devise « l'élan de la jeunesse est l'élan de tout le pays », à laquelle je suis toujours attaché. Que ces moments étaient intenses ! Valéry Giscard d'Estaing incarnait la modernité, l'audace, l'ouverture au monde ; il a fait avancer notre pays dans le XXIe siècle, qu'il voulait européen. Si je suis parmi vous aujourd'hui, c'est grâce à lui ; il a su me convaincre de l'importance d'oeuvrer pour le bien commun. Nous connaissons bien, dans cet hémicycle, son apport au droit : l'abaissement de la majorité à 18 ans, la légalisation de l'IVG menée par Simone Veil, l'introduction du divorce par consentement mutuel, la création de l'APL – aide personnalisée au logement – , sans oublier le collège unique, permettant un plus large accès au baccalauréat, ou encore l'ouverture de la saisine du Conseil constitutionnel aux parlementaires.
Mais il est un domaine de l'action de Valéry Giscard d'Estaing qui est peut-être un peu plus méconnu : son apport à la culture, qu'il s'agisse du musée Picasso, de l'Institut du monde arabe, du musée de la Renaissance d'Écouen ou encore du musée d'Orsay et de l'Orangerie. Tous ces hauts lieux de culture ne seraient pas sans son impulsion. En novembre 1980, le président Giscard, de son regard visionnaire, voyait déjà dans ce qui n'était encore que la gare d'Orsay désaffectée, glacée par les courants d'air – bien que cela soit contraire à sa prétention auvergnate de résister à toutes les formes de glaciation, comme il le rappelait avec humour – , ce qui deviendra l'un des plus hauts lieux culturels du monde, abritant certains des plus grands chefs-d'oeuvre impressionnistes. Sans doute avait-il l'idée, en regroupant en un seul lieu ce patrimoine artistique, paysager, historique et culturel, de mettre en lumière une facette de notre identité et de notre histoire.
À naviguer désormais dans les travées, couloirs et passerelles de ce paquebot des arts, aussi exigeant artistiquement qu'accessible à tous, on ne peut que constater le défi que s'était lancé le président Valéry Giscard d'Estaing. Ce défi consistant à réaliser un écrin à même de reconstituer le décor humain de la création – selon ses propres mots – , tout en restant démocratique, est brillamment relevé. Son ambition de permettre aux visiteurs de toucher la main des artistes disparus pour inscrire les oeuvres dans le temps long, face à l'immédiateté de notre temps, a été réalisée. Désormais, il revient à notre temps de savoir rendre hommage à ce grand homme discret ; il nous appartient de témoigner notre reconnaissance collective, au-delà du deuil national que nous avons porté, en accolant son nom à celui du musée d'Orsay et de l'Orangerie. Adoptons donc cette proposition de résolution, pour laisser perdurer à travers son nom le message d'espoir et de confiance dans l'avenir d'un pays attaché à ses racines, fier de sa culture, qu'il s'était appliqué à traduire tout au long de sa vie politique comme littéraire.