Comme le rappelle justement la présente proposition de résolution et comme cela a été dit avant moi, sans le volontarisme politique du président Valéry Giscard d'Estaing, l'ancienne gare d'Orsay ne serait jamais devenue le musée – et quel musée ! – dédié à l'art de la seconde moitié du XIXe siècle qu'elle est aujourd'hui. Cette décision remonte à l'automne 1977. Clairement, le président Valéry Giscard d'Estaing a été l'artisan de la transformation et de la renaissance de la gare d'Orsay, avec un esprit qui lui était propre, celui de l'exigence de l'excellence.
Dans un documentaire d'Arte diffusé en 2011, il raconte avec malice comment un dîner à Venise, à l'occasion d'un sommet européen, l'a inspiré pour l'architecture intérieure du musée d'Orsay, avec « le choix d'une personne inconnue en France ». C'est cette prise de risque qui est la marque du président Giscard d'Estaing, comme l'a été pour d'autres la pyramide du Louvre. La réussite d'une création, c'est de créer du nouveau, pas de refaire l'existant ; Valéry Giscard d'Estaing avait pour Orsay cette exigence. La « personne inconnue en France » était une architecte d'intérieur italienne, qui expliqua que son inspiration consistait à donner aux visiteurs l'énergie de visiter le musée. Or cette énergie ne découle que de l'organisation de l'espace. Clairement, Orsay porte la marque du président Valéry Giscard d'Estaing dans les choix retenus : « Je ne voulais pas que ce soit trop pharaonique [… ], peut-être mettre un peu plus de mouvement, de légèreté dans les volumes ; ce qu'elle a fait ». Au-delà des choix architecturaux, Orsay traduit l'exigence d'excellence qui a été le moteur de Valéry Giscard d'Estaing – je le cite à nouveau : « L'individualisme est un comportement exclusivement négatif, inspiré par la médiocrité et le ressentiment : il ne consiste pas à chercher l'élévation, l'épanouissement, mais à empêcher les autres de s'élever, à étouffer l'épanouissement des autres qui sont ressentis jalousement, comme une concurrence. Une société saine combat nécessairement l'individualisme. Elle cherche l'excellence, et ceci est incompatible avec l'individualisme. »
La deuxième raison qui justifie notre vote favorable, c'est l'idée de l'inscription dans l'histoire. Les grands travaux participent de cette inscription physique dans le temps. Certains pourront les critiquer, au motif qu'ils relèveraient du fait du prince, mais le problème du fait du prince n'est pas les grands travaux, mais plutôt la Ve République. Oui, il est important de marquer son temps, d'abord évidemment avec des politiques publiques – c'est l'ambition première de la politique – , mais aussi en s'inscrivant dans l'espace ; Orsay répond à cette exigence.
Plus encore peut-être que tout autre monument, il échappe à la critique d'être le fait du prince, puisqu'il doit son existence à trois présidents de la République : Georges Pompidou a évité la destruction de la gare avec un premier classement, Valéry Giscard d'Estaing a inventé et créé le musée et François Mitterrand a poursuivi le projet engagé.
Comme l'a évoqué M. Chassaigne, François Mitterrand avait adressé à Valéry Giscard d'Estaing une invitation très personnelle à l'inauguration : « Ce musée vous doit d'exister, j'en parachève l'entreprise. Il y fallait du temps : nous y sommes. La continuité de l'État, dans un domaine qui ne prête pas à interprétations politiques, serait heureusement affirmée de la sorte. » Le président Mitterrand parlait de « continuité esthétique ».
Oui, donner son nom à un monument, c'est inscrire une incarnation. Le président Pompidou a donné son nom au Centre national d'art et de culture – on sait qu'il a permis l'éclosion de l'art contemporain en France ; le président Mitterrand a donné son nom à la Bibliothèque nationale – on sait qu'il aimait les livres ; le président Chirac a donné son nom au musée des Arts et Civilisations d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques – nous avons découvert le jardin secret que constituaient pour lui les arts premiers.
Il est grand temps de donner au musée d'Orsay le nom du président Valéry Giscard d'Estaing, dont on se remémore les dissertations sur le XIXe siècle. Ce n'est donc pas l'esplanade devant le musée ou sa grande nef qui doivent être rebaptisées pour porter son nom, mais le musée lui-même.