Madame la rapporteure, je vous remercie pour la proposition de loi que vous avez déposée. Il est peu de moments dans notre assemblée où une telle unanimité règne. Cette cause nous rassemble tous.
Le texte aborde deux problématiques un peu différentes, celle de l'école qui doit accueillir les enfants malades et celle des familles qui sont confrontées au choc terrible d'apprendre une maladie grave ou un cancer pédiatrique.
S'agissant de l'école, de grands progrès ont été accomplis au cours des dernières années et il faut s'en réjouir. La proposition de loi, en ses articles 2 et 3, a le mérite de préciser les choses. Voilà pourquoi elle est très bonne selon moi. Mais soyons francs : vous le savez autant que moi, si nous voulons résoudre le problème de l'accueil des enfants atteints de très graves maladies ou en convalescence qui ont besoin de reprendre pied à l'école, il faut reconstruire dans notre pays une médecine scolaire digne de ce nom. J'ai assisté en près de vingt ans, dans ma circonscription, à la lente dégradation de la médecine scolaire : disparition des postes ; quand les postes existent, ils ne sont pas occupés, comme l'a rappelé un précédent orateur. Si nous voulons donner corps à votre proposition de loi qui sera bientôt loi, nous devons nous assigner l'objectif, lors du vote du budget de l'éducation nationale, de donner la priorité à la reconstruction de la médecine scolaire.
Le deuxième point, qui figure dans l'article 1er, concerne le choc terrible, le tremblement de terre que représente l'annonce à une famille d'une maladie chronique grave ou d'un cancer pédiatrique. 2 500 familles françaises reçoivent un tel choc. Et tout bascule, sur le plan affectif bien sûr, car c'est une douleur immense et abominable que vivent pendant des années des familles – vous connaissez ce livre absolument extraordinaire que je recommande à ceux qui nous regardent : Regards : maladies infantiles graves : des proches témoignent qui rassemble autant d'anecdotes que de drames et dans lequel transparaissent à la fois une grande espérance et une immense douleur. Je cite le témoignage qui m'a bouleversé d'Elsa, une jeune fille qui a eu un cancer à 17 ans et qui heureusement a pu en réchapper : « la force, c'est de pouvoir regarder la douleur en face, lui sourire et continuer, malgré ses coups, à se tenir debout ». Notre rôle à tous, c'est d'aider ces familles à se tenir debout.
Alors le congé de deux jours est une mesure bienvenue, évidemment – vous pouvez être fiers de votre proposition de loi ; mais franchement, notre nation, qui consacre des dizaines, des centaines de milliards d'euros à tel ou tel dispositif social, ne peut-elle pas apporter une réponse à 2 500 familles par an ? C'est vrai que cela représente malheureusement du monde, mais notre nation ne peut-elle pas élaborer un plan d'aide pour accompagner ces familles et éviter que s'ajoute à la douleur de l'épreuve l'insupportable de contingences quotidiennes que l'on n'imagine pas ? Cela peut être le licenciement : oui, des parents d'enfants atteints de cancer et qui vont parfois mourir sont licenciés. Oui, des parents d'enfants qui vont mourir sont obligés de vendre leur maison parce qu'ils ne peuvent plus rembourser leur crédit et que le système assurantiel ne fonctionne pas. Voilà la réalité ! Oui, des parents qui ne peuvent pas compter sur le réseau de solidarité familiale ne peuvent pas accompagner dignement leur enfant pour guérir et parfois mourir. Notre nation ne s'honorerait-elle pas à instaurer des dispositifs qui sont faisables et qu'elle peut financer quand on connaît les gaspillages ici ou là ?
Il convient d'abord d'améliorer le fonctionnement du conseil car – des familles me le disaient hier encore – il faut souvent attendre six ou huit mois pour obtenir une réponse sur les dispositifs d'aide. Les familles sont perdues quand elles apprennent une nouvelle si douloureuse. Ensuite, il faut éviter la chute des revenus, peut-être en créant un statut protégé qui permettrait une prise en charge, au moins la première année, de l'accompagnement de l'enfant dans tous les examens médicaux, notamment les déplacements. Comme l'a dit notre collègue François Ruffin, il faut aussi concevoir un mécanisme de gel des remboursements de crédits des maisons, prendre en charge les coûts supplémentaires, notamment des compléments alimentaires qui ne sont pas remboursés par la sécurité sociale.
Dernier point et je conclus, monsieur le président, mais ce sujet me tient à coeur : la recherche sur les cancers pédiatriques. Comment peut-on accepter dans notre pays, mes chers collègues, que l'industrie pharmaceutique ne dégage pas les budgets de recherche nécessaires parce que les enfants qui meurent du cancer ne sont pas assez nombreux ? Comment peut-on l'accepter et ne pas flécher des crédits pour accélérer la dépense et faire des recherches qui seraient si utiles pour sauver des vies ?