Intervention de Pacôme Rupin

Séance en hémicycle du jeudi 25 mars 2021 à 21h00
Lutte contre les individus violents lors de manifestations — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPacôme Rupin :

Depuis plusieurs années, les manifestations donnent lieu à de nombreux délits, violences sur les personnes, dégradations de monuments ou de commerces, affrontements avec les forces de l'ordre, et le procès qui se tient actuellement pour les dégradations inacceptables de l'Arc de triomphe en décembre 2018 nous rappelle ce phénomène qui dure maintenant depuis plusieurs années. Outre ces dérapages, on constate que les manifestations sont de plus en plus imprévisibles et sont moins structurées que par le passé. Tout cela ne facilite ni le maintien de l'ordre ni l'exercice du droit effectif de manifester.

Ces délits, nous le savons, sont le fait d'une petite minorité d'individus violents. Plus qu'à revendiquer ou à débattre, ils cherchent le chaos, ainsi qu'à entraîner avec eux des personnes pacifiques en déclenchant la violence. C'est bien la majorité des manifestants, qui veulent exprimer leurs idées et exercer leur liberté d'expression dans le calme, qui sont les premières victimes de ces agissements. Le phénomène des black blocs illustre bien cette spoliation des causes. Ces violences privent d'une certaine manière nos concitoyens de leur liberté de manifester, ce qui est grave.

En tant que député de Paris, dont la circonscription couvre l'axe République-Bastille, je sais combien ces événements exaspèrent les riverains qui ont peur, les commerçants, dont les vitrines sont régulièrement saccagées, ainsi que les nombreux citoyens qui manifestent en respectant les règles et ont le sentiment de ne plus pouvoir s'exprimer comme ils le souhaitent.

Notre majorité a toujours tenté de préserver un équilibre entre garantir, d'une part, le droit de manifester, qui découle directement de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et, d'autre part, l'ordre public et la protection des forces de l'ordre. Ce travail est également mené par nos forces de sécurité à travers le livre blanc de la sécurité intérieure ou le Beauvau de la sécurité. Il s'agit, d'un côté, de mieux prévenir la constitution de groupes violents, d'isoler et de judiciariser les fauteurs de trouble ; de l'autre, de renforcer la médiation et le dialogue avec les manifestants et les organisateurs, pour les protéger et préserver leur liberté d'expression.

Le texte du groupe UDI-I, défendu par le rapporteur Pascal Brindeau, vise à créer une interdiction administrative de manifester : concrètement, si une personne constituait une menace grave caractérisée par des agissements passés, le préfet pourrait prononcer cette interdiction par arrêté motivé pour une manifestation sur la voie publique ou pour toute manifestation sur le territoire pendant dix jours.

Cette disposition reprend l'article 3 de la loi du 10 avril 2019, dite anticasseurs, proposée au Sénat par M. Retailleau et adoptée par l'Assemblée nationale. Le Conseil constitutionnel a censuré cet article, considérant qu'il laissait à l'autorité administrative une latitude excessive dans l'appréciation des motifs susceptibles de justifier l'interdiction. L'atteinte à la liberté de manifester a été jugée disproportionnée, compte tenu de la portée de l'interdiction contestée, des motifs susceptibles de la justifier et des conditions de sa contestation.

Si nous pouvons saluer le travail du rapporteur, qui a tenté de tenir compte des réserves du Conseil constitutionnel, cependant, nous pensons que l'équilibre proposé entre préservation de l'ordre public et liberté de manifester reste incertain. Partagée par de nombreux groupes, cette inquiétude a motivé le rejet du texte par la commission des lois.

À ce stade, il nous semble nécessaire de prendre du recul et d'analyser les effets de la loi de 2019, qui donne déjà des leviers importants au juge judiciaire, garant des libertés individuelles. L'article 7 lui permet de prononcer une peine d'interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, ne pouvant excéder une durée de trois ans. L'article 8 permet d'interdire à une personne placée sous contrôle judiciaire de participer à des manifestations sur la voie publique, dans des lieux déterminés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention – JLD.

Avant de légiférer de nouveau, voyons si ces mesures sont efficaces et tenons compte de l'avis du Conseil constitutionnel. Cela ne doit pas être un argument pour nous, je vous l'accorde, mais nous avons déjà légiféré sur ce sujet en prenant un risque de censure. Et ce risque s'est concrétisé. C'est pourquoi, tout en partageant votre volonté de lutter contre les violences commises lors des manifestations, le groupe La République en marche tiendra compte de cette décision du Conseil constitutionnel en votant contre ce texte.

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