Depuis le début de la semaine, dix personnes sont jugées pour des dégradations et des vols commis dans l'Arc de triomphe, il y a deux ans, à l'issue d'une manifestation de gilets jaunes. Nous avons tous en tête les images de ces saccages, de ces violences inacceptables et choquantes ; nous nous souvenons de notre sidération devant ces débordements. Les casseurs sont un fléau : ils portent une atteinte considérable à la liberté de manifester, liberté fondamentale à laquelle le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés est viscéralement attaché. Ces groupuscules violents, qui ne sont pas représentatifs de la majorité des manifestants, nuisent à l'ordre public ainsi qu'à la sécurité des personnes et des biens.
C'est pourquoi nous comprenons votre démarche, monsieur le rapporteur, que traduit votre proposition de loi. Notre groupe considère cependant qu'il faut laisser à notre arsenal juridique en vigueur le temps de porter ses fruits. La loi du 10 avril 2019 donne déjà aux autorités des instruments légaux pour mettre hors d'état de nuire ceux qui cassent et agressent les forces de l'ordre lors des manifestations.
L'autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles, a des moyens d'action qui nous permettent de préserver un juste équilibre entre liberté de manifester et sécurité. Il ne nous paraît donc pas pertinent de légiférer de nouveau pour mettre en place une interdiction administrative de manifester à l'encontre de personnes pouvant constituer une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, à l'occasion d'une manifestation sur la voie publique.
Nous sommes d'accord avec votre constat, monsieur le rapporteur : certains mouvements de protestation sont infiltrés par les black blocs, qui n'ont d'autre objectif que de casser et d'affronter les forces de l'ordre, parfois avec une violence inouïe. Ces éléments radicaux, qui n'ont pas leur place dans ces manifestations, provoquent malheureusement des scènes quasi insurrectionnelles, des sortes de jacqueries, qui donnent lieu à des appels à la haine et des violences inadmissibles envers les forces de l'ordre, les journalistes, des élus et parfois même des manifestants. Ces violences s'accompagnent de nombreuses dégradations et destructions de commerces, de véhicules et d'équipements publics, dont le coût est supporté par la collectivité.
Dans ces conditions difficiles, les forces de l'ordre, qui doivent déjà assurer la sécurité des Français au quotidien et faire face à la menace terroriste toujours présente, interviennent avec courage et professionnalisme. Nous devons donc leur permettre d'agir en assurant le plus possible leur sécurité, ce qui passe par un renforcement de leurs moyens humains et financiers.
La proposition de loi du sénateur Bruno Retailleau, devenue la loi du 10 avril 2019, dite anticasseurs, prévoyait déjà la disposition qui nous est soumise aujourd'hui pour lutter contre cette violence, mais elle a été censurée par le Conseil constitutionnel. Certes, vous avez tenu compte de ses observations : votre rédaction est plus respectueuse de notre loi fondamentale. Cependant, comme en 2019, notre groupe veille particulièrement à ce que de telles mesures puissent garantir les libertés publiques tout en préservant l'ordre public. Craignant qu'elle n'atteigne pas cet équilibre indispensable à notre État de droit, il ne votera pas pour cette proposition de loi.