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José Evrard
Question N° 12215 au Ministère de l'europe


Question soumise le 18 septembre 2018

M. José Evrard attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'attitude du secrétariat général de l'Organisation des Nations unies (ONU). En tant que membre permanent du conseil de sécurité, la France est une puissance qui compte à l'ONU. De par ce statut, la France doit faire en sorte que l'institution, dont la vocation est d'être neutre en cas de désaccord de ses membres, ne prenne pas d'initiatives qui s'avèreraient partisanes. Or il s'avère que deux événements récents vont à l'encontre de ce que la communauté des Nations est en droit d'attendre de l'ONU. Le premier concerne la France, l'affaire de la crèche Baby Loup, le comité des droits de l'Homme de l'ONU émet un avis sur les suites judiciaires de l'affaire comme étant une atteinte aux libertés, c'est-à-dire une condamnation de la laïcité française. Est-ce dans ses compétences ? Plus grave est l'attitude de l'ONU concernant la Syrie. D'après le ministre russe des affaires étrangères, un document, non officiel, émanant du secrétariat général, donnerait les instructions aux agences de l'ONU de ne participer en aucun cas à la reconstruction de la Syrie. Ce document élaboré par le numéro deux de l'ONU stipulerait : « Les Nations unies seront prêtes à aider à la reconstruction de la Syrie uniquement lorsqu'une transition politique globale, authentique et inclusive, négociée par les parties syriennes au conflit, sera fermement engagée ». C'est un appel à la destitution du président syrien. Il lui demande ce qu'il compte faire pour rappeler à l'ordre le secrétariat général de l'ONU.

Réponse émise le 5 février 2019

Le Comité des droits de l'Homme a adopté le 16 juillet 2018 des constatations dans l'affaire dite "Baby Loup". Pour mémoire, le Comité est un organe non juridictionnel à composition restreinte, comptant 18 experts indépendants ressortissants des Etats parties, élus pour quatre ans et siégeant à titre individuel. Son secrétariat est assuré par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme. Le Comité est chargé de veiller à la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politique. Il est notamment compétent pour examiner des communications de particuliers s'estimant victimes de violations d'un des droits reconnus dans le pacte. C'est dans ce cadre que l'intéressée a adressé sa communication au Comité. Dans cette décision, le Comité a estimé que le licenciement pour faute grave sans indemnité de rupture de l'auteure de la communication fondé sur son refus d'ôter son voile constitue une mesure disproportionnée, en violation de l'article 18 du Pacte (liberté de religion). Il relève que "le port d'un foulard ne saurait en soi être considéré comme constitutif d'un acte de prosélytisme"et que"l'information fournie par l'Etat français ne permet pas de conclure que l'interdiction du port du foulard, dans les circonstances du cas d'espèce, pouvait contribuer aux objectifs de la crèche ou à ce qu'une communauté religieuse ne soit pas stigmatisée". Le Comité a également jugé que la restriction du règlement intérieur affecte de façon disproportionnée les femmes musulmanes, telles que l'auteure, faisant le choix de porter un foulard, ce qui constitue une violation de l'article 26 du Pacte (non-discrimination). Cette décision est une décision portant sur le cas individuel de l'auteure de la communication, au regard des dispositions du Pacte international des droits civils et politiques, instrument universel de protection des droits de l'Homme. Il importe de préciser que le gouvernement français considère que les constatations du Comité des droits de l'Homme et des autres comités en matière de protection des droits de l'Homme ne sont pas contraignantes. Cette position a été notamment exprimée lors de l'élaboration de l'Observation générale n° 33. Le gouvernement considère notamment que le terme "constatation", traduit en anglais par "views" et en espagnol par "observaciones", décrivant les décisions du Comité, tel qu'il est employé à l'article 5 § 4 du Protocole facultatif instaurant les communications individuelles, signifie, sans la moindre ambiguïté, qu'il s'agit d'une recommandation faite à un Etat par le Comité chargé d'interpréter le Pacte et non d'une décision impérative qu'il y aurait lieu de mettre à exécution. Cette lecture est d'ailleurs confortée par le fait qu'à aucun moment le Protocole facultatif n'a envisagé, contrairement à d'autres instruments, la question de l'exécution, laquelle n'avait pas lieu d'être puisqu'il s'agissait bien de recommandation et non de décision dans l'esprit des rédacteurs et des Etats qui ont adhéré au Protocole facultatif. En conséquence, le gouvernement considère que l'Etat partie n'a pas d'obligation juridique contraignante d'exécuter les constatations rendues par le Comité dans une affaire donnée. Néanmoins, dans le cadre d'un dialogue constructif avec le Comité, il appartient à l'Etat partie de répondre à une demande sur les suites que l'Etat entend y donner. Ainsi les ministères compétents ont été saisis afin d'adresser des éléments de réponse au Comité dans un délai de six mois. S'agissant de la situation en Syrie, la France, en accord avec ses partenaires européens ainsi qu'avec les États-Unis et le G7, soutient pleinement la position des Nations unies et s'est déjà exprimée clairement à ce sujet. Il ne peut y avoir de reconstruction durable sans perspective politique claire. Aussi, la France se tient prête à contribuer à la reconstruction de la Syrie dès lors qu'un processus politique irréversible global, crédible et inclusif sera engagé. Ces conditions ne sont pas réunies car le régime syrien a systématiquement refusé de s'engager dans cette voie. La résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée à l'unanimité des membres, en décembre 2015, fixe les modalités de ce processus politique permettant un financement efficace et soutenable de la reconstruction. Par ailleurs, la France continue de plaider et de se mobiliser pour un soutien aux populations civiles en Syrie et en faveur d'un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave. A ce titre, elle condamne l'obstruction de l'aide humanitaire par le régime, notamment celle, nécessaire, apportée par les agences des Nations unies.

3 commentaires :

Le 21/09/2018 à 19:05, chb17 a dit :

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Parvenir à un putsch contre la République syrienne, c'est l'objectif avoué depuis sept ans de la "diplomatie" française. Il est désolant de constater que l'Organisation des Nations Unies, réputée lieu de résolution de conflits, est un simple "machin" au service des plus forts.

Quant aux atteintes aux libertés, elles sont évidemment dans le collimateur de l'institution qui a élaboré la DUDH il y a 70 ans. Au fait, qui préside le Conseil des droits de l'homme de l'ONU depuis trois ans, si ce n'est l'Arabie séoudite ?

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Le 22/09/2018 à 10:30, Laïc1 a dit :

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M. Badawi, Saoudien qui reçoit des coups de fouet tous les vendredis parce qu'il a osé défendre les droits de l'homme en Arabie Saoudite, en est ravi...

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Le 22/09/2018 à 15:48, chb17 a dit :

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Cette responsabilité accordé à un pays si rétrograde est une imposture, illustrée entre autres par la cruauté que vous rappelez, Laïc, à l'égard d'un homme brave. Il est à craindre que le dossier Babyloup ne marque lui aussi une dérive pro-sectaire dans la même veine, comme le note le député José Evrard.

Mais l'instrumentalisation des Nations Unies n'est pas le fait de Riyadh, quand la coalition internationale F-UK-US détourne ses instances à des fins néocolonialistes.

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