Mme Huguette Bello attire l'attention de M. le Premier ministre sur l'application de l'article de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique (loi n° 2017-256 du 28 février 2017) qui généralise à l'ensemble des corps de fonctionnaires de l'État -qu'ils appartiennent ou non à un corps régi par un statut spécial - les dispositions érigeant les centres d'intérêts matériels et moraux (CIMM) parmi les critères prioritaires de mutation outre-mer. Plus précisément, l'article 85 de la loi dispose que les demandes des fonctionnaires qui justifient de CIMM dans l'une des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution bénéficient d'une priorité de traitement. Cette mesure a été confirmée par la circulaire du 1er mars 2017 relative aux CIMM cosignée par les ministres de la fonction publique et des outre-mer. Après avoir rappelé d'une part que la loi est d'application directe et immédiate et souligné d'autre part la nécessité de parvenir à une homogénéité dans l'application en demandant pour cela aux ministères de se référer à une circulaire FP de 2007 qui synthétise la jurisprudence du Conseil d'Etat sur la définition des CIMM, la circulaire renvoie à chaque ministère la responsabilité de définir les modalités de prise en compte des CIMM. Cette mise en œuvre, qui tient compte de l'adaptation aux besoins propres à la gestion des différents corps, risque toutefois de rendre difficile la lecture du dispositif et d'aboutir à d'importantes variations selon les ministères. C'est pourquoi, il paraît important de bien circonscrire le cadre d'application en précisant deux règles générales. La première concerne la définition de la notion de CIMM. La circulaire du 1er mars 2017 laisse à chaque ministère un pouvoir d'appréciation pour la définition des CIMM. Cette méthode présente deux écueils qu'il est nécessaire de circonscrire. D'une part, elle peut laisser place à une extension trop large de la notion qui pourrait s'avérer contraire à l'objectif du législateur, qui est de favoriser le « retour » des ultramarins. Si on prend par exemple le barème de l'éducation nationale, des critères comme la possession d'un bien, le domicile avant la nomination ou la présence d'un frère ou d'une sœur outre-mer peuvent « tirer » la notion au-delà du lien fort et durable qui doit être exigé. La suppression de la hiérarchisation des critères de la circulaire interne annuelle sur les mouvements inter-académiques depuis la circulaire Girardin-Bareigts vient accentuer ce risque. D'autre part, la méthode retenue par la circulaire risque fortement d'aboutir à des modalités d'application différentes selon les ministères. La clarification et la transparence des informations voulues par le législateur font qu'il serait inconcevable d'aboutir avec un CIMM à géométrie variable selon le ministère d'appartenance du fonctionnaire Aussi l'intervention d'un décret qui encadrerait, pour l'ensemble de la fonction publique de l'État, la définition des CIMM au travers de quelques principes de base comme l'existence d'un lien fort et durable avec le territoire, parait indispensable. La deuxième règle générale est relative à la pondération dans les barèmes des CIMM par rapport aux trois autres critères prioritaires que sont le rapprochement des conjoints, le handicap et les activités exercées dans les quartiers sensibles. L'expérience du ministère de l'éducation nationale qui prenait déjà en compte les CIMM avant la loi de 2017 et qui attribuait à ce critère le plus grand nombre de points (1 000) est révélatrice : les attentes restent longues. D'où la question de savoir s'il ne faudrait pas également bonifier la pondération de base par l'ancienneté de la demande, c'est-à-dire de prévoir l'affectation d'un nombre de points supplémentaires par année. Cela permettrait de se conformer à la volonté du législateur de donner aux CIMM un poids prépondérant dans le barème. Pour rompre réellement avec l'opacité qui a prévalu jusqu'ici et afin d'éviter une application minimaliste de cette réforme très attendue, elle lui demande si le temps n'est pas venu de prendre un décret qui fixerait sous son autorité la définition et les modalités générales de pondération des CIMM.
L'article 85 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer modifie l'article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État. Cette loi fait du centre des intérêts matériels et moraux (CIMM) une nouvelle priorité légale d'affectation dans une des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie. Les modalités concrètes portant sur la mise en œuvre de la loi du 28 février 2017 ont été définies dans la circulaire du 1er mars 2017 relative à la prise en compte du CIMM. S'agissant, en premier lieu, de la détermination de l'existence du CIMM, cette circulaire précise que celui-ci repose sur les critères dégagés par la jurisprudence rappelés par la circulaire DGAFP n° 2129 du 3 janvier 2007 relative aux conditions d'attribution des congés bonifiés aux agents des trois fonctions publiques. A cet égard, la circulaire du 1er mars 2017 précise que « ces critères n'ont pas un caractère exhaustif ni nécessairement cumulatif et plusieurs d'entre eux, qui ne seraient pas à eux seuls déterminants, peuvent se combiner selon les circonstances propres à chaque situation ». C'est la raison pour laquelle, dans un souci de prévention des actions contentieuses, cette même circulaire invite les ministères à en faire une application « homogène et transparente ». En second lieu, s'agissant de la prise en compte des critères d'établissement du CIMM pour le traitement des demandes de mutation dans le cadre de l'application de l'article 60, la circulaire du 1er mars 2017 invite les administrations « (…) à choisir parmi les critères permettant de justifier l'existence du CIMM ceux dont l'efficacité, la pertinence ou encore le caractère opérationnel sont les mieux adaptés aux agents concernés (…) ». Il en ressort que le CIMM est une notion relative qui ne peut s'apprécier qu'en tenant compte des circonstances propres à chaque situation, lesquelles peuvent évoluer dans le temps. L'appréciation du CIMM résulte d'une appréciation des éléments de faits au moment de la demande. Des premières données recueillies auprès des ministères, il s'avère qu'en 2018, les affectations en outre-mer (OM) au titre de la priorité légale d'affectation (PLA) du CIMM représentent 25% des affectations prononcées (ratio globalement identique à 2017). Pour autant, il est à noter que, si en 2018 les demandes d'affectation outre-mer au titre de cette PLA ne représentent que 11% du volume total de demandes, qui est de 7% en 2017, elles sont satisfaites dans 75,5% des cas. Dans les faits, la gestion des priorités au titre du CIMM s'effectue au cas par cas. Par ailleurs, les ministères constatent que la priorisation du CIMM ne règle pas le surnombre de candidatures pour certains territoires d'outre-mer, et la difficulté, à l'inverse, de recruter à Mayotte et en Guyane. En outre, il est précisé que ces priorités légales prévues à l'article 60 de la loi pré citée ne sont pas hiérarchisées entre elles. Pour mémoire, outre le CIMM, ces priorités sont les suivantes : rapprochement de conjoint, fonctionnaires handicapés, fonctionnaire qui exerce dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux ou de sécurité, fonctionnaire dont l'emploi est supprimé. Leur mise en œuvre ne dispense pas de l'examen des situations individuelles au regard des besoins du service. L'obligation de prise en compte des priorités légales n'est pas absolue et doit être compatible avec le bon fonctionnement du service. Il est donc souligné qu'une définition plus précise du CIMM resterait insuffisante pour défnir son application par rapport aux autres priorités légales de mutation.
1 commentaire :
Le 10/03/2021 à 21:08, ChristineL (Enseignante) a dit :
Madame, Monsieur,
En termes d'égalité (principe républicain) des agents de la fonction publique, ces dispositions seraient-elles applicables aux fonctionnaires français sans distinction de territoires ?
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