Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Hélène Zannier
Question N° 33097 au Ministère de l’éducation nationale


Question soumise le 20 octobre 2020

Mme Hélène Zannier interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur les annonces concernant l'interdiction de l'instruction à domicile (ou école à la maison). L'instruction à domicile est un droit qui existe depuis 1882 avec la loi Ferry. Elle peut être une solution dans certains cas comme lors de phobie scolaire ou de harcèlement. Elle permet à l'enfant de s'extraire du monde scolaire, avant de retrouver les bancs de l'école. L'instruction à la maison est une procédure très encadrée (déclaration à la mairie, enquête, inspection par l'académie). Mais, malgré les procédures de contrôle mises en place, elle est victime de dérives. C'est justement dans le cadre de la lutte contre la radicalisation des enfants qui sont déclarés comme éduqués à la maison, mais qui sont en réalité placés dans des écoles islamistes, que le Gouvernement a annoncé la fin de cette méthode d'enseignement. Formidable lieu d'ouverture au monde, l'école de la République a pour ambition de former des citoyens. À l'école, les enfants apprennent l'enseignement moral et civique et peuvent en débattre librement. C'est aussi un formidable lieu de socialisation. Une journée de classe est rythmée par des rituels, portés par un collectif. L'école a la maison fait souvent l'objet de controverses en particulier dans le cadre religieux ou sectaire. Mais toutes les formes d'apprentissage dans le cadre de l'instruction à la maison ne semblent pas nuire au bon développement et à l'apprentissage de l'enfant. M. le ministre a rappelé s'il y a une notion de vivre ensemble, on n'est pas uniquement dans la défense des valeurs de la République. Mais il a ajouté que, pour autant, les inquiétudes émises sont recevables. Il y a des situations particulières, par exemple, si une famille souhaite faire un tour du monde avec ses enfants ou si plusieurs familles souhaitent se regrouper pour enseigner. Le Gouvernement a spécifié ne pas vouloir porter atteinte à la liberté d'enseignement et que des exceptions peuvent exister. Elle lui demande de préciser ces exceptions permettant aux parents de faire « l'école à la maison ».

Réponse émise le 4 mai 2021

Le Président de la République a annoncé, lors de son discours sur le thème de la lutte contre les séparatismes du 2 octobre 2020, que la scolarisation serait rendue obligatoire pour tous les enfants âgés de trois à seize ans. Ceci implique la restriction de l'instruction dans la famille aux cas pour lesquels la scolarisation de l'enfant est impossible ou pour lesquels la situation particulière de l'enfant justifie une autorisation d'instruction en famille. Il y a lieu, en préambule, de relever que l'instruction en famille augmente fortement chaque année avec une accélération marquée pour la période 2016-2020 pendant laquelle le nombre d'enfants concerné a doublé. Sur dix ans, ce nombre a plus que triplé puisqu'il est passé de 19 000 enfant à la rentrée 2010 à 62 000 à la rentrée 2020. On précisera également que, il y a dix ans, 70 % de ces enfants étaient inscrits au Centre national d'enseignement à distance (CNED) dit « réglementé », c'est à dire en vue de suivre à distance, pour des motifs objectifs (maladie, handicap, itinérance de la famille, éloignement géographique ou activités sportives ou artistiques de haut niveau…) une scolarité conforme aux programmes de l'éducation nationale. En 2020, ils ne représentent plus que 25% de l'effectif total, les 3/4 des enfants étant instruits à domicile pour ce que l'on qualifiera de convenances personnelles puisque les familles n'ont aucune justification à fournir lorsqu'elles procèdent à la déclaration informant l'autorité académique de leur décision. Plusieurs affaires récentes ont montré les limites du dispositif actuel de l'instruction dans la famille ainsi que des risques de persistance du non-respect du droit à l'éducation. Certaines inspections ont ainsi mis en évidence les lacunes d'une part non négligeable des enfants instruits à domicile (10 % des enfants contrôlés présentent des lacunes majeures) ; d'autres ont révélé, indépendamment du niveau scolaire, un repli d'ordre communautaire ou sectaire ; d'autres enfin ont permis de détecter l'existence d'écoles de fait, ouvertes à l'initiative de familles préférant éviter de scolariser leurs enfants dès l'âge de trois ans ou permettre à ces derniers de suivre un enseignement à caractère confessionnel plus marqué voire exclusif d'autres enseignements fondamentaux, empêchant leurs enfants d'acquérir à l'âge de seize ans les connaissances du socle commun de connaissances, de compétences et de culture prévu à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation. Or l'École, qui est au cœur de la promesse républicaine, est le lieu des apprentissages fondamentaux et de la socialisation, où les enfants font l'expérience des valeurs de la République et du vivre ensemble. L'instruction à l'école – qui constitue un droit fondamental de l'enfant – comme l'intérêt supérieur de celui-ci commandent que soient satisfaits deux objectifs : - d'une part, que l'enfant reçoive une instruction effective et complète lui permettant d'acquérir les connaissances, la méthode et l'esprit critique requis à chaque niveau d'enseignement. Il en va à la fois de son épanouissement intellectuel et psychique, et de sa future insertion dans la vie professionnelle. Ceci implique que les enseignements soient dispensés par des professionnels compétents, à même de penser des modalités d'individualisation, régulièrement formés et inspectés ; - d'autre part, la socialisation de l'enfant. Le développement psychologique de l'enfant et la construction de soi passent par de multiples interactions, à la fois avec ses pairs et avec des tiers adultes, qui incarnent une autorité différente de celle des parents. La construction de citoyens libres et éclairés implique qu'un enfant puisse faire la double expérience de l'altérité et de la collectivité, dans un cadre neutre et protecteur, respectueux de ses convictions comme de sa santé. Cette socialisation est d'autant plus importante qu'elle est synonyme d'apprentissage du respect des règles communes : rituels en maternelle, règles de vie à l'école et au collège. Il convient enfin d'ajouter que la scolarisation des enfants relève également d'un enjeu de santé publique et de protection de l'enfance. En termes de prévention, l'école contribue au dépistage de certains troubles et permet de vérifier le respect des obligations vaccinales dans le cadre plus général de l'éducation à la santé : éducation à l'alimentation mais aussi à la sexualité, afin de promouvoir le respect du corps et de l'autre. Le projet de loi n° 3649 confortant le respect des principes de la République pose le principe de la scolarisation obligatoire de l'ensemble des enfants aujourd'hui soumis à l'obligation d'instruction, soit les enfants âgés de trois à seize ans. Il ne pourra être dérogé à cette obligation de fréquenter un établissement d'enseignement public ou privé que sur autorisation délivrée par les services académiques, pour des motifs tirés de la situation de l'enfant et définis par la loi. Les demandes d'autorisation d'instruction dans la famille ne pourront reposer sur les convictions politiques, philosophiques ou religieuses de la famille. L'autorisation ne pourra être accordée que pour les motifs suivants : - l'état de santé de l'enfant ou son handicap ; - la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives ; - l'itinérance de la famille en France ou l'éloignement géographique d'un établissement scolaire ; - l'existence d'une situation particulière propre à l'enfant, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de leur capacité à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant.  Synonyme à la fois de qualité de l'instruction et de socialisation, la mesure rendant la scolarisation obligatoire pour les enfants âgés de trois à seize ans dans un établissement d'enseignement public ou privé s'inscrit dans la continuité de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, notamment son article 11 qui a étendu l'instruction obligatoire aux enfants âgés de trois à seize ans, et constitue ainsi un levier de justice sociale et de réussite pour tous les élèves, visant à leur offrir les mêmes chances de réussite dans leur scolarité.

4 commentaires :

Le 22/10/2020 à 21:41, Emilie Broudy a dit :

Avatar par défaut

Il est important de maintenir ce droit à l'instruction en famille, c'est une liberté de choix pour les parents et les enfants, le choix de respecter leur rythme biologique et leur rythme d'apprentissage, d'utiliser différents types de pédagogies, d'avoir du temps, et également une porte de secours pour tous ceux qui ne sont pas adaptés au système d'enseignement de masse de l'Education Nationale (dys, HP, Trouble du spectre autistique, TDAH etc) quand leurs parents peuvent faire l'IEF. Ce n'est pas simple de faire l'IEF, il faut un parent disponible (donc un salaire en moins).

Mes filles de 11 ans et 9 ans sont instruites en IEF depuis toujours, en alliant un peu de formel et de l'informel, en respectant leur sommeil, en respectant leur rythme d'apprentissage (ma 9 ans donc théoriquement CM1 fait des maths de 6eme car elle a des facilités et envie d'apprendre), en leur laissant du temps pour découvrir, créer, imaginer, jouer, être dehors...

Je connais beaucoup de famille dans notre département, la Creuse, aucun n'a descolarisé pour raison religieuse.

L'IEF est très encadré juridiquement, il y a déjà les moyens de nous "surveiller" (contrôle inopiné). Ce n'est pas interdire l'IEF qui règlera le problème de l'islamisation, cela ne fera que pénaliser des familles qui respectent les valeurs de la République.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 22/10/2020 à 22:47, torrellas a dit :

Avatar par défaut

Contradictoire, on peut instruire si plusieurs familles se regroupent et là on a pas peur de radicalisation ? Moi j'ai choisi cette option pour mon fils car en école normale, il ne peut allier sa passion sportive avec ses cours. En effet, il a des entraînements 4 fois par semaine et est en compétition tous les weekend et pour seule réponse du collège, ils nous ont dit le sport n'est pas important, l'école prime.. Vous pensez que 7 h de cours par jours et 1 à 2 heures de travail tous les soirs, c'est constructif pour un enfant? En sachant qu'ils ne retiennent que 30%. Donc cette année on a opté pour des cours par correspondance avec une classe en e-learning, il suit le même programme, mieux adapté pour ceux qui pratiquent un sport, une activité intensive. Il suit ses cours le matin et lui laisse le temps pour ses devoirs maison et son hobby. Pour ce qui est de la socialisation, il a plus d'amis dans son environnement sportif que au sein de l'école. Et pour l'avoir vécu, mon fils du moins, la violence, le racket et tout le reste est bien entre les murs d'un collège, école, et pour ça que fait-on ? Mis à part dire on les convoque et on règle l'histoire ? combien d'enfants ont dû changer d'établissements car les coupables n'avaient jamais de sanction. Donc la première des choses à faire est de remettre sur les rails, les système éducatif et stopper la violence, le racket et tout le reste qui se joue au sein d'un établissement. Puis aller au sein des familles qui font école à la maison et où on sait qu'il y a un problème et pas mettre tout le monde dans le même panier. Les inspecteurs, les mairies s'ils font bien le travail, font remonter ce type d'info. Donc punir une majorité qui donnent une instruction identique que celle qu'on peut trouver au sein d'un établissement pour une minorité laxiste qui cache derrière l'IEF radicalisation ou autre problème n'est pas la meilleure solution. Si des parents font le choix d'IEF c'est pour le bien être de leurs enfants et pas que pour problème de santé. Car pour notre part, le retour à l'école serait catastrophique, on va imposer encore un choix à notre fils, entre le sport ou les cours sans tenter d'allier les 2. Mon fils veut intégrer une école sport étude et qu'à t'on à me proposer pour l'aider à réaliser son rêve ? 2 ans que j'attends des réponses et qu'on ne nous écoute pas! Donc suis en colère qu'on puisse prendre des décisions pour les parents qui eux sont les plus aptes à savoir ce qui correspond à leurs enfants. Encore une fois on touche à nos libertés, nos choix sans qu'on puisse se défendre, on va nous imposer. Faut pas avoir fait l'Ena pour se rendre compte que tout va mal et qu'il faut changer bcp de choses dans ce beau pays qu'est la France et aller s'inspirer de ce qui fonctionne bien chez les pays voisins. Notamment pour l'école, les horaires, les plannings avec 7 h de cours par jour, nos enfants sont loin d'être les meilleurs élèves et bien au contraire, on est très en retard, les niveaux ont baissé. Le bac n'a plus de valeur aujourd'hui! Donc faut arrêter de dire que ce n'est qu'au sein d'un établissement qu'on peut être bon élève. Pour mon fils ses 2 années au collège n'ont été que souffrance, mal être et a perdu toute sa confiance en lui. Car l'école n'apprend pas à nos enfants la confiance, le bien être, l'ouverture d'esprit. Déjà avec un système de notation qui veut rien dire si ce n'est comparer les enfants les uns aux autres, alors que tous ont des compétences. Mauvaise note= cancre. Nos enfants sont toujours en compétition alors que le savoir et l'instruction n'est pas une compétition et chacun devrait avancer à son propre rythme. Mais ça on sait pas faire! On invoque des excuses pour nous faire plier.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 23/10/2020 à 08:25, Isa LISE a dit :

Avatar par défaut

Bonjour,

Etant donné que la loi interdit l'instruction en famille à plusieurs, il faudrait donc créer une école hors contrat, ce n'est plus de l'instruction en famille.

L'instruction en famille garantit aussi la liberté pédagogique car de nombreuses familles expérimentent des apprentissages différents.

Cela a été notre cas, c'est encore mon cas puisque cela m'a permis d'améliorer mon travail(enseignante et créatrice de supports pédagogiques alternatifs).

Mes enfants ont des besoins particuliers. Grâce à l'instruction en famille, elles ont décroché le bac sans école, puis, cette année, l'une a décroché une licence de droit à 19 ans, elle est parmi les 7 premières de sa promo. Or elle est certes à haut potentiel, mais aussi dyspraxique. Les spécialistes qui l'ont vue nous ont dit que dans un parcours classique, elle n'aurait pas pu réussir ainsi et aurait été orientée vers une voie de garage... Aujourd'hui un enfant dyspraxique perd rapidement confiance en lui dans un système classique parce qu'il est très vite en situation d'échec, elle avait commencé à le vivre (par exemple, page déchirée, privation de récréation car elle ne parvenait pas à écrire alors même qu'elle avait entre 1 et 3 ans d'avance pour les autres apprentissages). Constatant son mal être, nous l'avons sortie de l'école en CP.

Il est indispensable qu'une famille puisse avoir le choix... qu'un enfant puisse avoir le droit de grandir en respectant ses particularités et besoins, y compris si ce besoin est d'apprendre à la maison. Un diagnostic prend du temps, beaucoup de temps. Une reconnaissance handicap, aussi. Et il reste ensuite le caractère aléatoire d'une acceptation ou non d'un dossier CNED réglementé. Or, le CNED n'est pas non plus adapté à tous les enfants... Je me suis spécialisée auprès des dys et ils ont plusieurs besoins dont un réel besoin d'apprendre en manipulant, ce n'est pas le programme du CNED.

La plupart d'entre nous aimerait simplement une école qui prenne en compte nos enfants.

N'interdisez pas, ouvrez la discussion avec nous. Pourquoi ne pas plutôt créer des passerelles entre nos univers? La très grande majorité des familles sans école y seraient favorables. Nous ne cherchons pas à vivre hors de la République. Au contraire, nous sommes nombreux à transmettre les valeurs essentielles de Liberté, Egalité, Fraternité.

Suite à l'annonce d'une volonté d'interdire l'instruction en famille, de nombreux enfants sans école ont cherché à comprendre comment était votée une loi. Est-ce la une attitude non citoyenne ou bien, au contraire, une volonté de comprendre et prendre part au bon fonctionnement de la République française ?

Merci de m'avoir lue.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 26/10/2020 à 08:44, Isabelle Jacquet a dit :

Avatar par défaut

Bonjour .

L'instruction en famille a sauvé de nombreux enfants (dont ma fille ainée) en grande souffrance à l'école car ils ne rentraient pas dans les "cases" d'un apprentissage uniformisé (telle notion à tel âge etc). Si ce droit n'existait plus , quel choix resterait-il aux parents de ces enfants , ou de ceux victimes de harcèlement? Les regarder souffrir et s'éteindre en silence ? Voire finir par se suicider comme cela arrive trop souvent? L'Ecole de la République est nécessaire et sans doute un bienfait pour certains enfants ; mais pour d'autres , même sans problème de santé , elle est franchement inadaptée , voire proche du calvaire …

D'autre part , l'IEF rentre souvent dans le cadre d'un projet éducatif différent ( pédagogie alternative par exemple , mode de vie plus souple ,préservation de l'envie d'apprendre etc ) . Monsieur Blanquer semble considérer que la liberté pédagogique existerait toujours , car les parents auraient le choix entre école publique ou privée . Qu ' en serait-il dans ce cas de l ' Egalité , autre valeur fondamentale de notre pays ? Il y aurait alors une liberté à deux vitesses :

-une pour les riches , qui pourraient opter pour l'école alternative

-une pour les autres , à qui ne resterait que le choix de l'école publique .

Il nous propose d'ouvrir des écoles hors-contrat ( car oui , le regroupement est interdit autrement ; ses propos sont donc contradictoires). A-t-il conscience de la complexité et du coût de la chose ? Ou est l'Egalité , encore une fois ?

Nous comprenons les préoccupations du gouvernement , mais ne pensons pas qu'interdire l'instruction en famille soit la solution . Cette interdiction ne ferait que pénaliser , parfois très gravement , des milliers d'enfants et de familles « sans histoire » , sans pour autant régler le problème du séparatisme . Quelle garantie , en effet , que les quelques familles réellement visées par ce projet de loi ne trouveront pas de subterfuge ? Les moyens de contrôler l'instruction en famille existent déjà  ; ils sont même très puissants (rappelons que les contrôles pédagogiques peuvent désormais être inopinés ) . Pourquoi ne pas plutôt commencer par réellement les utiliser ?

Choisir l'IEF est toujours synonyme de sacrifices (nous n'avons , par exemple , pas droit à l'allocation de rentrée scolaire , alors que tout est à notre charge ) et d'investissement personnel . C'est une décision prise en conscience , pour le bien-être de nos enfants . Ne nous privez pas de cette liberté , importante pour tous et vitale pour certains !

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.