Mme Delphine Batho interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le document d'orientation utilisé par la France pour évaluer l'impact des pesticides sur les abeilles. En 2012, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a publié un avis scientifique sur les méthodes d'évaluation des impacts des pesticides sur les abeilles. Cet avis, adopté sur saisine de la Commission européenne, mettait en évidence les manquements des méthodes et lignes directrices appliquées pour tester l'impact d'un pesticide avant son autorisation : « les expositions prolongées et intermittentes ne sont pas évaluées en laboratoire », de même que l'exposition par inhalation ou l'exposition des larves ; les calculs d'exposition des insectes ne tiennent pas compte de toutes les voies d'exposition ; « les effets à des doses sublétales ne sont pas pleinement pris en compte » ; sur les tests semi-field, « des faiblesses ont été identifiées pour chacune des lignes directrices de test, comme la taille limitée de la surface de la culture, l'impossibilité d'évaluer toutes les voies d'exposition possibles des composés systémiques utilisés en traitement de semences ou de sols » ; l'EFSA souligne encore que « les lignes directrices des tests en champs ont plusieurs faiblesses majeures » (colonies trop petites, surface trop petite de la culture testée), etc. Toujours sur demande de la Commission européenne, cet avis a conduit l'EFSA à publier en 2013 un nouveau document d'orientation pour l'évaluation des impacts des pesticides pour les abeilles. Ce document vise à remplacer le document d'orientation de 2002 (qui peut s'appliquer pour les demandes introduites avant le 31 décembre 2015) et les normes de l'EPPO de 2010, deux documents ayant été critiqués par l'EFSA comme ne permettant pas d'évaluer correctement le risque pour les abeilles. Pourtant, ce document d'orientation de l'EFSA de 2013 n'est toujours pas appliqué par l'Anses, ni par d'autres agences européennes, qui font le choix d'appliquer des documents d'orientation obsolètes et inadaptés pour évaluer le risque pour les abeilles. Ces agences et leurs gouvernements expliquent ce choix par le fait que ce document d'orientation de l'EFSA de 2013 n'est toujours pas entériné par la réunion des États membres au sein du SCoPAFF. Mais toutes les agences n'ont pas fait ce choix (en effet, elles ont la possibilité d'appliquer si elles le souhaitent ce document de 2013). Ainsi l'EFSA applique-t-elle d'ores et déjà ce document d'orientation de 2013 pour l'évaluation de nouvelles substances actives, comme elle l'a annoncé dans plusieurs conférences. La Belgique a également fait savoir en juin 2017 qu'elle fera appliquer le document d'orientation de l'EFSA de 2013. La Belgique justifie ce choix ainsi : « d'un point de vue scientifique, il n'est pas acceptable d'ignorer des données robustes de toxicité sur des espèces vulnérables non-cibles, simplement parce qu'il n'y a pas de lignes directrices d'évaluation du risque généralement acceptées ». La situation des abeilles et des pollinisateurs sauvages est alarmante : une espèce d'abeilles sauvages sur dix est menacée, les apiculteurs français perdent chaque année 30 % de leurs colonies d'abeilles, et en 25 ans, la biomasse volante a chuté de 80 % selon une étude allemande. Il n'est plus temps pour les gouvernements et agences scientifiques de prendre prétexte d'une absence de consensus pour refuser d'appliquer le seul document d'orientation scientifiquement valable et permettant d'évaluer la réalité des risques des pesticides sur les abeilles. Madame Delphine Batho s'interroge sur la position de la France sur ce document d'orientation de l'EFSA de 2013, et notamment sur la position défendue par la France en Comité permanent végétaux, animaux, denrées alimentaires en ce qui concerne ce document. Elle le prie de bien vouloir lui indiquer si ce document va être appliqué à l'avenir par l'Anses ainsi que les mesures envisagées par la France pour évaluer de la manière la plus complète possible le risque des pesticides pour les abeilles et à quelle échéance.
Le document d'orientation de l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) « document on the risk assessment of plant protection products on bees (apis mellifera, bombus spp. and solitary bees) » relatif à l'évaluation du risque pour les abeilles, les bourdons et les abeilles solitaires a été publié par l'EFSA pour la première fois en juillet 2013. Il fait suite à un avis mettant en évidence la nécessité d'améliorer les méthodes utilisées pour évaluer l'impact des pesticides sur les abeilles et les pollinisateurs. Il propose une évolution importante des méthodes d'évaluation, avec l'objectif d'évaluer plus complètement les risques, non seulement pour les abeilles mais aussi pour d'autres insectes pollinisateurs. Le document a fait l'objet depuis sa publication par l'EFSA de nombreux échanges entre les experts des États membres, qui considèrent dans l'ensemble que certains moyens à mobiliser pour conduire les évaluations préconisées sont peu réalistes. De ce fait les discussions n'ont pas encore abouti et le document n'a pas encore été adopté par la Commission européenne. La complexité des méthodes proposées et l'absence de validation pour certaines d'entre elles, qui empêcherait une mise en œuvre complète du document, constituent le principal obstacle. Par exemple, une étude sur le vol de retour des abeilles à la ruche serait indiquée pour étudier les effets éventuels des résidus de produits phytopharmaceutiques sur le comportement de l'abeille. Cependant, le protocole n'est pas encore validé au niveau européen, et la reproductibilité des résultats n'est pas établie. Sur la base des connaissances scientifiques acquises depuis 2013, il s'avère qu'une actualisation du document d'orientation de l'EFSA serait souhaitable. Elle permettrait en particulier de prendre en compte de nouvelles méthodes standardisées, dont certaines sont validées et référencées par l'organisation de coopération et de développement économiques. Un objectif de protection plus pertinent (actuellement 7 % d'effet au maximum, basé sur la force ou la vitalité de la colonie et le niveau de mortalité des butineuses) pourrait être proposé. De plus, le document pourrait s'appuyer plus largement sur les outils de modélisation récemment développés, qui permettent d'étudier les dynamiques d'une colonie d'abeilles. Les autorités françaises sont favorables à l'adoption rapide au niveau européen d'un document d'orientation permettant une évaluation harmonisée des effets des produits phytopharmaceutiques sur les abeilles, les bourdons et les abeilles solitaires. En 2016, elles avaient fait part de leur accord à la Commission européenne qui envisageait une mise en œuvre par étapes, prenant en compte la disponibilité des méthodes validées. Elles soutiennent également la mise à jour du document d'orientation de l'EFSA, qui a été actualisé pour la dernière fois en juillet 2014, et plus généralement toutes les initiatives permettant de renforcer la protection des abeilles et des pollinisateurs dans le cadre de l'évaluation des produits phytopharmaceutiques. L'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) applique intégralement la réglementation européenne, aussi bien en termes de données à fournir pour l'évaluation des effets sur les abeilles conformément au Règlement (UE) N° 284/2013, que de méthodes d'essai et de lignes directrices à utiliser (documents-guides de la Commission européenne). Ces éléments permettent de s'assurer que les substances actives autorisées n'ont pas d'effets inacceptables aigus ou chroniques sur la survie et le développement des colonies, conformément aux principes établis par le Règlement (CE) no 1107/2009. Enfin, le laboratoire de Sophia-Antipolis de l'Anses, qui est laboratoire européen de référence pour la santé des abeilles, poursuit ses travaux de recherche et de surveillance des populations d'abeilles. L'un de ses objectifs est de mieux comprendre le rôle respectif des différents facteurs de stress, dont les résidus de produits chimiques, dans les phénomènes d'affaiblissement, d'effondrement ou de mortalité des colonies d'abeilles.
1 commentaire :
Le 11/03/2018 à 16:11, jjasonhunt a dit :
Après le magazine Cash investigation, peut on espérer que distributeur et conseiller soient réellement dissocier ??? Les sénateurs ont produit un rapport préconisant d'aller vers 0 pesticides. Ou en est on ?
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