M. Jean-Louis Masson attire l'attention de M. le Premier ministre sur l'utilisation presque exclusive faite, en ce début de 15e législature, de la procédure accélérée pour l'adoption des textes au Parlement. En effet, l'article 45 de la Constitution donne au Gouvernement la possibilité d'engager la procédure dite accélérée pour l'adoption des lois. Il s'agit d'une procédure d'examen et de discussion des textes dérogatoire au droit commun. En effet, elle contraint la latitude d'action du pouvoir législatif. Or le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur neuf des dix-sept projets de loi déposés au Sénat entre l'investiture du nouveau chef de l'État et la fin du mois de juin. Les textes concernés n'étaient pas anodins puisqu'y figurait entre autres : le projet de loi et projet de loi organique rétablissant la confiance dans l'action publique, le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme et le projet de loi prorogeant l'application de la loi relative à l'état d'urgence. À l'Assemblée nationale, les débats concernant la loi antiterroriste, les ordonnances sur une future loi travail et le rétablissement de la confiance ont pour le moins été menés au pas de charge, parfois dans la plus grande confusion tant en commission qu'en séance et, dans tous les cas, au détriment du travail des parlementaires. Compte tenu de l'importance de ces textes, il est légitime de penser qu'ils auraient mérité un examen approfondi de la part des parlementaires. C'est pourquoi lui évoquant cette réflexion de l'éminent constitutionnaliste Guy Carcassonne : « pour faire de bonnes lois, on n'a pas encore inventé mieux que le Parlement », il lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il entend faire de cette procédure d'adoption des textes une méthode de gouvernement consistant à négliger le pouvoir législatif.
M. le secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, rappelle au député que l'article 45 de la Constitution permet au Gouvernement d'engager la « procédure accélérée » s'il estime qu'un texte doit être examiné rapidement. Cela lui permet de provoquer la réunion de la commission paritaire après une seule lecture dans chaque assemblée, et permet de déroger au délai minimal de six semaines entre le dépôt d'un texte et sa discussion en séance (quatre semaines pour les textes transmis par l'autre assemblée). La procédure accélérée fait tout d'abord l'objet d'une utilisation quasi-systématique en début de législature, afin de permettre à l'Assemblée nouvellement élue de s'emparer rapidement des projets de réforme préparés par le Gouvernement, sans attendre l'expiration d'un délai de six semaines après la constitution de ses instances, et notamment l'élection du Bureau, devant lequel les textes sont déposés. Les Conférences des Présidents agissant conjointement tirent de l'article 45 de la Constitution la faculté de s'opposer à l'engagement de la procédure accélérée. Lors de la session extraordinaire de juillet 2017, le Secrétaire d'État constate qu'elles n'ont fait pas usage de cette faculté. L'engagement de la procédure accélérée n'a en outre pas fait obstacle à ce que la procédure de conciliation entre les deux assemblées aboutisse et à ce que les conclusions de la commission mixte paritaire fassent l'objet d'une adoption dans les mêmes termes, notamment s'agissant de la loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, de la loi prorogeant l'application de la loi no 55-385 relative à l'état d'urgence ou bien encore de la loi pour la confiance dans la vie politique. De plus, la loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2016 a fait l'objet d'un vote conforme par le Sénat. Les débats parlementaires se sont donc déroulés de manière approfondie et dans des conditions telles que le dialogue bicaméral puisse prospérer. De façon plus générale, le Président de la République a rappelé le 3 juillet dernier, à l'occasion de la réunion du Congrès, que « le rythme de conception des lois doit savoir répondre aux besoins de la société. […] Il faut qu'au temps long du travail législatif soit ajoutée la faculté d'agir vite. » Cette exigence pourrait faire l'objet d'une réflexion entre le Gouvernement et les assemblées parlementaires lors de la révision constitutionnelle annoncée à cette occasion.
1 commentaire :
Le 24/08/2017 à 16:09, Laïc1 a dit :
" il lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il entend faire de cette procédure d'adoption des textes une méthode de gouvernement consistant à négliger le pouvoir législatif."
Tout à fait, le pouvoir exécutif n'a que faire du pouvoir législatif, qu'il convient de mettre au pas... Et après l'exécutif va pleurer sur le Vénézuéla qui ne respecte pas la séparation des pouvoirs, que c'est drôle. On a le Venezuela à domicile, le pétrole en moins, et encore moins d'idées pour y suppléer. ("En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées", célèbre publicité des années 70 : maintenant en France on n'a ni pétrole ni idées, surtout pas celle de donner une vraie force à la démocratie.)
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