Mme Marie-France Lorho interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la participation de la France dans l'exploitation des prostituées nigérianes via la cour nationale du droit d'asile. L'an dernier, 2049 Nigérians ont fait une demande d'asile dont 60 % de femmes. Bien souvent, cette demande se fonde sur des accusations d'exploitation sexuelle dans leur pays. Or l'Ofpra a placé le Nigéria sur sa liste noire car « la traite nigériane se caractérise par le fait que les réseaux de proxénétisme tentent d'instrumentaliser la procédure d'asile à leur profit en forçant leurs victimes à solliciter l'asile sous leur contrôle ». En pratique, les femmes nigérianes utilisent de faux papiers et de fausses histoires pour parvenir à leurs fins. Ces demandes d'asiles sont bien souvent refusées. Toutefois, ces jeunes femmes effectuent, après avoir reçu une réponse négative de l'Ofpra, une demande auprès de la cour nationale du droit d'asile avec une nouvelle histoire contant leur vie d'exploitées sexuelles. Cette cour, en raison de leurs histoires inventées d'exploitation et de harcèlements au pays, leur offre le droit d'asile sur la base de la convention de Genève du 28 juillet 1951 qui stipule que doit être considérée comme réfugiée toute personne persécutée notamment à cause d'une appartenance sociale. Or la cour considère que, par leur voyage et histoire commune, les prostituées nigérianes ont une appartenance à un certain groupe social : les prostituées nigérianes. Une fois le droit d'asile offert pour éviter l'exploitation sexuelle, ces jeunes femmes sont sous le joug de réseaux de proxénètes qui les manipulent à l'aide de croyances et de superstitions, pour les exploiter sexuellement. Elle lui demande donc ce que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour mettre fin à cette manipulation du droit d'asile.
En application de la loi, il appartient exclusivement à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), sous le contrôle juridictionnel de la Cour nationale du droit d'asile, de reconnaître la qualité de réfugié au sens de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et aucune autre autorité administrative ne saurait interférer dans ces décisions. Dans une décision rendue en grande formation le 30 mars 2017, la cour nationale du droit d'asile a jugé que la traite des êtres humains est un crime au regard du droit national et international et qu'en particulier la traite des femmes organisée par un réseau transnational à des fins d'exploitation sexuelle constitue une persécution au sens de la convention de Genève. Elle a jugé que s'agissant du Nigéria, les femmes nigérianes contraintes à des fins d'exploitation sexuelles parvenues à s'extraire d'un réseau transnational, ou ayant entamé des démarches en ce sens, doivent être considérées comme partageant une histoire et un statut de victime qui présentent des caractéristiques communes, constantes et spécifiques et que dès lors, ces femmes constituent un groupe social au sens de la convention de Genève. En conséquence, la Cour a reconnu le statut de réfugié aux personnes concernées. Cette protection exige toutefois que les personnes concernées soient engagées dans la sortie du réseau en question. Indépendamment de la protection que leur confère le statut de réfugié, qui les met en particulier à l'abri d'un renvoi dans leur pays d'origine les exposant à des mauvais traitements infligés par leurs persécuteurs, ces femmes peuvent bénéficier en France de la protection que leur offrent les services de police et la justice, résolument engagés dans la lutte contre la traite des êtres humains et les réseaux de prostitution et bénéficier du soutien des services sociaux pour sortir définitivement de ces réseaux et s'engager dans un parcours d'intégration, leur permettant de se reconstruire. Les services de police spécialisés sont en effet activement mobilisés pour réprimer l'exploitation sexuelle, notamment d'origine nigériane. Il en est ainsi en particulier de l'office central de lutte contre la traite des être humains (OCRTEH) de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). L'action de cet office central se déploie dans plusieurs domaines : - Démanteler les réseaux d'exploitation sur le territoire français en lien avec les pays européens impactés par cette criminalité en s'appuyant sur les outils de coopération policière et judiciaire. - Développer les investigations financières dans les enquêtes afin de priver les réseaux des produits et bénéfices issus de l'exploitation sexuelle. - Développer la coopération avec les autorités nigérianes afin d'identifier les recruteurs, de favoriser la prévention auprès des victimes potentielles et, par suite, de tarir les flux migratoires alimentant les réseaux en Europe. En 2017, 13 réseaux nigérians se livrant à l'exploitation sexuelle sur le territoire français ont été démantelés par les services de police, 132 victimes ont été identifiées (parmi lesquelles 14 mineures) et 78 auteurs nigérians ont été interpellés, dont 51 étaient des femmes. Encore récemment l'OCRTEH et l'office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), également rattaché à la DCPJ, ont démantelé la principale organisation criminelle nigériane qui se chargeait de collecter l'argent de la prostitution et de le rapatrier physiquement au Nigéria. Ces résultats témoignent de l'engagement et de l'efficacité des services de police spécialisés. Les enquêtes menées en la matière prouvent que les victimes sont recrutées au Nigéria par les organisations criminelles au moyen de fausses promesses et assujetties au remboursement d'une dette à la suite de séances d'envoûtement destinées à s'assurer de leur soumission. Elles doivent faire face à des conditions de survie dramatiques tout au long du parcours les menant du Nigéria aux côtes libyennes. Forcées de se prostituer, privées de nourriture et d'eau, violées à plusieurs reprises, elles sont vendues à des proxénètes établis en Europe qui les exploitent sexuellement. Une fois arrivées sur leur lieu d'exploitation en France, elles doivent s'acquitter d'une dette d'environ 30 000 euros. Les enquêtes menées par les services spécialisés montrent que ces conditions d'existence sont une réalité et que le retour de ces victimes dans leur pays d'origine, alors même qu'elles n'auraient pas remboursé leur dette, peut représenter un véritable danger pour leur existence, justifiant le dépôt de demandes d'asile auprès de l'OFPRA en qualité de victimes de traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle. Par ailleurs, la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées octroie aux victimes de la traite des êtres humains reconnues comme telles par les services de police un certain nombre de droits, parmi lesquels l'obtention d'un titre de séjour provisoire. De surcroît, les victimes de traite des êtres humains dont l'intégrité physique est menacée du fait de leur coopération avec les services de police dans le cadre du démantèlement du réseau dont elles sont victimes peuvent bénéficier des dispositions du statut de repenti.
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