M. Daniel Fasquelle attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur l'un des sujets de l'épreuve anticipée de français du baccalauréat proposé pour les séries ES et S. En 2018, le jury a choisi de soumettre notamment à l'analyse des élèves un texte de de Marguerite Yourcenar traitant de la condition animale et présentant les chasseurs comme des êtres cruels et sanguinaires ainsi qu'en témoigne la phrase : « si le goût et l'habitude de tuer n'étaient l'apanage des chasseurs ». Si ce texte ne pose pas vraiment problème en lui-même - la liberté d'opinion et de pensée doit être respectée - le député s'étonne de la rédaction d'une des questions soumises aux candidats : « la littérature vous semble-t-elle un moyen efficace pour émouvoir le lecteur et dénoncer les cruautés commises par les hommes ? ». Il l'interroge sur l'opportunité de la tournure de cette question dont l'orientation est flagrante avec, en particulier, l'usage du mot « cruauté » alors qu'une telle épreuve devrait plutôt susciter et encourager la réflexion personnelle plutôt que d'imposer un point de vue. S'il reconnaît la légitimité des actions en faveur des droits des animaux, il lui demande de veiller à l'avenir à ce que la rédaction des sujets laisse tout leur libre arbitre aux élèves dans la mesure où le militantisme n'a pas sa place dans un examen.
Les sujets des épreuves anticipées de français du baccalauréat portent sur des questions liées au programme de français des lycées, à partir d'un groupement de textes littéraires en lien avec un objet d'étude du programme, les différents textes dessinant dans leurs relations et confrontations une problématique littéraire. Le questionnement sur les textes ouvre pour les candidats au traitement d'un sujet, à dimension littéraire lui aussi : dans le régime des épreuves de 2018, les travaux d'écriture sont soit un sujet d'invention, soit le commentaire d'un des textes du corpus, soit une dissertation. Le texte évoqué de Marguerite Yourcenar prend place au sein d'une réflexion diachronique, de Montaigne à nos jours, portant, à travers Montaigne, Rousseau, Voltaire, enfin Marguerite Yourcenar, sur la condition animale. Dans cette perspective, le texte de Marguerite Yourcenar n'est qu'un des éléments d'un dossier, et la manière d'interroger les textes telle qu'elle apparaît dans les questions soumises aux candidats ne lui donne aucune priorité ni n'autorise aucune validation de son point de vue. Le sujet de dissertation mobilise à son tour l'ensemble du corpus, et bien au-delà le travail de l'année effectué dans les classes : on ne peut donc considérer que l'emploi du mot « cruauté » renverrait directement au seul texte de Marguerite Yourcenar, alors même que le libellé vise à élargir le thème et propose même un pluriel (« les cruautés commises par les hommes »). Les candidats pouvaient dès lors prendre appui sur d'autres cruautés que celles décrites dans le groupement de textes, notamment celles qui s'exercent sur les hommes eux-mêmes au fil de l'histoire. Ainsi pouvait-on attendre une réflexion sur l'importance de la littérature concentrationnaire, de la poésie de résistance, de la dénonciation de l'esclavage au siècle des Lumières, entre autres exemples que les candidats devaient mobiliser pour ne pas s'en tenir aux seuls exemples du groupement de textes fourni à l'examen. Le questionnement portait donc sur les pouvoirs de la littérature et l'efficacité de ses moyens. La dissertation vise à interroger la question de l'émotion littéraire, des moyens et limites de toute littérature engagée, et ne concerne pas un débat de société sur le statut de la chasse ou le regard porté sur les chasseurs. Pour conclure, la liberté d'opinion des candidats est pleinement respectée : les correcteurs n'ont pas à se soucier d'une opinion au regard de celle portée par l'un des textes quand pas plus les questions que le sujet de dissertation ne sollicitent précisément le jugement incriminé. Ils devaient émettre un avis personnel et éclairé sur les pouvoirs de la littérature et son efficacité, et le libellé ne préjugeait pas du partage ou non de l'opinion, en effet personnelle, du grand écrivain qu'est Marguerite Yourcenar.
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