Mme Michèle Tabarot appelle l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la nécessaire amélioration du suivi et de l'accompagnement vers l'autonomie des jeunes majeurs sortant de l'aide sociale à l'enfance. De récents travaux sur ce sujet, notamment ceux menés par le Conseil économique, social et environnemental, livrent un constat particulièrement préoccupant. Ainsi, il apparaît que près du quart des jeunes faisant l'objet d'une mesure de placement ne sont plus scolarisés à l'âge de 17 ans. De même, environ un quart des sans-abris nés en France sont d'anciens enfants placés. Le Conseil économique, social et environnemental, a formulé plusieurs propositions pour éviter les ruptures de parcours pour ces jeunes qui ont besoin de protection afin notamment de renforcer leur prise en charge jusqu'au premier emploi et d'adapter la formation des familles d'accueil à leurs situations. Aussi, dans le cadre des réflexions actuellement menées par le Gouvernement, elle souhaiterait connaître les mesures qui pourraient être concrètement mises en œuvre pour améliorer la situation de ces jeunes majeurs.
Dans un contexte actuel de crises économiques récurrentes et d'affaiblissement du lien social, le passage à l'âge adulte et à l'autonomie se révèle souvent long et difficile, ces difficultés étant démultipliées pour les jeunes marqués par des situations de vulnérabilité, qu'il s'agisse des jeunes pris en charge ou sortants de l'Aide sociale à l'enfance (ASE). La question de l'autonomie des jeunes sortants de l'ASE est complexe car ils sont souvent peu préparés à cette échéance par les services qui les prennent en charge. D'une part, sur un plan psychologique, ils ont été fragilisés par un passé difficile marqué par des négligences, voire des maltraitances et souvent des ruptures. Ils présentent souvent des troubles psychiques liés à ce passé. Le réseau social et familial peut être déstructuré, absent, voire hostile. Par ailleurs, l'articulation entre les acteurs et les dispositifs spécifiques et de droit commun est difficile ce qui ne facilite pas l'accès à l'autonomie de ces jeunes. Pour les jeunes pris en charge par l'ASE, plus le parcours de prise en charge a été chaotique et plus l'entrée dans la majorité et l'autonomie est difficile. La mobilisation des conseils départementaux qui, dans le prolongement de leurs missions de protection de l'enfance, permet d'assurer un accompagnement de ces jeunes majeurs jusqu'à 21 ans destiné à favoriser leur insertion, avec la mise en place de contrats jeunes majeurs. Au 31 décembre 2016, 299 600 mineurs et 20 900 jeunes de moins de 21 ans bénéficiaient d'une mesure de protection de l'enfance en France (aide sociale à l'enfance). Les mesures prises par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant ont posé des jalons pour améliorer l'accompagnement vers l'autonomie de ces jeunes au travers, notamment de la mise en place d'un entretien à 17 ans pour préparer un projet d'accès à l'autonomie (article 15) et la signature d'un protocole partenarial départemental, afin de mieux accompagner l'accès à l'autonomie des jeunes pris en charge ou sortant des dispositifs de l'aide sociale à l'enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse, entre les acteurs de la formation, de l'emploi, de la santé, du logement… (Article 17). En prolongement de la loi de 2016, des travaux ont été entrepris récemment pour mettre en place des passerelles spécifiques entre les services d'ASE des conseils départementaux et le service public de l'emploi via l'inscription des jeunes de l'ASE dans l'instruction relative à la mise en œuvre du parcours d'accompagnement contractualisé vers l'emploi et l'autonomie (PACEA) et de la Garantie jeunes du 17 mai 2018. Il s'agit de mobiliser les acteurs de l'ASE et des missions locales pour qu'ils travaillent conjointement avec le jeune, en amont de sa sortie du dispositif de protection de l'enfance, à l'élaboration d'un projet d'accès à l'autonomie adapté aux compétences, envies et besoins du jeune. L'information de ces jeunes sur leur droit à un accompagnement vers l'emploi et l'autonomie, mis en œuvre par les missions locales à partir de 16 ans, favorisera la lisibilité pour les jeunes et les professionnels de l'ASE de toutes les facettes de la politique d'insertion professionnelle qu'ils peuvent mobiliser. Enfin, si le jeune de l'ASE souhaite bénéficier d'un accompagnement socio-professionnel, la réalisation du diagnostic prévu en amont du PACEA permettra de renforcer l'évaluation des capacités et besoins des jeunes de l'ASE et d'élaborer une orientation et une aide la plus adaptée possible. Cette disposition favorisera une prise en charge globale articulant protection et insertion professionnelle et facilitera l'accès de ces jeunes en parallèle de la prise en charge ASE aux dispositifs de droit commun spécifiquement dédiés aux jeunes. Dans cette même perspective, les stratégies en cours d'élaboration, stratégie de prévention et de la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, stratégie nationale pour la protection de l'enfance et le plan quinquennal pour le logement d'abord et la lutte contre le sans-abrisme 2018-2022, prévoient des mesures pour notamment améliorer la préparation à la sortie de l'ASE, articuler les prestations offertes par les conseils départementaux aux jeunes majeurs de 18 à 21 ans et les dispositifs de droit commun notamment d'hébergement/logement ou d'accompagnement vers l'emploi, pour qu'aucun jeune ne sorte sans solution. Parallèlement, des travaux d'étude sont engagés d'une part pour approfondir la connaissance du profil et de la situation des jeunes de 16 à 21 ans accompagnés par les services de l'ASE et d'autre part pour avoir une meilleure connaissance des pratiques des conseils départementaux en la matière. Il s'agit également d'évaluer les besoins de jeunes et leur niveau d'autonomie afin de mieux les accompagner dans leur insertion sociale et professionnelle. Enfin, il est prévu que des travaux soient lancés fin 2018 sur la situation des jeunes les plus en risque de rupture, qui sortent de l'ASE dès leur majorité soit de leur propre volonté soit parce qu'ils se sont vu refuser ou écourter une prolongation de leur prise en charge par l'ASE. Il s'agit de prévoir des solutions adaptées permettant à certains de revenir solliciter l'ASE en allant au-devant d'eux et pour d'autres d'offrir des modes d'accompagnement à bas seuil d'exigences afin d'éviter une rupture avec les institutions et plus largement le groupe social. Par ailleurs, un défi essentiel s'attache aujourd'hui à la qualité de l'accueil familial. Cette profession a été profondément réformée par la loi du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux. Cependant, certaines difficultés persistent dans l'exercice du métier et dans le recrutement lui-même. Dans le cadre de l'élaboration de la stratégie de protection de l'enfance, il est souhaité qu'une réflexion nationale sur le métier d'assistant familial se fondant sur les résultats d'une étude d'ampleur identifie les freins au déploiement de ce mode de suppléance parentale et la façon de les lever. Cette connaissance est essentielle pour le maintien et l'adaptation de ce mode de prise en charge à l'ensemble des publics y compris les jeunes futurs adultes.
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