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Alexis Corbière
Question N° 10380 au Ministère de l'économie


Question soumise le 10 juillet 2018

M. Alexis Corbière interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur les conséquences qu'aura le projet de loi PACTE sur le fonctionnement et l'autonomie de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Depuis sa création en 1816, la CDC, établissement public sui generis, est placée « sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative », selon les termes de l'époque repris dans le code monétaire et financier. Cette spécificité, qui soustrait la Caisse aux préoccupations de court terme, celles du pouvoir exécutif comme celles de la finance privée, garantit la sécurité des sommes qui sont placées auprès d'elle, notamment les fonds tirés de l'épargne populaire. Elle assure la crédibilité de sa direction, et permet de diriger ses investissements vers des objectifs d'intérêt général, orientés sur le long terme. L'indépendance de la CDC en fait donc un instrument essentiel du financement des politiques publiques. Or cette indépendance est remise en cause par le projet de loi PACTE. En modifiant la composition de la Commission de surveillance, il donne de fait la haute main au pouvoir exécutif sur la gouvernance de la CDC : les membres nommés par lui sont désormais en nombre égal avec les représentants du Parlement, dont la plupart appartiennent par ailleurs à la majorité. Il permet également au Gouvernement d'opérer une ponction sur les résultats de la Caisse en fixant lui-même, par décret, le montant de son versement annuel au budget de l'État, s'attribuant ainsi un pouvoir de la CDC. En outre, les garanties du bon fonctionnement de la CDC sont réduites. Sous couvert de simplification, elle est ainsi soustraite aux règles de la comptabilité publique, tandis que sa régulation est alignée sur les normes applicables aux banques commerciales. La Caisse n'est pourtant pas une simple banque, mais une entité publique au service de l'intérêt général. M. le député estime que les errements récents dans la gouvernance de la CDC, illustrés notamment par les rémunérations excessives de ses administrateurs, et qui appellent un contrôle renforcé, ne sauraient justifier que le fonctionnement de cette institution deux fois séculaire soit ainsi bouleversé par ce qui s'apparente à une mise sous tutelle gouvernementale, au détriment du Parlement. Il lui demande donc s'il entend rééquilibrer la réforme projetée dans le sens d'un contrôle accru de la CDC qui puisse s'opérer sous l'égide du pouvoir législatif.

Réponse émise le 14 août 2018

La réforme de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui figure dans le projet de loi PACTE vise à moderniser la gouvernance de cet établissement et à renforcer le cadre de sa supervision prudentielle. Les dispositions relatives au statut et aux missions de la CDC, qui figurent à l'article L. 518-2 du code monétaire et financier, restent inchangées à la faveur de la réforme. La spécificité du statut de l'établissement (lié, en particulier, à la garantie et la surveillance de l'autorité législative) et la singularité de ses missions, en tant qu'investisseur de long terme au service de l'intérêt général, sont ainsi pleinement préservées et confortées par le texte proposé. A l'occasion de la réforme, la commission de surveillance (CS) de la CDC sera dotée de prérogatives élargies, lui donnant une voix délibérative sur l'ensemble des grandes décisions de l'établissement (orientations stratégiques, mise en œuvre des missions d'intérêt général, approbation des comptes, définition de la stratégique d'investissement, etc…). En pratique, ces dispositions renforceront considérablement le contrôle du pouvoir législatif sur la CDC dans la mesure où la CS sera toujours, à l'issue de la réforme, présidée par un parlementaire et majoritairement composée de membres issus directement (5 parlementaires) ou indirectement (3 personnalités qualifiées nommées par les présidents des assemblées) de l'Assemblée nationale et du Sénat. En outre, si la réforme apporte effectivement des ajustements à la composition de la CS, celles-ci sont introduites dans un objectif de renforcement de l'efficacité et de l'exemplarité de cette instance. L'accroissement des prérogatives de la CS rend en effet nécessaire une diversification du profil de ses membres et un élargissement du vivier au sein duquel ils peuvent être désignés. Les représentants issus de la Cour des comptes et du Conseil d'État, ainsi que le sous-gouverneur de la Banque de France, ont vocation à être remplacés par quatre personnalités qualifiées, dotées de toutes les garanties d'indépendance nécessaires vis-à-vis de l'exécutif. L'évolution de la composition de la CS poursuit également un objectif d'exemplarité, avec l'inclusion de deux représentants des salariés et l'application à la CDC des dispositions relatives à la parité. S'agissant du versement de la CDC à l'Etat (dont le principe est inscrit dans la loi depuis le 29 décembre 1989, avec une codification à l'article L. 518-16 du code monétaire et financier), le projet de loi vient préciser et clarifier les modalités de sa fixation. Contrairement à la pratique actuelle, l'Etat soumettra sur une base annuelle et en toute transparence, une proposition de modalité de calcul et de montant pour le versement. Cette proposition sera soumise à l'avis de la CS. L'évolution du cadre comptable applicable à la CDC vise notamment à mettre en œuvre les recommandations formulées par la Cour des comptes qui, dans plusieurs rapports récents, a invité le législateur à moderniser ces dispositions. D'autres établissements publics (Bpifrance, l'Agence française de développement) sont d'ores et déjà soumis aux règles de la comptabilité commerciale qui, en pratique, se révèle davantage adaptée aux caractéristiques de leur modèle économique et à la nature de leurs interventions. Enfin, la supervision prudentielle de la CDC par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, rendue plus nécessaire encore alors que la CS sera dotée de prérogatives élargies sur la gestion de l'établissement, permettra de renforcer la protection des fonds gérés par la CDC. La supervision de la CDC ne sera pas pour autant celle d'une « simple banque » : le projet de réforme prévoit ainsi que le cadre du contrôle externe applicable à la CDC restera fixé par décret, après avis de la CS, et qu'il continuera de prendre en compte les « spécificités du modèle économique de l'établissement » (cette mention étant d'ailleurs explicitement introduite à l'article L.518-15-2 du code monétaire et financier).

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