Mme Élodie Jacquier-Laforge attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la recrudescence des réseaux de prostitution impliquant des mineures. Les proxénètes approchent leurs victimes dans un premier temps sur les réseaux sociaux, à la recherche d'adolescentes en détresse, en manque de repères et/ou isolées. On parle de « prostitution des cités » qui touche de plus en plus de mineures et très jeunes femmes. Il devient alors très difficile pour elles de sortir de ces réseaux. En effet, les proxénètes font pression sur elles pour qu'elles continuent et du fait de leur âge elles ne réalisent pas toujours ce qu'elles vivent. En 2017, la Brigade des mineurs aurait enquêté sur 90 dossiers (représentant environ 150 victimes), contre 20 en 2014. Depuis le début de l'année, 40 dossiers seraient suivis. En 2016, les ONG annonçaient 6000 à 10000 mineurs victimes en France, majoritairement des filles. Il existe cependant différents types de prostitution de mineurs aux réalités différentes. Elle peut concerner des mineurs français, nés sur le territoire, en prise à des réseaux, des mineurs français, nés sur le territoire, se livrant à une prostitution occasionnelle ou des mineurs étrangers, souvent victimes de la traite des êtres humains. Les réalités de terrains montrent combien il est difficile pour notre droit de protéger réellement ces enfants. Elle lui demande quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin de lutter contre la prostitution des mineurs.
L'arsenal juridique existant de la protection de l'enfance, régi par le code de l'action sociale et des familles et par le code civil, permet de mettre en œuvre des accompagnements éducatifs adaptés pour ces mineurs. Il convient de poursuivre la formation des professionnels de la justice en matière de prostitution des mineurs et de traite des êtres humains, de pérenniser et d'étendre les bonnes pratiques locales et utiliser à plein les dispositifs que les lois récentes sont venues préciser. Le Parquet de Paris, soutenu par la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), a pris l'initiative d'établir une convention sur la mise en place d'un dispositif expérimental visant à protéger les mineurs victimes de TEH. Cette convention a été signée le 1er juin 2016 entre le préfet de police de Paris, les chefs de juridiction du TGI de Paris, la maire de Paris et Présidente du Conseil départemental de Paris, la Secrétaire générale de la MIPROF, la Directrice de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, le Secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance, le Bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris et le Directeur de l'association Hors la Rue. L'objet de la convention vise à repérer et identifier les mineurs victimes de traite, les soustraire à l'influence des réseaux et les protéger. Ce dispositif expérimental d'un an, financé par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), consiste à placer les mineurs victimes de traite dans des conditions sécurisantes, notamment grâce à un éloignement géographique des victimes. Celles-ci sont prises en charge dans des structures au sein desquels des éducateurs spécialement formés à cette problématique les accompagnent au quotidien. C'est dans cette perspective de spécialisation de la prise en charge éducative que la MIPROF a également élaboré un livret de formation spécifique dédié aux éducateurs amenés à intervenir auprès de victimes de traite. Le bilan du dispositif, qui est opérationnel depuis septembre 2015, est très positif. Il abrite principalement des jeunes filles victimes d'exploitation sexuelle, âgées entre 15 et 18 ans. Ce dispositif expérimental a été reconduit pour un an par avenant à la convention du 1er juin 2016 qui a intégré l'OFPRA et le SG-CIPDR au rang des acteurs institutionnels participants. Actuellement, le réseau des structures d'accueils adhérentes est constitué de 12 établissements. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la justice et la MIPROF entendent travailler à l'extension de ce dispositif d'éloignement à d'autres ressorts que la région parisienne. Cette extension pourrait être inscrite au 2ème plan de lutte contre la traite des êtres humains, actuellement en cours d'élaboration sous l'égide de la MIPROF. La lutte contre la traite des mineurs, dont les mineurs non accompagnés (MNA) – étrangers, faisait partie des objectifs du premier plan national de lutte contre la traite et fera également partie des objectifs du second plan. Par ailleurs, la loi du 3 août 2018 sur les violences sexuelles et les violences sexistes renforce la protection des personnes en détresse économique et vulnérables, victimes de violence sexuelle et dont les conditions de vie peuvent favoriser leur traite notamment aux fins d'exploitation sexuelle. La loi précitée ajoute une circonstance aggravante au crime de viol (article 222-24 du code pénal) et aux autres agressions sexuelles (article 222-29 du code pénal) lorsque ces infractions sont commises « sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de l'auteur ». Cet article s'inscrit dans la continuité de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. En effet, cette loi réprime le recours à la prostitution et l'exploitation et crée un arsenal juridique concret de lutte contre le recours à la prostitution, notamment de cité, et de protection des victimes. Cette prostitution se caractérise par une banalisation de l'acte sexuel contre une rémunération, dans un cadre de manipulation amoureuse ambigüe. Cette ambiguïté ne permet pas aux jeunes filles de prendre conscience de leur statut de victimes. Précisément, les articles 18 et 19 de la loi du 13 avril 2016 prévoient qu'une information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps soit dispensée aux élèves du secondaire (collèges et lycées). L'article 5 de la loi du 13 avril 2016 a repensé l'article L 121-9 du code de l'action sociale et des familles afin de prévoir un arsenal de protection renforcée via une instance départementale associant magistrats, services de police, services de santé et secteur associatif et créant un véritable parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle, mis en œuvre par les associations spécialisées après évaluation des besoins spécifiques sanitaires, professionnels et sociaux de la personne concernée. Ce dispositif peut permettre d'assurer le relais entre la protection de l'enfance et la protection sociale au moment du passage à la majorité des jeunes concernés.
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