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Jean Lassalle
Question N° 10748 au Ministère de l'économie


Question soumise le 17 juillet 2018

M. Jean Lassalle interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur ses intentions concernant la lutte contre les factures impayées, un fléau des petites et moyennes entreprises. En effet, le risque de factures impayées figure parmi les principales causes de défaillance des entreprises. Ce phénomène touche toutes les entreprises sans exception et affaiblit considérablement les organismes vulnérables, à savoir les petites et les jeunes entreprises fragiles financièrement, donc particulièrement exposées. Une facture impayée peut causer de grosses difficultés de trésorerie et les pousser au dépôt de bilan. De même, tous les fournisseurs, sous-traitants, etc., qui dépendent d'un client pour une grande part de leur chiffre d'affaires sont extrêmement sensibles à toute fluctuation qui l'affecterait. Alors que les gouvernements consécutifs promettent de mettre en place des mesures efficaces pour remédier à ce fléau, le constat est toujours dramatique car 70 % des dépôts de bilan sont dus aux impayés, 40 % de l'actif des entreprises est constitué de créances clients et la moitié des TPE-PME sont toujours sans solution face aux défauts de paiement. En principe selon le code de commerce, lorsqu'un contrat est conclu entre deux professionnels, le délai limite de règlement est fixé à 30 jours. Et même si la loi prévoit le droit de négocier ce délai, il ne peut pas dépasser 60 jours à compter de l'émission de la facture. Or, en réalité, un tiers des entreprises voit ses factures réglées au-delà de ces 60 jours. Mais un impayé n'entraîne pas seulement une perte de chiffre d'affaires. Outre le temps consacré à ce problème, l'entreprise doit également prendre en charge les frais de recouvrement liés à la procédure engagée. Enfin, initier une démarche de recouvrement de créances signifie bien souvent une dégradation des relations avec le client, que l'entreprise perd, et donc un manque à gagner pour celle-ci. Cela démontre que l'impact des retards de paiement est aujourd'hui sans précédent et qu'une prise de conscience est nécessaire. Dans l'intérêt de ces entreprises qui font la richesse du pays, il est urgent de réduire considérablement le temps de paiement des factures, de les accompagner juridiquement dans leurs contentieux et enfin, de fixer et d'appliquer des pénalités lourdes et dissuasives contre leurs créanciers. C'est dans ce contexte qu'il lui demande de mettre en place des mesures concrètes, afin d'améliorer la situation au sein des circuits d'affaires français, de démontrer à ces entreprises en difficulté qu'elles ne sont pas oubliées et qu'elles peuvent compter sur le Gouvernement.

Réponse émise le 13 novembre 2018

Le ministre chargé de l'économie a fait du contrôle des délais de paiement une mission prioritaire de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et lui a assigné un objectif de 2500 établissements à contrôler chaque année à ce titre, objectif renouvelé pour 2018. Sont principalement ciblées les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire qui sont susceptibles d'avoir un impact important sur l'économie nationale, en particulier lorsqu'elles s'approvisionnent auprès de PME. Pour renforcer l'efficacité de ces contrôles, la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a inséré dans le code de commerce des dispositions visant à lutter contre les retards de paiement préjudiciables à la compétitivité et à la viabilité des entreprises. Depuis lors, les services de la DGCCRF peuvent prononcer, au terme d'une procédure contradictoire, une amende administrative en cas de non-respect des dispositions relatives aux délais de paiement. La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a inséré dans le code de commerce de nouvelles dispositions visant à lutter contre les délais de paiement abusifs. Il s'agissait de renforcer la transparence en matière de respect des délais de paiement par les entreprises par la publication obligatoire de données dans leur rapport de gestion. De plus, les commissaires aux comptes doivent désormais signaler au ministre chargé de l'économie, les manquements significatifs et répétés des sociétés aux règles relatives aux délais de paiement visés par les 9ème et 10ème alinéas de l'article L.441-6 I du code de commerce. La compétence de la DGCCRF a en outre été étendue, par l'article 198 de cette même loi, au contrôle des délais de paiement des entreprises publiques soumises aux règles de la commande publique. Enfin, la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a renforcé le dispositif de sanction administrative. Le plafond légal de l'amende encourue par les personnes morales a été rehaussé à deux millions d'euros, les sanctions en cas de manquement aux différentes règles relatives aux délais de paiement peuvent désormais se cumuler entre elles et la publication des décisions d'amendes administratives est désormais systématique (à l'exception de celles relatives aux entreprises publiques soumises aux règles de la commande publique pour lesquelles la publication reste facultative). En 2017, 230 procédures d'amendes administratives ont ainsi été lancées par la DGCCRF, représentant au total, près de 14,7 millions d'euros d'amendes (amendes notifiées et en cours de notification). Pour mémoire, 228 procédures avaient été lancées en 2016 pour un total de 10.9 millions d'euros d'amendes. De plus, 23 décisions d'amende ont fait l'objet, en 2017, d'une publication sur le site internet de la DGCCRF (onglet « Sanctions/délais de paiement »). Par ailleurs, le code de commerce prévoit également des pénalités de retard ainsi qu'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement en cas de retard de paiement du débiteur. Le taux d'intérêt des pénalités de retard doit figurer dans les conditions générales de vente de tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur et sur toute facture (article L.441-3 I alinéa 12 du code de commerce). En l'absence d'autres stipulations contractuelles, le taux applicable est celui de la Banque centrale européenne majoré de 10 points de pourcentage (soit 10% depuis le 16 mars 2016) mais les parties peuvent également convenir d'un taux différent, qui ne doit cependant pas être inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, soit 2,67 % (3 x 0,89% depuis le 1er janvier 2018). L'article L.441-6 alinéa 12 du code de commerce prévoit que « les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire ». Elles sont donc exigibles de plein droit le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture et le débiteur calcule les pénalités de retard dues au moment du paiement effectif, en fonction du nombre de jours de retard, sans que le créancier ait à émettre une nouvelle facture. En cas de non-versement volontaire des pénalités de retard, il appartient au créancier de saisir le juge pour obtenir l'exécution de son obligation par le débiteur. De plus, l'article L.441-6 I alinéa 12 du code de commerce dispose que « tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret ». Cette indemnité doit également figurer sur la facture et son montant est fixé à 40 euros (article D.441-5 du code de commerce). Toutefois, l'entreprise créancière ne peut réclamer l'indemnité à son débiteur lorsque celui-ci fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire (article L.441-6 I alinéa 12 précité). Cette indemnité forfaitaire de recouvrement a été instaurée dans le but de compenser les frais de recouvrement supportés par le créancier en cas de retard de paiement. Ces derniers comprennent la récupération des coûts administratifs ainsi que l'indemnisation des coûts internes engendrés par les retards de paiement. L'indemnité est due dès le premier jour de retard de paiement par le débiteur et s'applique de surcroit à chaque facture réglée en retard. Il appartient donc au débiteur de régler spontanément cette indemnité ; à défaut, le créancier peut réciproquement procéder à une relance pour en obtenir le règlement. Selon les chiffres du rapport de l'année 2017 de l'Observatoire des délais de paiement, l'entrée en vigueur de la loi du 17 mars 2014 précitée et du régime de sanctions administratives en matière de délais de paiement interentreprises, ainsi que la pression de contrôle soutenue exercée par la DGCCRF en la matière, ont entraîné une nette amélioration du délai de paiement moyen. En effet, selon ces chiffres, la situation des délais de paiement s'est globalement améliorée de manière continue depuis le 2ème trimestre 2015. Entre cette période et le 3ème trimestre 2017, le retard moyen de paiement est passé de 13.6 jours à 11.2 jours toutes catégories confondues (acheteurs publics et privés), soit un niveau inférieur à la moyenne européenne, établie à 13,1 jours. Quoique moins bien placée que les Pays-Bas et l'Allemagne (avec des retards moyens de paiement respectifs de 4.8 jours et 6.6 jours), la France se classe 3ème en Europe en matière de comportements de paiement. En outre, depuis le 1er trimestre 2016, la part des paiements sans retard en France est passée de 38.1% à 43.6% et la part des retards supérieurs à 15 jours, de 31.3% à 26.6%. Ainsi, les dispositions du code de commerce réglementant les délais de paiement interentreprises et les pénalités de retard prévoient l'ensemble des mesures nécessaires pour assurer l'ordre public économique.

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