Mme Émilie Cariou attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la non publication par certaines entreprises de l'agroalimentaire de leurs comptes. Des difficultés affectent le secteur de l'agro-alimentaire, avec en son cœur une accentuation de problèmes économiques subis par les agriculteurs. L'opacité qui tient lieu parfois de règle chez certains grands groupes, certes à l'occasion dans une logique de protection face à l'agressivité commerciale de certains distributeurs, contribue à accentuer un certain malaise du secteur et l'incompréhension des citoyens français dans leurs habitudes de consommation. Les états généraux de l'alimentation que nous lançons avec toutes les parties prenantes vont être l'occasion de conduire des réformes adaptées pour faire reconnaître la valeur ajoutée de chaque intervenant de la chaîne de l'alimentation, en particulier les exploitants agricoles. Lors du précédent quinquennat, l'Assemblée nationale a adopté à une large majorité une mesure aiguillon de la transparence, à savoir l'article 98 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Cette disposition met en place un outil coercitif spécifique au secteur agroalimentaire permettant à l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires de solliciter du tribunal de commerce compétent le prononcé d'une astreinte journalière proportionnelle à son chiffre d'affaires pour la société commerciale manquant à ses obligations de transparence comptable (article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime, alinéa 6). De récentes auditions à l'Assemblée nationale cette semaine du 11 septembre 2017 ont pu heurter des membres de la représentation nationale de tous bords comme les Français, avec la prolongation de l'opacité sur ces éléments comptables par un certain mutisme chez des représentants de grands groupes agroalimentaires, toujours défaillants dans cette publicité, malgré ce nouveau dispositif de la fin 2016. Dans ce contexte, la députée l'interroge sur les points suivants, afin de faire le point sur les outils mis à disposition par le droit en vue d'atteindre le niveau de transparence espéré par tous : quelles sont précisément les entreprises concernées par le dispositif de l'article 98 précité, leur nombre et leur répartition parmi les transformateurs, distributeurs et commerçants ; comment l'obligation de publier les comptes est-elle actuellement respectée dans ce secteur ; quelles sont les cas de recours et astreintes au final prononcés qui ont été le cas échéant constatés avec ce nouveau dispositif inscrit à l'article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime ; quelles sont les possibilités offertes pour les représentants des citoyens, consommateurs et agriculteurs pour solliciter la mise en œuvre cette procédure d'astreinte, afin de la rendre plus fréquente ; quelles sont les solutions envisagées pour rendre plus efficiente cette nécessaire mesure de transparence pour l'ensemble des acteurs de la chaîne de l'alimentation, tant pour les citoyens que pour les agriculteurs. Économiquement et juridiquement, se justifierait-il de rendre par exemple automatique le prononcé de l'astreinte, d'orienter vers des entités de soutien aux agriculteurs les sommes produites par les astreintes, ou d'en augmenter drastiquement le montant, pour enfin que les obligations de publicité comptable soient mises en œuvre ? Elle lui demande sa position sur ces questions.
La question de la transparence au long de la chaîne alimentaire ainsi que l'amélioration des relations commerciales entre producteurs, industriels et distributeurs sont des préoccupations constantes du Gouvernement, qui a fait évoluer la législation et mis en place des mesures pour renforcer la transparence et favoriser une meilleure répartition de la valeur ajoutée au sein des filières. Ainsi, conformément aux dispositions prévues par la loi no 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (Sapin2), le président de l'observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OfPM) a la possibilité, depuis décembre 2016, de saisir le président du tribunal de commerce afin que ce dernier adresse une injonction de déposer ses comptes à bref délai sous astreinte à une société qui n'aurait pas encore rempli cette obligation conformément aux articles L. 232-21 à L. 232-23 du code de commerce. Cette obligation concerne les sociétés commerciales transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires. Le dépôt des comptes annuels est obligatoire pour plusieurs catégories de sociétés, dont les sociétés à responsabilité limitée pluripersonnelles et les sociétés à responsabilité limitée unipersonnelles ; les sociétés par actions et les sociétés par actions simplifiées pluripersonnelles ; les sociétés coopératives agricoles, sous réserve de dépassement de certains seuils ; et certaines sociétés d'intérêt collectif agricole. Le dépôt de ces comptes au registre du commerce entraîne par la suite leur publicité (hormis pour les micro entreprises). Tout intéressé est donc en principe libre de les consulter, y compris en ligne. Le président de l'OfPM peut donc saisir le tribunal de commerce pour toute société entrant dans une catégorie mentionnée ci-dessus, qui n'aurait pas procédé au dépôt de ses comptes, et ce quelle que soit la filière agricole ou agroalimentaire. Le montant de l'astreinte peut aller jusqu'à 2 % du chiffre d'affaires journalier moyen hors taxes réalisé en France par la société au titre de cette activité, par jour de retard à compter de la date fixée par l'injonction. Cette possibilité a été utilisée une fois par le président de l'OfPM, qui a demandé aux tribunaux de commerce d'obliger la société incriminée à déposer ses comptes. En raison du caractère récent de cette nouvelle mesure, il apparaît prématuré d'en tirer un bilan dès aujourd'hui. Les représentants des consommateurs suivent et participent aux travaux de l'OfPM ; celui-ci compte dans son comité de pilotage deux représentants des associations nationales de consommateurs. Ils peuvent donc solliciter dans le cadre du comité de pilotage la mise en œuvre de la mesure. Par ailleurs, siégeront prochainement au comité de pilotage deux députés et deux sénateurs. Les états généraux de l'alimentation (EGA), lancés le 20 juillet 2017 par le Premier ministre en présence du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, du ministre de la transition écologique et solidaire et du secrétaire d'État à l'économie et aux finances, placent ces sujets au cœur des débats, afin de poser des diagnostics et de formuler des propositions pour l'action du Gouvernement. Les questions de transparence, de répartition de la valeur ajoutée au long des filières et d'amélioration des relations commerciales ont notamment été étudiées dans les ateliers 5 « rendre les prix d'achat des produits agricoles plus rémunérateurs pour les agriculteurs » et 7 « améliorer les relations commerciales et contractuelles entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs. » À l'issue du premier chantier des EGA, le Président de la République a réaffirmé l'engagement de l'État à prendre ses responsabilités pour une pleine application des dispositions de la loi Sapin2, avec un contrôle effectif et des sanctions véritablement appliquées.
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