M. Stéphane Viry attire l'attention de M. le ministre de la cohésion des territoires sur le recouvrement des factures d'eau par les syndicats intercommunaux depuis que l'interdiction de couper l'alimentation en eau potable a été posée en application de la loi du 15 avril 2013. La loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes, précisée par le décret d'application n° 2014-274 du 27 février 2014, interdit à tout distributeur de couper l'alimentation en eau dans une résidence principale même en cas d'impayés et ce tout au long de l'année. Depuis lors, il est constaté que les services publics d'eau et d'assainissement ne peuvent plus émettre d'avis de coupure dans les logements en cas d'impayés, ni même procéder à des interruptions de service. La croissance des impayés met en péril la bonne gestion des régies municipales ou des syndicats intercommunaux des eaux. Le syndicat qui a pris l'attache du député a constaté une hausse des impayés de 78 % depuis la mise en œuvre de cette loi. S'il n'est pas question de remettre en cause le principe de la tarification sociale de l'eau, nécessaire au profit des plus publics précaires, il n'en revient pas moins que la loi a provoqué un effet d'aubaine, néfaste pour les syndicats intercommunaux, qui peuvent rencontrer des difficultés de trésorerie et voire des contraintes budgétaires fortes, en cas d'admissions en non-valeur. À la suite de la question écrite de M. Daniel Gremillet, sénateur des Vosges, du 5 mai 2016, sur le même sujet, le Gouvernement avait répondu, le 30 mars 2017, qu'il souhaitait attendre le bilan des expérimentations prévues par la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 pour faire évoluer le cadre actuel dans le sens de la durabilité des services publics d'eau et d'assainissement et du respect des droits fondamentaux d'accès à l'eau et à l'assainissement. Toutefois, le bilan de l'expérimentation ayant été repoussé de 3 ans, au 15 avril 2021, après un vote concordant du Sénat et de l'Assemblée nationale, une réponse sur l'enjeu spécifique du recouvrement est nécessaire avant ce terme. Ainsi, il lui demande de bien vouloir indiquer sa position concernant les moyens qu'il entend mettre en œuvre pour accompagner les syndicats afin d'envisager la mise en place d'une réduction de débit d'eau potable pour les mauvais payeurs en situation d'irrégularités non justifiées, et de préciser les instructions qu'il entend donner aux réseau des comptables publics afin d'améliorer le taux de recouvrement des impayés.
Le droit français reconnaît le droit à l'eau à travers l'article L. 210-1 du code de l'environnement : « L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. » L'article 19 de la loi nº 2013-312 du 15 mars 2013, en modifiant l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles, a interdit les coupures d'eau pour impayés à toute époque de l'année pour l'ensemble des résidences principales, sans condition de ressources, alors que cette interdiction était jusque-là réservée aux familles en difficultés bénéficiant ou ayant bénéficié du fonds de solidarité pour le logement (FSL). Ces dispositions ont été confirmées par le Conseil Constitutionnel le 29 mai 2015, à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité. Pour autant, l'interdiction de coupure d'eau n'emporte pas annulation de la dette. La facture impayée reste due par l'abonné. Le ministère de la transition écologique et solidaire est conscient des difficultés que ce cadre législatif peut engendrer pour la gestion des services publics d'eau potable. Ce nouvel état de droit pourrait encourager des comportements non-citoyens et induire des impacts financiers importants, non seulement pour les services en raison de difficultés de recouvrement des paiements, mais également pour les usagers qui pourraient voir leur facture augmenter afin de compenser les pertes de recettes qui en découlent. Le recours aux aides (FSL, aides directes des collectivités…) et l'accompagnement des foyers dans les démarches permettant d'en bénéficier constitue une voie préventive d'amélioration du recouvrement des factures. Par ailleurs, le rapport « Eau potable et assainissement : à quel prix ? » commandé par le Gouvernement au conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et à l'inspection générale de l'administration (IGA) et publié en 2017 aborde le problème des factures impayées et met notamment en évidence que la mensualisation constitue, d'après les retours d'expérience, un moyen efficace de réduction des impayés et doit donc être encouragée. Parallèlement à la poursuite du suivi des impacts de ces modifications législatives sur le taux d'impayés, l'expérimentation pour une tarification sociale de l'eau, prévue par la loi Brottes, a fait l'objet d'un premier bilan avant sa reconduction pour 3 années supplémentaires. Une cinquantaine de collectivités testent des modalités originales de soutien aux personnes ayant des difficultés de paiement de leurs factures d'eau. Leurs retours d'expérience pourraient permettre, dans les prochaines années, de proposer d'autres voies de prévention des impayés de facture d'eau mais, le recul n'étant pas à l'heure actuelle suffisant, le Gouvernement préfère bénéficier de quelques années supplémentaires afin d'étudier notamment les impacts des dispositifs mis en œuvre sur les consommations d'eau et le recouvrement des factures. En revanche, il existe déjà, dans le cadre de la législation en vigueur, des possibilités d'accompagner les ménages en difficulté dans le paiement de leur facture d'eau ; de tels exemples figurent dans le document 2018 de bilan de l'expérimentation qui sera bientôt disponible (médiation, accompagnement budgétaire par les caisse centrale d'activités sociales…).
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