M. Alexis Corbière alerte M. le ministre de l'économie et des finances sur la cession à venir de la société Saur, troisième acteur du secteur de la distribution d'eau en France. La Saur, ancienne filiale du groupe Bouygues, a depuis 2005 fait l'objet de deux leverage buy out (LBO) ou « rachats par emprunt ». Cette technique financière consiste à faire peser sur la société rachetée le poids de la dette que son nouveau propriétaire a contractée pour l'acquérir. Très endettée à la suite de ces deux rachats, l'entreprise subit de plein fouet la crise financière mondiale, et ses actionnaires dépassés par la situation la cèdent à ses créanciers, un consortium de banques, qui la revendent à présent au fonds d'investissement suédois EQT. Ce dernier changement d'actionnaires laisse planer le doute sur le devenir de la société et des emplois qui en dépendent. Le bilan de cette décennie de gestion au rythme des cessions et des impératifs financiers est édifiant : l'entreprise est passée de plus de 14 000 à 7 860 employés et son chiffre d'affaires a fondu à 1,29 milliard d'euros. Ce gâchis est d'autant plus scandaleux qu'est en jeu un secteur vital, le traitement des eaux. Il l'est pour l'environnement, car l'eau douce est un bien précieux, essentiel à la vie mais de plus en plus rare : or, faute d'investissements, un litre d'eau sur cinq se perd dans des canalisations vétustes, selon les services du ministère de la transition écologique. Il l'est également pour les usagers qui constatent sur leurs factures le coût de l'incompétence des gestionnaires. Il est donc essentiel que ce champ de l'activité économique soit protégé. Or, au titre de la législation sur le contrôle des investissements étrangers, il est possible de soumettre ceux-ci à autorisation lorsqu'ils interviennent dans des domaines stratégiques. L'approvisionnement en eau en fait partie. M. le député demande donc à M. le ministre s'il compte, à ce titre, autoriser le rachat de cette société par un fonds d'investissement étranger ou, à tout le moins, s'assurer qu'il ne constitue pas le prélude à un nouveau désastre industriel, destructeur d'emplois, coûteux pour l'environnement et pour les consommateurs. Par ailleurs, alors que l'association UFC Que Choisir a récemment alerté sur les marges abusives des acteurs privés de la distribution de l'eau, il lui demande s'il envisage de protéger davantage les consommateurs contre les pratiques tarifaires prédatrices de certains d'entre eux.
Il convient de rappeler que les relations financières entre la France et l'étranger sont par principe libres (article L. 151-1 du code monétaire et financier). Toutefois, en accord avec les traités européens et les engagements internationaux de la France, les investissements étrangers dans certains secteurs sensibles font l'objet d'une autorisation préalable du ministre chargé de l'économie (articles L. 151-3 et R. 153-1 et suivants du même code). C'est le cas lorsqu'ils interviennent dans des activités qui présentent des enjeux en termes d'ordre public, de sécurité publique ou de défense nationale. L'approvisionnement en eau du pays fait pleinement partie des domaines concernés par la réglementation sur les investissements étrangers (R. 153-2, 12°, c) ). Dès lors, conscient des enjeux de salubrité et de santé publiques qui s'attachent à la gestion de l'eau, le Ministre de l'économie entend porter toute son attention sur les projets d'investissements dans les entreprises françaises relevant de ce secteur, afin d'assurer la sécurité et la continuité des approvisionnements français en eau potable, dans le respect du cadre juridique français relatif au contrôle des investissements étrangers. Ce cadre juridique est par ailleurs renforcé dans le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale. Le service public d'eau est d'assainissement est une compétence du groupe communal, dont les capacités d'ingénierie ne font que s'accroître, notamment grâce au transfert de compétence au niveau est établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre prévu par la loi du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République et aménagé par la loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes. L'exercice de ces compétences locales conduit les collectivités à opter pour la meilleure solution pour leur territoire et à négocier les contrats de délégation au plus juste. L'État assure la transparence nationale des données grâce au système d'information sur les services publics d'eau et d'assainissement, dont le dernier rapport vient de paraître (http://www.services.eaufrance.fr/panorama/rapports#Rapport_2015_France_entiere). Les données recueillies ont été présentées à l'occasion de la première séquence des assises de l'eau. Elles montrent que 31 % des services d'eau potable et 22 % des services d'assainissement collectif sont gérés en délégation. La variabilité des prix, en régie ou en délégation, la variabilité des coûts entre les types de délégation, ainsi que la variabilité des services rendus par ces services publics ne permettent pas de faire un corrélation entre délégation et prix élevé de l'eau. Afin à favoriser l'accès à l'eau des populations les plus fragiles, et dans le cadre des objectifs de développement durable, le ministre de la Transition écologique et solidaire apporte son soutien en faveur de la prolongation de l'expérimentation pour une tarification sociale de l'eau mise en place par la loi du 15 avril 2013, dite « loi Brottes ». En effet, les premiers résultats montrent qu'en raison de la diversité des situations, il est préférable de laisser de la subsidiarité et de faire confiance aux collectivités pour créer et mettre en œuvre des dispositifs adaptés et pertinents en faveur de l'accès à l'eau et l'assainissement des plus démunis. Ainsi, pour permettre aux collectivités de consolider les retours d'expériences et pouvoir faire un choix éclairé sur les suites à donner, le ministère de la Transition écologique et solidaire souhaiterait prolonger de trois ans cette expérimentation. Outre la proposition de loi visant à la prolongation de l'expérimentation qui a été déposée le 7 février 2018 au Sénat et soutenue par le ministre d'État, ministre de la Transition écologique et solidaire, le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ELAN, suite à sa première lecture, a introduit une disposition visant à la prolongation pour une durée de 3 ans de l'expérimentation. Récemment étudiée par le Conseil constitutionnel, cette disposition a été jugée comme non conforme dans cette loi. Il est donc aujourd'hui nécessaire que la proposition de loi du 7 février 2018, visant à la prolongation de l'expérimentation, soit étudiée à l'Assemblée nationale pour permettre la poursuite de l'expérimentation. Le ministère de la Transition écologique et solidaire vous soutient donc pleinement dans votre volonté de voir prolonger cette expérimentation par l'intermédiaire de cette proposition de loi.
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