M. Daniel Fasquelle attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'utilisation des outils prédictifs dans le secteur de la justice. Il constate que les outils mis à disposition par le secteur dit de la legaltech se sont multipliés depuis quelques années, outils largement utilisés dans les cabinets d'avocats. Il constate que si un premier travail a été réalisé sur la transparence des outils d'aides à la prise de décision en matière judiciaire par le ministère de la justice, les mesures demeurent insuffisantes. En l'espèce, rien ne permet à un citoyen de s'assurer que la décision prise à son encontre n'est pas le résultat d'un traitement automatisé assimilable à celui d'un algorithme. Ainsi, même si la décision finale reste à la discrétion du magistrat, le député constate que ce dernier ne pourra qu'être influencé par l'information livrée par le logiciel d'analyse prédictive. Ainsi, il souhaite connaître des modalités par lesquelles le ministère entend permettre un contrôle citoyen renforcé de ces outils (ouverture de ces outils au public, audit de ces outils par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information) et dans quelle mesure le ministère de la justice entend utiliser et renforcer l'usage des outils prédictifs au sein des prétoires.
Les articles 20 et 21 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique prévoient la mise à disposition du public des décisions de justice rendues par les juridictions des ordres administratif et judiciaire. Cette ouverture des décisions va favoriser la réutilisation des données de jurisprudence, notamment par des outils automatisés. Afin de garantir un traitement vertueux de ces données, le ministère de la justice est attentif à la régulation des outils exploitant ces dernières. L'article 10 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés prévoit qu'aucune décision de justice impliquant une appréciation sur le comportement d'une personne ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à évaluer certains aspects de la personnalité de cette personne. Cet article dispose également qu'en principe, aucune décision produisant des effets juridiques à l'égard d'une personne ou l'affectant de manière significative ne peut être prise sur le seul fondement d'un traitement automatisé de données à caractère personnel. Par ailleurs, afin d'éclairer l'élaboration d'un corpus de régulation, une mission a été confiée par le ministère de la justice au professeur Loïc Cadiet sur l'open data des décisions de justice, lequel a remis son rapport le 9 janvier 2018. La recommandation n° 20 dudit rapport préconise une régulation des nouveaux outils de justice dite "prédictive" par l'édiction de mécanismes de transparence, de contrôle souple par la puissance publique et de certification. A cet égard, l'article 19 du projet de loi de programmation et de réforme interdit la réutilisation des données d'identité des magistrats ayant pour effet ou pour objet d'évaluer, d'analyser, de comparer ou de prédire leurs pratiques professionnelles réelles ou supposées. Le classement des juges ou ranking est pénalement sanctionné. Ce même projet de loi interdit également qu'un site proposant un service en ligne d'aide à la résolution des différends repose exclusivement sur un traitement automatisé.
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