Mme Mireille Clapot interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur le problème du surpeuplement carcéral. L'étude d'impact du projet de loi justice indique un taux de densité carcérale de 116 % en moyenne au 1er février 2018. Au 1er avril 2018, la France comptait 70 367 détenus pour 59 459 places opérationnelles. Parmi ces détenus, 20 472 étaient incarcérés dans des centres pénitentiaires sur-occupés à plus de 150 % et pas moins de 1 628 dormaient sur des matelas posés à même le sol. Cette situation crée des tensions extrêmes et suscite des violences verbales et physiques entre détenus mais aussi envers les personnels de l'administration pénitentiaire. Or l'article 717-2 du code de procédure pénale dispose que « les condamnés sont soumis dans les maisons d'arrêt à l'emprisonnement individuel du jour et de nuit et dans les établissements pour peines, à l'isolement de nuit seulement ». Cette disposition de 1875 n'a jamais été appliquée, la surpopulation carcérale étant un problème récurrent depuis de nombreuses années bien que les programmes de construction se soient succédé ces dernières décennies. Le Conseil d'État a exhorté le Gouvernement à de nombreuses reprises à augmenter la capacité carcérale des prisons et la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme pour traitements inhumains et dégradants au regard des conditions de détention infligées à ses détenus. Régulièrement, des suicides viennent jeter une lumière crue sur l'inadaptation de l'enfermement comme réponse à certains délits et certaines personnalités. Ainsi, elle lui demande, en prévision de la prochaine loi de programmation de la justice, quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin de remédier aux problèmes de surpeuplement carcéral. En particulier, elle lui demande de considérer non pas seulement le volet immobilier : construction de davantage de places de prison, mais le développement des alternatives à l'incarcération (travail d'intérêt général, sursis avec mise à l'épreuve ou contrainte pénale, placement sous surveillance électronique, placement à l'extérieur, etc.) sont des pistes de solution à la surpopulation carcérale envisagée.
Le programme immobilier pénitentiaire porté par le Gouvernement, qui prévoit de livrer 7 000 places supplémentaires d'ici 2022 et d'engager à la même date la construction de 8000 autres, a pour objectifs de lutter contre la surpopulation carcérale et de favoriser la réinsertion des détenus. Il prévoit la construction de places de maisons d'arrêt car ce sont les établissements les plus confrontés à la surpopulation. Le programme immobilier sera toutefois diversifié dans sa typologie pour permettre une prise en charge différenciée et adaptée au profil et au besoin des détenus : les établissements de nouvelle génération offriront notamment un réel parcours de réinsertion et de prévention de la récidive grâce à l'intégration dans les cahiers des charges d'espaces qualitatifs faisant une plus large place à l'accueil et à l'évaluation du parcours d'exécution de peine, au travail, à l'insertion, aux installations sportives et à la zone sanitaire. A cet égard, 16 structures d'accompagnement vers la sortie (SAS) seront créées afin de mieux prendre en charge le public condamné à de courtes peines, souvent accueilli en maison d'arrêt, en préparant activement la réinsertion des personnes dépourvues de projet. Le taux d'occupation d'un établissement est désormais un critère déterminant dans le choix du lieu d'écrou initial. Le décret n° 2017-771 du 4 mai 2017 modifiant le code de procédure pénale prévoit que, si le taux d'occupation d'une maison d'arrêt le justifie, un prévenu peut être affecté dans un établissement autre que la maison d'arrêt de la ville où siège la juridiction d'instruction ou du jugement devant laquelle il devra comparaître. S'agissant du parc immobilier existant, sa rénovation et son maintien en condition de fonctionnement opérationnel est une priorité. La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice permettra, sur le quinquennat, de garantir une enveloppe annuelle de 100 M€ à 120 M€ pour l'entretien du parc pénitentiaire, cette enveloppe pouvant être abondée en cours de gestion en fonction des crédits disponibles. Par ailleurs, la réforme pénale vise à favoriser le prononcé de peines autres que la détention, à travers notamment une refonte du droit de la peine : en dessous d'un mois, les peines d'emprisonnement ferme seront proscrites et entre un et six mois, la peine s'exécutera par principe en dehors d'un établissement de détention. Par ailleurs, le prononcé de la détention domiciliaire sous surveillance électronique sera favorisé par une simplification des exigences procédurales concernant la décision initiale ou de renouvellement de la mesure et par une réalisation accrue des enquêtes de faisabilité préalables. Ces mesures restiendront sensiblement les emprisonnements de courte durée, désocialisants, qui nourrissent la récidive. Par ailleurs, une agence nationale du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice a été créée le 10 décembre 2018. Cette agence doit permettre de développer le travail d'intérêt général (TIG) en tant que sanction pénale à part entière, mais également d'améliorer la formation et le travail des personnes détenues dans les établissements pénitentiaires. L'effort consacré par le Gouvernement à la prévention de la récidive et à la réinsertion des personnes placées sous main de justice, qui sont au cœur de la prise en charge des personnes détenues, est important : 86 M€ sont inscrits à ce titre en 2019, contre 81 M€ en 2018, soit une hausse de 6 %.
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