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Jean Lassalle
Question N° 11915 au Ministère du travail


Question soumise le 4 septembre 2018

M. Jean Lassalle alerte Mme la ministre du travail sur les inquiétudes des régions concernant les conséquences du projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Présenté en Conseil des ministres le 27 avril 2018, ce projet a été adopté définitivement à l'Assemblée nationale, par procédure accélérée, le 1er août 2018 malgré l'échec de la commission mixte paritaire. La chambre haute du Parlement, qui a vocation à représenter les territoires, a vu ses travaux écartés par la majorité présidentielle à l'Assemblée nationale. En effet la plupart des amendements votés par le Sénat, y compris ceux qui visaient à renforcer le rôle des régions dans l'apprentissage, sans revenir sur les nouvelles missions confiées aux branches professionnelles, ont été supprimés par le vote à l'Assemblée nationale. Alors que certaines mesures de ce projet devraient entrer en vigueur dès septembre 2018, la grande majorité en janvier 2019 et d'autres à l'été 2019, il est urgent de revenir sur les propositions des sénateurs et de reconsidérer dans la pratique les avancées qu'elles apportaient. Tout d'abord, alors qu'elles étaient responsables de la définition et de la mise en œuvre de la politique d'apprentissage et de formation professionnelle, les régions se sont vues dessaisies de cette compétence au détriment du secteur privé. Il est indispensable qu'elles se retrouvent en position de copilote de l'apprentissage aux côtés des branches professionnelles. Les régions doivent pouvoir, pour définir leur politique d'investissement, avoir une vision des besoins des centres de formation d'apprentis (CFA) de leurs territoires. Pour ce faire, elles ont besoin une fois par an, des documents comptables et financiers des CFA. Ensuite elles devraient pouvoir créer avec l'État, « un comité régional de l'orientation, chargé de coordonner les interventions des organismes participant au service public régional de l'orientation ». En conséquence du transfert des missions des délégations régionales de l'Office aux régions, la place des régions au sein du conseil d'administration de l'Onisep devrait être renforcée, de même que le nombre de leurs représentants devrait être égal à ceux de l'État. Par ailleurs, à la différence de l'actuel forfait horaire, la monétisation du compte personnel de formation entraînera des inégalités entre les ayants droit, eu égard à la variation du tarif des formations entre les territoires. Pour les régions, la formation professionnelle et l'apprentissage doivent être organisés au plus proche des territoires, en fonction de leurs besoins et particularités. Dès lors, des organismes comme l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) et les dispositifs comme celui du Conseil en évolution professionnelle (CEP), piloté par le futur établissement public d'État « France compétences » devraient être gérés par les régions et les territoires. Les formations devraient pouvoir être adaptées par les assemblées délibérantes de chaque région et territoire à leurs spécificités. La nouvelle adaptation ne peut pas être abandonnée au seul secteur des entreprises et devrait être associée à la décision territoriale. De surcroît, les régions redoutent ce projet, présenté comme un choc de simplification, en sachant que sur le terrain cela ne sera pas simple car le système devrait être géré par plus de 700 branches professionnelles différentes. Sans parler de la méconnaissance du terrain local pour la plupart de ces branches, qui risque d'engendrer des fractures territoriales, au détriment des zones rurales ou des quartiers non prioritaires. Dans ce contexte, il lui demande de revenir en urgence sur sa position et de mettre en place un projet de collaboration étroite entre les régions, les territoires et le secteur privé, de renforcer le rôle des régions sans revenir sur les nouvelles missions confiées aux branches professionnelles, afin de garantir les principaux objectifs en matière de formation et d'apprentissage, et de relever le défi des transformations économiques en garantissant une offre territorialement équilibrée.

Réponse émise le 11 septembre 2018

L'apprentissage constitue une promesse solide d'insertion professionnelle puisque environ 70% des apprentis trouvent un emploi dans les 7 mois qui suivent la fin de leur formation. Pourtant, notre pays comptait au 31 décembre 2016 seulement 400 000 apprentis, soit 7% des jeunes, contre 15% en moyenne dans les pays européens qui ont réussi à endiguer le chômage de masse des jeunes. Or, la France compte plus de 1.3 million de jeunes qui ne sont ni à l'école, ni à l'université, ni en apprentissage et ni en emploi. Cela ne saurait être une fatalité. Cette situation s'explique par le fait que les jeunes et les entreprises se heurtent à de nombreux obstacles. En effet, outre un frein culturel, notre système de l'apprentissage se caractérise par la complexité tant de sa gouvernance, que de son financement et de son opérationnalité, si bien que les jeunes sont privés de formations adaptées à leurs besoins et ne trouvent pas d'entreprises alors de des dizaines de milliers de places ne sont pas pourvues. C'est pourquoi le Gouvernement, avec tous les acteurs concernés, les régions, les branches professionnelles et les partenaires sociaux, ont décidé de s'engager conjointement dans une mobilisation nationale sans précédent pour une meilleure orientation et une transformation profonde de l'apprentissage. Une large concertation, lancée le 10 novembre 2017, a réuni l'ensemble des acteurs de l'apprentissage autour de Mme Sylvie Brunet, Présidente de la section travail et emploi du Conseil économique social et environnemental, dont le rapport a été transmis aux ministres du travail, de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.  Les propositions retenues par le gouvernement figurent dans le titre premier du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, présenté en Conseil des ministres le 27 avril 2018 et adopté définitivement par l'Assemblée Nationale le 1er août 2018, en est la traduction législative. Cette transformation en profondeur de l'apprentissage repose sur 3 axes : 1) instaurer un nouveau statut de l'apprenti plus attractif pour les jeunes ; 2) adapter le système pour permettre aux entreprises de s'engager dans l'apprentissage ; 3) rendre le financement plus simple, plus transparent et plus incitatif. 1) Car l'apprentissage mérite d'être reconnu comme une voie de passion et d'excellence, cette réforme entend la rendre plus attractive pour les jeunes. Ainsi, l'apprentissage sera ouvert aux jeunes jusqu'à 30 ans au lieu de 26 ans aujourd'hui. Par ailleurs, la rémunération des jeunes de 16 à 20 ans sera augmentée de 30 € net par mois. En outre, une aide publique forfaitaire de 500€ sera attribuée aux jeunes d'au moins 18 ans pour financer leur permis de conduire. Tous les apprentis dont le contrat de travail est interrompu en cours d'année ne perdront plus leur année et auront le droit de prolonger pendant 6 mois leur formation au sein du CFA (sauf en cas d'exclusion du CFA) qui recevra un financement dédié à cet effet. Tous les jeunes qui souhaitent s'orienter vers l'apprentissage, mais ne disposent pas des connaissances et des compétences requises, auront accès à des prépa-apprentissage. De plus, ils bénéficieront avec leur famille d'une information transparente sur la qualité des formations ainsi que de plusieurs journées d'information sur les filières et les métiers qui seront organisées, par les régions avec le monde professionnel et les départements pour les collèges, en classes de 4ème, 3ème, 2nde et 1ère. Enfin, 15 000 jeunes apprentis pourront bénéficier du programme Erasmus de l'apprentissage, soit deux fois plus qu'aujourd'hui, afin d'effectuer plusieurs mois de formation dans un autre pays d'Europe. De même, dans les outre-mer, une expérimentation est prévue pour favoriser les mobilités « régionales océaniques » dans le cadre de la réalisation d'une partie du contrat d'apprentissage. 2) Pour les employeurs et les maitres d'apprentissage en entreprises, les formalités juridiques, administratives et financières seront simplifiées et assouplies Les partenaires sociaux des branches professionnelles au plus près des réalités socio-économiques des métiers co-écriront les diplômes professionnels avec l'Etat. Les aides des entreprises pour embaucher des apprentis seront unifiés et ciblées sur les TPE et PME ainsi que sur les niveaux bac et pré-bac. La procédure d'enregistrement du contrat d'apprentissage sera réformée. La durée du contrat d'apprentissage pourra facilement et rapidement être modulée en fonction du niveau de qualification déjà atteint par le jeune. L'embauche d'apprentis pourra se faire tout au long de l'année et sera moins dépendante du rythme scolaire. Les ruptures de contrat d'apprentissage pourront s'effectuer après 45 jours sans passage préalable et obligatoire devant les Prud'hommes. Par ailleurs les CFA pourront développer rapidement et sans limite administrative les formations correspondant aux besoins de compétences des entreprises et la qualité de la formation sera renforcée par un système de certification. Par ailleurs, le projet de loi susmentionné introduit un nouveau dispositif puissant de « reconversion et promotion par l'alternance ». Baptisé « Pro A », il vise à permettre aux salariés, tout en gardant leur contrat de travail et leur rémunération, d'accéder à une formation qualifiante en alternance, soit pour une promotion interne, soit pour une reconversion. Il permettra aussi de répondre aux besoins spécifiques des certains secteurs d'activité et d'anticiper les reconversions liées aux mutations, tout en conservant l'emploi. Ce dispositif est un élément clé qui s'inscrit en complément du plan de formation de l'entreprise, désormais, plan de développement des compétences, et du droit individuel, via le compte personnel de formation (CPF), qui, par le projet de loi, devient un véritable outil d'émancipation sociale à la main des actifs, avec la protection d'une garantie collective. 3) Le financement de l'apprentissage sera profondément rénové pour que le système soit plus simple, plus transparent et plus incitatif. Tout contrat en alternance sera financé : chaque jeune et chaque entreprise qui signent un contrat en alternance ont la garantie de bénéficier d'un financement. Les CFA seront financés au contrat : financement du CFA = nombre de contrats × financement par contrat. Les CFA seront ainsi fortement incités à développer un meilleur accompagnement pour les jeunes et à proposer de meilleurs services aux entreprises pour se développer et accueillir davantage de jeunes. Par ailleurs, les branches détermineront le coût du contrat de chaque diplôme ou titre professionnel en fonction des priorités de recrutement des entreprises et de la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) de branche. Un système de péréquation interprofessionnelle garantira que toutes les entreprises qui accueillent un apprenti voient leur contrat financé. Enfin, les régions disposeront, pour tenir compte des spécificités de l'aménagement du territoire et pour améliorer la qualité et l'innovation pédagogique, d'une capacité de subvention complémentaire au financement au contrat Elles conservent ainsi leur fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), dont les recettes sont dynamiques. Elles favoriseront, en lien avec les branches, l'éducation nationale et l'enseignement supérieur, la création de campus des métiers qui facilitent les passerelles entre les différentes formations (CFA, lycée professionnel, université, formation continue). Enfin, les régions siègeront au sein du conseil d'administration de France Compétences, agence de régulation quadripartite où se retrouveront également l'État, et les partenaires sociaux. Cette agence assurera des missions de péréquation financière : répartition entre les branches et les opérateurs de compétences auxquels elles adhérent, versement des montants financiers aux Régions au titre de l'apprentissage ; versement des fonds aux opérateurs du conseil en évolution professionnelle choisis par appels d'offres ; péréquation entre opérateurs de compétences au profit du développement des compétences des entreprises de moins de 50 salariés. Cette agence contribuera au suivi et à l'évaluation de la qualité des actions de formation dispensées, à l'observation des coûts et des niveaux de prise en charge des formations s'agissant des fonds publics ou mutualisés. Elle établira et actualisera le répertoire national des certifications professionnelles. France compétences pourra émettre des recommandations auprès des pouvoirs publics et des représentants des branches professionnelles et les rendre publiques. La transformation de l'apprentissage engagée par le Gouvernement ne constitue donc ni un acte de recentralisation, ni de privatisation. Guidée par l'intérêt général, elle permettra à nos concitoyens d'accéder plus facilement à cette voie d'excellence, de passion, et d'insertion professionnelle durable grâce à un système lisible, régulé, de qualité, où les acteurs sont responsabilisés, au service tant de l'égalité des chances et de l'émancipation par la formation et le travail, que du dynamisme de notre économie, facteurs indissociables de l'attractivité de nos territoires.

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