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Philippe Huppé
Question N° 12186 au Ministère auprès du ministre de l'europe


Question soumise le 18 septembre 2018

M. Philippe Huppé alerte Mme la ministre, auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes, sur la proposition de règlement promouvant l'équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d'intermédiation en ligne (COM 238) du 16 avril 2018, aussi appelé règlement Platform to Business (P2B), et les perspectives qu'il ouvre pour le secteur hôtelier français. Le poids et la digitalisation de l'industrie du tourisme, représentant 7,5 % du PIB français, avec un volume de ventes sur internet avoisinant les 44 milliards d'euros (une chambre sur deux est aujourd'hui vendu en ligne), justifient en effet une prise de conscience collective des importants enjeux économiques et sociétaux présents dans le P2B, à savoir la préservation d'une relation équilibrée et juste entre les intermédiaires et les hôteliers, dans le but de proposer un service de qualité aux consommateurs tout en permettant aux hôteliers de viabiliser leur modèle et de garder un lien de proximité et de confiance avec leurs clients. Ainsi, si ce projet de règlement européen P2B identifie les difficultés rencontrées par les entreprises du tourisme recourant aux plateformes en ligne, en indiquant clairement qu'un nombre limité de plateformes a pris le contrôle de marchés et est en mesure d'imposer des pratiques commerciales déloyales, certaines dispositions du règlement semblent néanmoins inférieures aux mesures obtenues en France, notamment via la loi du 6 août 2015 dite loi Macron, mais aussi en Allemagne, en Autriche ou plus récemment en Belgique. Le P2B représente en effet l'occasion de constituer un véritable socle de droits pour les entreprises utilisatrices des plateformes d'intermédiation, notamment sur trois aspects fondamentaux : les conditions applicables au référencement (article 5 du P2B), l'accès aux données (article 7) et la liberté tarifaire (article 8). Si l'article 5 du P2B renforce bien la transparence sur les paramètres de référencement utilisés par les plateformes, et limite par conséquent les risques de chantage au référencement, il n'instaure en revanche pas d'obligation de faire apparaître sur le site accessible au public les résultats ayant été influencés par la rémunération perçue par la plateforme. Pourtant, cette rémunération s'apparente à de la publicité et devrait donc, en conformité avec la jurisprudence française être communiquée au consommateur pour qu'il puisse faire un choix en toute connaissance de cause. De même, l'article 7 sur l'accès aux données que « les consommateurs transmettent pour l'utilisation des services d'intermédiation en ligne concernés ou qui sont produites dans le cadre de la fourniture de ces services » permet « l'absence d'un tel accès pour les entreprises utilisatrices » si cela est indiqué dans les conditions générales de la plateforme. La rédaction de cet article laisse donc la possibilité aux plateformes de ne communiquer au professionnel hôtelier aucune donnée relative à son activité sur son client, ce qui dénature la relation de proximité entre l'hôtelier et le consommateur et renforce le déséquilibre entre les plateformes d'intermédiation et les professionnels de l'industrie touristique. Pourtant, la plateforme n'agit qu'en tant que simple intermédiaire de fourniture d'une prestation, laquelle est toujours réalisée par le professionnel, qui devrait donc pouvoir disposer de ces données. Enfin, la rédaction actuelle de l'article 8 semble remettre en question la liberté tarifaire qui a été reconnue à l'hôtelier par l'article 133 de la loi dite Macron qui interdit aux plateformes de restreindre la liberté commerciale des professionnels en les empêchant de proposer des offres différentes sur leurs propres réseaux. Maintenir le droit aux hôteliers d'adapter leurs tarifs à leurs clients apparaît comme essentiel afin de sauvegarder la qualité du contact humain entre hôtelier et consommateur, et ne pas faire de l'intermédiation proposée par la plateforme une situation d'affiliation contrainte. C'est pourquoi il souhaite connaître sa position sur le projet de règlement européen P2B et les garanties qu'elle souhaite défendre au sein de l'Union européenne afin d'équilibrer les relations entre les hôteliers et les plateformes d'intermédiation et des préserver les avancées de la loi du 6 août 2015.

Réponse émise le 2 avril 2019

Le règlement sur les relations entre plateformes et utilisateurs professionnels (« Platform to Business » ou « P2B ») va pour la première fois permettre aux utilisateurs entreprises de disposer d'un cadre européen pour leurs relations avec les plateformes numériques et constitue une brique importante dans la régulation des plateformes promue par les autorités françaises. Un accord provisoire a été atteint entre le Parlement européen et le Conseil en février 2019. Il a été entériné par le Conseil et est soumis à la validation finale du Parlement. Le règlement vise à créer dans l'Union Européenne un environnement économique transparent et prévisible pour les entreprises qui utilisent des services d'intermédiation en ligne (en particulier, des plateformes, des places de marchés ou des moteurs de recherches). Cette règlementation aspire à trouver un équilibre entre stimulation de l'innovation et protection des intérêts des utilisateurs de ces services afin que chacun puisse bénéficier des opportunités créées par la révolution numérique. Le règlement permettra notamment d'encadrer les décisions de restreindre, suspendre ou déréférencer des utilisateurs professionnels ; de renforcer la transparence concernant les paramètres de classement des offres, tout particulièrement lorsqu'une plateforme agit simultanément en qualité de place de marché et de vendeur ; de créer de nouvelles voies de recours directes et efficaces de règlement des litiges ; et de mieux suivre l'évolution des pratiques par la mise en place d'un observatoire dédié. Ce texte marque une première étape dans le processus communautaire d'encadrement des plateformes numériques et de leurs relations avec les utilisateurs entreprises, qui ne préjuge pas de l'application de la loi française lorsque celle-ci est plus protectrice des utilisateurs.

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