M. Hubert Julien-Laferrière interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les suites qu'il entend donner au rapport édifiant publié mardi 11 septembre 2018 par la Cour des comptes européenne (CCE) consacré à la pollution de l'air. La pollution de l'air est responsable chaque année de 400 000 morts prématurées dans l'Union européenne et de centaine de milliards d'euros de coûts de santé. Pourtant, la directive de 2008 sur la qualité de l'air sur laquelle s’appuient les politiques européennes en la matière n'a jamais été mise à jour. Les normes sur lesquelles la directive se fonde ne prennent pas en compte les données existantes depuis plus de 15 ans. Le rapport de la CCE publié le 11 septembre 2018 est sans appel : certaines normes de la directive de 2008 sont aujourd'hui « très peu exigeantes » au regard de l'évolution des connaissances de la pollution de l'air, et surtout beaucoup plus faibles que les lignes directrices de l'OMS. Les seuils limites de la directive de 2008 sont jusqu'à 6 fois inférieurs aux seuils de l'OMS, c'est le cas par exemple pour la limite d'exposition quotidienne en dioxyde de soufre. (Limite à 125ug/m3 pour l'UE, 20 ug/m3 pour l'OMS) Le rapport fait état, dans le même temps, de niveaux de pollution « sous-estimés » par les États européens, les taux de gaz réglementés n'étant pas toujours surveillés au bon endroit. À l'heure où la transition écologique et la lutte contre la pollution doivent plus que jamais être au cœur des préoccupations, la France a été renvoyée devant le Cour de justice de l'Union européenne pour non-respect de normes de NO2 ou de PM10. Pourtant, plusieurs années seront encore nécessaires avant que la saisine de la CJUE par la Commission n'aboutisse à d'éventuelles sanctions financières. Déjà il aura fallu entre six et huit ans pour que Bruxelles passe de l'étape de l'avertissement à la saisine de la CJUE, années pendant lesquelles les États membres continuent à violer fréquemment les normes de la qualité de l'air, alors même que ces normes sont insuffisantes. Il y a urgence à protéger à la fois la planète et la santé des européens. Comme le préconise le rapport, une « ambitieuse mise à jour » de la directive de 2008 doit être mise en œuvre en y ajustant les seuils aux données scientifiques et médicales actuelles. Il souhaite savoir quelles seront les suites que la France entend donner au rapport de la CCE et connaître comment il entend œuvrer pour que la France se plie aux normes européennes et entreprenne un dialogue avec l'Union européenne pour mettre à jour la directive de 2008.
Depuis ces 20 dernières années, des progrès importants ont déjà été faits en faveur de la qualité de l'air : par exemple, les émissions d'oxydes d'azote (NOx) et de particules fines (PM10) ont été divisées par deux depuis 2000, et les concentrations moyennes annuelles de ces polluants ont baissé de l'ordre de 20 à 30 % sur la même période. Toutefois, la qualité de l'air reste un enjeu majeur de santé publique. Dans sa dernière estimation publiée le 21 juin 2016, l'agence nationale de santé publique estime que la pollution atmosphérique est responsable en France de 48 000 décès par an. Il reste plusieurs zones dans lesquelles les valeurs limites réglementaires ne sont pas respectées. La France est ainsi en situation de contentieux européen pour le dioxyde d'azote et de précontentieux pour les PM10. La décision du Conseil d'État du 12 juillet 2017 enjoint par ailleurs de prendre toutes les mesures nécessaires pour repasser sous les seuils sanitaires dans les délais les plus courts possibles en tous points du territoire. Il n'y a plus de solution univoque pour réduire la pollution : il faut agir dans tous les secteurs, en conjuguant les efforts des instances européennes, de l'État, des collectivités territoriales, des citoyens et des acteurs économiques, pour garantir à chacun le droit de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé. De nombreuses mesures sont régulièrement prises au niveau national en faveur de la qualité de l'air : - la mutation du parc automobile est accélérée, en imposant le renouvellement des flottes publiques par des véhicules peu polluants, et en facilitant le déploiement de bornes de recharge pour les véhicules électriques et hybrides avec un objectif de 7 millions de points de recharge d'ici à 2030 sur le territoire ; - les entreprises ayant plus de 100 salariés sur un même site couvert par un plan de déplacements urbains doivent élaborer un plan de mobilité depuis le 1er janvier 2018 ; - la prime de conversion des véhicules a été renforcée et élargie. Depuis le 1er janvier 2018, cette aide a été sollicitée pour plus de 300 000 véhicules ; - le suramortissement pour les poids lourds roulant au gaz naturel a été prolongé jusqu'à fin 2019 ; - une enveloppe de 10 M€ a été mobilisée sur le fonds de financement de la transition énergétique pour financer des investissements permettant de réduire les émissions polluantes d'origine agricole. L'appel à projets « Agr'air » financé par l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (10 M€ sur 5 ans) accompagne également des projets collectifs pilotes afin de réduire les émissions de polluants dans les exploitations agricoles ; - les collectivités territoriales peuvent créer des zones à faibles émissions et octroyer des tarifs de stationnement préférentiels pour les véhicules les moins polluants, grâce aux « certificats qualité de l'air ». Le service de délivrance des certificats qualité de l'air est ouvert depuis le 1er juillet 2016. Plus de 12 millions de certificats ont déjà été délivrés. - en complément du crédit d'impôt transition énergétique, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) a mis en place des aides permettant aux collectivités de subventionner les particuliers souhaitant renouveler leurs appareils de chauffage au bois par des appareils plus performants ; - une meilleure prise en compte de la qualité de l'air est prévue dans les documents de planification : les plans climat-énergie-territoriaux (PCET) comportent désormais des mesures relatives à la qualité de l'air en devenant ainsi des plans climat-air-énergie-territoriaux (PCAET) qui concerneront d'ici 2019 tous les Établissements publics de coopération intercommunale de plus de 20 000 habitants ; - le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) a été adopté le 10 mai 2017 après une large concertation des parties prenantes et du public. Il prévoit des mesures de réduction des émissions dans tous les secteurs, ainsi que des mesures de contrôle et de soutien des actions mises en œuvre. Il prévoit également des actions d'amélioration des connaissances, de mobilisation des territoires et de financement. De plus, conformément à la décision du Conseil d'État du 12 juillet 2017, des « feuilles de route » pour parvenir à une amélioration rapide et notable de la qualité de l'air ont été élaborées dans l'ensemble des territoires français présentant des dépassements des normes de qualité de l'air. Ces feuilles de route amplifient les dynamiques déjà localement engagées en faveur de la qualité de l'air que ce soit dans le cadre des plans de protection de l'atmosphère ou de politiques propres des collectivités. Opérationnelles et multi-partenariales, elles définissent des actions concrètes de court terme permettant d'aller plus loin et plus vite, en renforçant les moyens mobilisés en faveur de la qualité de l'air. Le fonds « air-mobilité » mis en place par l'ADEME et doté de 140 M€ sur la période 2018 2020, permettra notamment d'accompagner la mise en œuvre de ces feuilles de route, à hauteur de 2 M€ pour chaque territoire concerné, et 3 M€ pour les territoires concernés par le dépassement des normes pour les particules fines. L'ensemble de ces actions renforce l'efficacité des plans de protection de l'atmosphère (PPA) adoptés par les préfets après concertation avec les acteurs locaux dans les zones les plus polluées, et qui sont régulièrement révisés. Le nouveau PPA d'Île-de-France a été approuvé en janvier 2018, l'enquête publique du projet de PPA de la Vallée de l'Arve va prochainement être lancée et la révision des PPA de la région PACA a été annoncée. Ces derniers mois, des mesures renforcées ont été prises ou annoncées : - le plan de rénovation énergétique des bâtiments a été adopté le 26 avril 2018. Il prévoit notamment, pour la rénovation du parc tertiaire public, de mobiliser le grand plan d'investissement à hauteur de 1 Mds€ supplémentaire pour la rénovation des cités administratives, et 3 Mds€ pour les projets de rénovation des collectivités, le déploiement d'aides à l'ingénierie, l'encouragement des contrats de performance énergétique, ou le soutien à la massification. Une campagne nationale de communication, avec la nouvelle marque commune « Faire », a débuté le 10 septembre 2018 ; - le projet de loi de finances pour 2019 prolonge le crédit d'impôt transition énergétique (CITE), qui a été recentré sur les gestes les plus efficaces, afin de faciliter le financement des travaux de rénovation, en particulier pour les ménages à faibles revenus ; - les objectifs du dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE) ont été quasiment doublés pour la période 2018 2020 par rapport à la période 2015 2017 ; - dans le secteur industriel, la France soutient activement l'adoption des textes relatifs aux meilleures techniques disponibles, qui se traduisent par des baisses régulières des émissions ; - le projet de loi de finances pour 2019 crée un dispositif de suramortissement destiné à soutenir les investissements des armateurs dans des navires à énergies propres ; - le Gouvernement a présenté le 14 septembre 2018 son « plan vélo et mobilités actives » qui prévoit notamment, en complément de la dotation de soutien à l'investissement local qui peut soutenir les projets des collectivités de mobilités alternatives à la voiture individuelle, la création d'un fonds national « mobilité actives », d'un montant de 350 M€, visant à soutenir, accélérer et amplifier les projets de création d'axes cyclables structurants dans les collectivités ; - le 8 octobre 2018, 15 villes et métropoles se sont engagées à déployer ou à renforcer une zone à faibles émissions sur leur territoire d'ici fin 2020. L'État s'est engagé à apporter son soutien aux territoires dans le cadre de leurs travaux préparatoires et à mettre en place les mesures réglementaires nécessaires pour permettre un développement et un fonctionnement efficaces des zones ; - le 14 novembre 2018, le Premier ministre a annoncé le doublement de la prime à la conversion pour les 20 % des ménages les plus modestes et pour les actifs non imposables qui roulent plus de 60 km par jour pour aller au travail ; - la loi d'orientation des mobilités, adoptée en conseil des ministres le 26 novembre 2018, apportera par ailleurs de nouveaux outils aux collectivités pour faciliter le développement des nouvelles mobilités, comme le covoiturage domicile-travail. Elle permettra par exemple à tous les employeurs privés et publics de contribuer aux frais de déplacement domicile-travail à vélo ou en covoiturage de leurs salariés sur une base forfaitaire jusqu'à 400 €/an en franchise d'impôt et de cotisations sociales. Cette contribution, appelée « Forfait mobilité durable » remplacera l'indemnité kilométrique vélo mise en place jusqu'à ce jour mais qui n'avait pas bien fonctionné car trop complexe. Enfin, la politique d'amélioration de la qualité de l'air doit mobiliser tous les acteurs concernés chacun à son niveau de compétence. Cela nécessite un changement d'habitudes qui ne sera accepté que si les enjeux sont bien compris et qu'un accompagnement des acteurs est mis en place. C'est pourquoi, afin de sensibiliser toutes les parties prenantes, la 4e journée nationale de la qualité de l'air s'est tenue le 19 septembre 2018 afin de mettre en valeur les bonnes pratiques et les solutions pour améliorer la qualité de l'air, ainsi que les 4e assises nationales de l'air, organisées les 9 et 10 octobre 2018. Au niveau européen, les autorités françaises sont particulièrement attentives et veillent à l'ambition des textes qui ont un impact sur la qualité de l'air, par exemple ceux relatifs aux émissions des véhicules, aux meilleures techniques disponibles dans l'industrie ou encore à l'écoconception des produits destinés aux ménages. Par ailleurs, dans le cadre de la révision des directives 2004/107/CE et 2008/50/CE qui a été annoncée par la Commission européenne, les autorités françaises veilleront à ce que les nouvelles règles fixées au niveau européen contribuent à poursuivre l'amélioration de la qualité de l'air pour permettre à chacun de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé.
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