Mme Marjolaine Meynier-Millefert attire l'attention de M. le ministre de la cohésion des territoires sur la participation des conseils citoyens à la gouvernance des contrats de ville. En effet, il est prévu dans le cadre de ces contractualisations que les conseils citoyens, représentants les habitants et les associations des quartiers concernés, soient associés à l'ensemble des étapes d'avancement de la démarche contractuelle. Or la réalité démontre que les conseils de quartier ne sont pas systématiquement invités à siéger et que la prise en compte de leur avis fait défaut. Elle souhaiterait donc savoir quelles incitations pourraient être prises par favoriser l'écoute des conseils citoyens et ainsi améliorer encore le processus démocratique des contrats de ville.
Créé par la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, l'observatoire national de la politique de la ville (ONPV) a notamment comme mission d' « évaluer les progrès en matière de participation des habitants » (article 1er). Dans ce cadre, un groupe de travail portant sur la participation des habitants a été mis en place. En 2016, ce groupe a souhaité établir un premier état des lieux exhaustif de la mise en œuvre du dispositif. En 2018, une deuxième enquête a été diligentée, qui approfondit la question de l'association du conseil citoyen aux instances du contrat de ville. Ces enquêtes nationales, pilotées par l'ONPV et le commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) sont réalisées auprès des chefs de projets politique de la ville. Même si les résultats de l'enquête 2018 sont encore en cours d'élaboration, les premiers tris à plat effectués par l'ONPV permettent d'apporter des éclairages sur l'évolution de la participation des conseils citoyens à la gouvernance des contrats. L'enquête de 2016 souhaitait établir le bilan de la mise en place des conseils citoyens, mais des questions sur la participation aux instances y étaient déjà intégrées. Les réponses révélaient que les conseillers citoyens étaient représentés dans les instances techniques (au moins un représentant dans 53 % des cas) et dans les comités de pilotage (au moins un représentant dans 75 % des cas). Toutefois, leur rôle restait alors majoritairement consultatif. Ils ne participaient à la prise de décision que dans un cas sur trois. Dans le cadre de l'enquête de 2018, le questionnaire a, de ce fait, intégré davantage de questions sur la gouvernance. Les réponses à l'enquête permettent d'avoir un état des lieux assez exhaustif de la situation actuelle. Ainsi, 93 % des conseils citoyens sont inscrits explicitement dans le contrat de ville (même si leurs compétences ne sont déclinées que dans 48 % des contrats et les moyens et ressources dédiés dans 32 %). Leur participation aux instances du contrat s'est considérablement améliorée depuis 2016, puisque 86 % sont désormais représentés dans les comités de pilotage, 65 % dans les comités thématiques, 64 % dans les instances techniques. Par ailleurs, 42 % participent aux instances de programmation financière. Même si leur rôle reste encore majoritairement consultatif, la démarche de co-construction avance. Elle s'actualise davantage dans les groupes thématiques et les instances techniques, puisque les répondants estiment que dans 39 % et 31 % des cas il y a co-construction des décisions avec les conseils citoyens ; dans les instances de programmation financière 21 % des contrats affirment aussi être en situation de co-construction, alors qu'ils ne sont 16 % lorsqu'il s'agit des comités de pilotage, où 54 % des déclarants estiment consulter et 30 % informer les conseils citoyens. Lorsque les chefs de projet affirment avoir co-construit les décisions avec les conseils citoyens, ils précisent que ces derniers ont co-identifié des objectifs et des moyens d'une ou plusieurs action (s) intégrées dans le contrat dans 65 % des cas ; ils sont 38 % à avoir intégré des décisions alternatives et nouvelles suite à des propositions des conseils citoyens et 49 % à avoir modifié une partie des décisions ou des orientations. Par ailleurs les contrats ont mis en place des modalités d'accompagnement des conseillers pour favoriser leur participation aux instances. Ce faisant, ils ont modifié, au moins partiellement, les manières de faire habituelles et les pratiques professionnelles des acteurs. Ainsi, 61 % mettent à disposition de la documentation et 58 % organisent des réunions préparatoires en amont des instances avec les conseillers ; 42 % estiment avoir adapté le langage technique et administratif pour faciliter la communication (et 21 % ont aussi eu ce souci dans les documents distribués) ; 34 % affirment avoir adapté les horaires des réunions et ils sont 26 % à avoir proposé des formations thématiques visant à faciliter cette participation. Par ailleurs, 52 % fournissent la documentation nécessaire entre deux et trois semaines à l'avance, 15 % plus de quatre semaines et ils ne sont que 27 % à la fournir une semaine à l'avance. En ce qui concerne l'évaluation des contrats, elle n'avait pas encore démarré dans 37 % des cas au moment de la passation de l'enquête. Lorsqu'elle avait été lancée, 45 % des répondants associent les conseils citoyens à cette démarche, qui suppose une certaine technicité et demande des adaptations et des changements de postures. Les conseillers sont essentiellement présents dans les groupes de travail (64 %), mais ils participent aussi aux comités de pilotage de l'évaluation (54 %) et aux comités techniques (41 %). Même si l'on observe une nette progression dans la participation des conseils citoyens à la co-construction de la politique de la ville (à travers les réponses aux enquêtes diligentées en 2016 et 2018), des obstacles demeurent. En effet, les instances prévues dans le cadre du contrat de ville impliquent une multiplicité d'acteurs institutionnels (État, collectivités locales, bailleurs, opérateurs publics…). Du fait de l'importance du nombre d'acteurs en jeu et de la technicité des échanges, les conseils citoyens peuvent se sentir démunis et éprouver de l'incompréhension à l'égard de la politique de la ville. Ceci est notamment vrai pour les comités de pilotage des contrats. La participation des conseillers à la co-construction implique des changements importants dans les modalités de conception et d'organisation de ces instances, pour que l'effort d'adaptation ne retombe pas uniquement sur les conseillers. La circulaire du 2 février 2017 précise qu' « un effort pour rendre accessible le langage utilisé doit être recherché par l'ensemble des acteurs ». Pour rendre effective la participation des représentants des conseils citoyens aux instances, une phase de préparation en amont doit être mise en place de manière plus systématique, ainsi que la mise en place de formations adaptées (théoriques et pratiques). Par ailleurs, l'activité de conseiller est exercée à titre bénévole et il peut ne pas être aisé pour les personnes de libérer du temps pour s'investir à la fois dans le fonctionnement du conseil citoyen, ses réunions et ses activités et dans les instances du contrat de ville. À ce sujet, la circulaire du 2 février 2017 précise que « des solutions mobilisant des ressources de proximité seront proposées dans le cadre du contrat de ville permettant d'assurer la garde des enfants des membres lors des réunions de travail du conseil citoyen » et leur permettre de participer aux instances. C'est pourquoi le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a saisi la commission nationale du débat public en vue d'un rapport sur le fonctionnement des conseils citoyens. Celui-ci devrait contenir des éléments de constat et des propositions afin de consolider la dynamique participative engagée avec les conseils citoyens. Ce rapport devrait contenir des propositions sur la participation des conseillers aux instances de gouvernance du contrat de ville.
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