M. Olivier Gaillard interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur la mesure qu'il avance, pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, de suppression de l'allègement des charges pour l'emploi de travailleurs occasionnels et demandeurs d'emplois (TO-DE) dont la compensation est censée se faire par une baisse des charges sociales et des mesures renforçant la compétitivité des entreprises. Cet allègement de charges patronales spécifique aux salariés saisonniers agricoles venait s'ajouter au crédit impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Actée dès 2018, la transformation du CICE en baisse des charges sociales serait la première mesure à venir amortir la suppression du dispositif travailleur occasionnel. Les entreprises n'ont pas assimilé le CICE à une baisse du coût du travail stricto sensu. Le crédit leur a donné de l'oxygène en permettant notamment de restaurer leurs marges dans un contexte économique difficile. Cependant, les résultats en termes de création d'emplois sont plus que mitigés, comme l'a révélé un récent rapport de France Stratégie qui le chiffre aux alentours de 100 000 créations d'emplois entre 2013 et 2015. C'est précisément pour diminuer réellement le coût du travail, mais aussi pour l'abaissement de la dette publique, que la baisse des charges sociales a été préférée par la suite. Cette dernière offre, dans un premier temps, un gain moins important aux entreprises, notamment au niveau des hauts salaires s'élevant jusqu'à 2,5 Smic (6 % de la masse salariale contre 7 % avec le CICE), mais engendre un vrai gain pour les bas salaires (10 % contre 7 % avec le CICE) tout en s'inscrivant dans la durée. Parallèlement, un travail est mené pour améliorer la fiscalité agricole. L'objectif est de donner aux agriculteurs les outils leur permettant d'améliorer la résistance aux aléas et la compétitivité de leurs entreprises. Pour autant, c'est une réforme qui se dessine, dont les effets ne seront pas ressentis en 2019. L'épargne de précaution, qui figure parmi les mesures annoncées, répond effectivement, et c'est bienvenu, à l'enjeu des fluctuations de revenus liées aux aléas climatiques ou des cours des marchés. Pour autant, un progrès sur ce volet n'est pas une réponse à l'enjeu déterminant du coût du travail et des prix. Toutes filières confondues, l'épargne de précaution n'est pas un mécanisme à même de compenser la suppression de l'allègement des charges pour l'emploi de travailleurs saisonniers. Il en amortira que très partiellement les effets. En outre, la baisse transversale des charges et allégements généraux seront perçus très inégalement selon les filières agricoles. Le gain global attendu s'élève à 60 millions d'euros net pour l'agriculture française, à comportement inchangé des entreprises, ce qui recouvre des réalités différentes : un gain net de 130 millions d'euros pour la coopération et la transformation affiliée au régime agricole, une perte nette de 70 millions d'euros pour le secteur de la production, principalement dans les cultures spécialisées. Les filières, comme la viticulture (qui emploie 45 % des travailleurs saisonniers), l'arboriculture, le maraîchage, l'horticulture, qui ont massivement recours aux saisonniers, ne percevront que très peu les effets de l'allégement de charges. En effet, dans sa forme actuelle, l'allégement général des charges sociales sera dégressif à 1 Smic, alors que la barre était fixée à 1,25 Smic pour le TO-DE. Avec les congés payés et les heures supplémentaires, les salaires des saisonniers se situent entre 1,1 et 1,2 Smic. Malgré l'effort porté par les pouvoirs publics en vue d'alléger les charges patronales, la suppression cumulée du CICE et du TO-DE engendrera une perte sèche de l'ordre de 144 millions d'euros pour l'agriculture française. La perte financière, pour un employeur par contrat saisonnier à 1,10 (SMIC + ICCP) se chiffrerait à 189 euros par mois. La viticulture, avec 452 000 contrats saisonniers par an et un coût total de 85 millions d'euros, sera la filière la plus durement touchée. En tenant compte des congés payés, le coût horaire brut d'embauche d'un saisonnier pour un domaine viticole passerait ainsi de 11,70 euros à 14 euros. Cela correspondrait à un renchérissement du coût du travail, et à une perte substantielle de compétitivité. Le coût du travail saisonnier fait l'objet de très fortes disparités en Europe. Les contrats de travail inférieurs à 70 jours sont exonérés de charges sociales en Allemagne, par exemple. Le coût horaire connaît également de fortes disparités. Il lui demande, d'une part, de lui rendre compte de l'évaluation de l'impact de la suppression de l'exonération des charges patronales les filières particulièrement pourvoyeuses d'emplois saisonniers ainsi que des résultats de la simulation dans ces secteurs. Il lui demande, d'autre part, s'il est envisagé d'adapter la mesure de suppression pure et simple du TO-DE afin de maintenir l'exonération à partir d'un certain seuil de saisonniers employés, ou pour certaines filières. À défaut d'une telle adaptation, les distorsions de concurrence iraient en s'amplifiant et certaines exploitations menaceraient de disparaître.
Afin de renforcer la compétitivité des entreprises, et conformément aux engagements du Président de la République, le Gouvernement a acté la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en un allègement pérenne de charges et renforcé la réduction générale des cotisations sociales avec une exonération maximale au niveau du salaire minimum de croissance (SMIC). Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale 2019, le Gouvernement a ainsi significativement renforcé les allègements généraux des charges sociales sur les bas salaires. L'agriculture française est globalement largement bénéficiaire de ces dispositions, entrées en vigueur depuis le 1er janvier 2019, qui la rendront plus compétitive dans son ensemble. Dans ce contexte général, il avait été envisagé de réduire les exonérations sur les salariés occasionnels à travers la suppression du dispositif TO-DE à compter du 1er janvier 2019. Mais le débat parlementaire, avec un Gouvernement à l'écoute, a été l'occasion de revenir sur cette disposition. Il a donc été décidé de maintenir la compensation pour les employeurs de main d'œuvre, avec la mise en place d'un plateau allant jusqu'à 1,20 SMIC en 2019 et 2020. Au final, en 2019, pour la Ferme France, ce sera un gain de 47 M€ pour l'ensemble des exploitants agricoles employeurs de main d'œuvre permanente et occasionnelle. Cette période transitoire permettra aux réformes structurelles favorables aux entreprises agricoles de produire leurs effets. Il est particulièrement important de regarder l'environnement global s'appliquant aux exploitations agricoles : la réforme du CICE ne doit pas être lue de manière indépendante des autres réformes entreprises par le Gouvernement. Le Gouvernement a ainsi engagé, en lien avec les parlementaires et les acteurs économiques, un travail approfondi pour améliorer la fiscalité agricole, dont la réforme est portée dans le projet de loi de finances pour 2019. L'objectif est de donner aux agriculteurs les outils leur permettant d'améliorer la résilience face aux aléas et la compétitivité de leurs entreprises. Parmi ces outils, la mise en place d'une épargne de précaution, particulièrement souple d'utilisation, devrait être largement utilisée par les filières connaissant des fluctuations importantes de revenus d'une année sur l'autre, parmi lesquelles la viticulture et les cultures spécialisées. Ce mécanisme, concret et très attendu, permet aux exploitants, les bonnes années, de déduire de leur revenu imposable des sommes conséquentes (plafond de 150 000 €), qu'ils pourront réintroduire dans leur compte de résultat lors des mauvaises années, sur une période de dix ans. Pour permettre à notre agriculture d'être toujours plus compétitive, en tenant compte de la diversité de l'agriculture française et des différences entre les États membres de l'Union européenne, l'enjeu est de combiner efficacement : - la baisse transversale des charges et le renforcement des allègements généraux, qui soutiennent la compétitivité-prix ; - les outils fiscaux qui permettent aux entreprises de gérer la volatilité des prix ; - les soutiens à la valorisation des productions (augmentation de la valeur ajoutée et montée en gamme) prévus dans le cadre des suites des états généraux de l'alimentation et du grand plan d'investissement.
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