Mme Emmanuelle Ménard attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les conclusions récemment apportées par l'institut Montaigne dans son dernier rapport, « La fabrique de l'islamisme ». Il a été publié en septembre 2018, alors même que les Assises territoriales de l'islam s'achèvent dans les départements et que le Président doit formuler, à l'automne 2018, des mesures très attendues par les citoyens sur cette question. Le rapport « La fabrique de l'islamisme » décrit une situation préoccupante : si 46 % des musulmans seraient « soit totalement sécularisés, soit en train d'achever leur intégration dans le système de valeurs de la France », 28 % auraient quant à eux « un système de valeurs clairement opposé aux valeurs de la République » et 29 % des interrogés sont d'accord avec l'affirmation suivante : « La loi islamique est plus importante que la loi de la République ». Les jeunes sont surreprésentés au sein de cette frange ouvertement en marge de la société française. Or, 10 % des jeunes Français de moins de 25 ans sont musulmans. L'auteur du rapport, M. Karim El Kaouri, conclut que les responsables politiques devront s'appuyer sur la « majorité silencieuse » pour réformer l'islam en France. Et de poursuivre : « la majorité des musulmans sont bien intégrés à la société ». Malgré ces propos qui se veulent rassurants, les chiffres de cette enquête sont au contraire extrêmement inquiétants dans la mesure où la frange dite « modérée » des musulmans représente moins de la moitié des musulmans français. Si l'on considère de surcroît, qu'au sein de cette même frange, une partie n'aurait pas encore « achevé son intégration », cela conduit à s'interroger sur l'existence effective d'une telle majorité « intégrée ». Mme la députée s'étonne de l'apparent décalage entre la gravité des faits énoncés par ce rapport et les réactions qu'il suscite. L'enjeu souligné par l'institut Montaigne est bien celui de la croissance en France d'une société « sécessionniste », pour reprendre les termes du même rapport ; la société française elle-même étant considérée comme vectrice de corruption. Dès lors, c'est bien la cohésion nationale qui est remise en cause. Elle lui demande donc quelles mesures il compte prendre pour mettre un terme à la croissance de cette frange « radicalisée » de l'islam en France afin que la cohésion nationale ne soit plus fragilisée et que la sécurité soit assurée sur le territoire.
Le Gouvernement s'est donné les moyens de relancer une politique de prévention de la radicalisation ambitieuse et réaliste. Le plan de prévention de la radicalisation « prévenir pour protéger » présenté par le Premier ministre le 23 février 2018 à Lille est décliné et mis en œuvre avec détermination. Il complète le plan de lutte contre le terrorisme présenté le 13 juillet 2018. La nouvelle politique publique de prévention de la radicalisation va de la détection (plus de 20 000 inscrits au fichier des personnes radicalisées, dont une bonne partie a été signalée via le numéro vert 0800 00 56 96) à la formation (plus de 27 000 acteurs de terrain) en passant par la prise en charge préventive (2 600 personnes et 800 familles accompagnées), le désengagement (dispositif d'évaluation et de prise en charge en prison pour environ 500 détenus terroristes et 1 000 détenus de droit commun radicalisés) et les contre-discours institutionnel et sociétal. Le plan couvre l'ensemble des champs ministériels pour dynamiser cette politique en misant sur la prévention et le désengagement plutôt que sur une hypothétique « déradicalisation », en partenariat avec élus locaux et acteurs de la société civile, essentielle dans un combat que l'Etat ne peut mener seul. Les mesures « école » du plan de prévention ont été très vite déclinées sous l'impulsion du ministre de l'éducation nationale : développement des unités « laïcité » sur tout le territoire, diffusion des nouveaux outils de sensibilisation pour la communauté éducative, loi n° 2018-266 du 13 avril 2018, visant à simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat et systématisation de l'éducation aux médias et à l'esprit critique. Au titre du contre discours, le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) finance des pièces de théâtre qui circulent à travers la France à destination de publics scolaires, avec un travail pédagogique préalable et des débats à l'issue des représentations. Ce travail essentiel a conduit le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation à signer le 3 décembre 2018 une convention de partenariat avec France-Télévisions selon laquelle l'ensemble des programmes portant sur l'éducation à l'information et aux médias, la lutte contre les « infox », les théories du complot et l'antisémitisme qui sont un véritable sas de la radicalisation, l'éducation à la citoyenneté et aux valeurs de la République pour lutter contre les discriminations, les violences et toutes formes de radicalisation, pourront être diffusés auprès des préfectures et de leurs partenaires associatifs. Le dispositif de détection est renforcé avec les ministères de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, des sports et celui de l'action et des comptes publics avec la mise en œuvre des décrets du 27 février 2018 fixant les conditions dans lesquelles peut être écarté de ses fonctions un fonctionnaire qui concourt à des missions de souveraineté ou relevant de la sécurité ou de la défense. Le maillage territorial est amélioré par la professionnalisation des acteurs de terrain et la mobilisation des acteurs de la santé mentale. Un guide des bonnes pratiques à destination des éducateurs de rue, maisons des adolescents, etc. est en cours de finalisation. Ces ressources seront partagées au niveau européen grâce à la mise en place, sur impulsion franco-allemande, d'un centre de ressources européen. Le 13 novembre dernier, le ministre de l'intérieur a signé une circulaire aux préfets afin de promouvoir l'échange d'information avec les maires et permettre leur meilleure implication dans la lutte contre la radicalisation. Le dispositif de désengagement et de réinsertion, qui relève largement à la garde des sceaux, ministre de la justice, a été adapté pour améliorer l'accompagnement des personnes condamnées.
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