Mme Stéphanie Kerbarh attire l'attention de Mme la ministre, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, sur la fiscalité du kérosène. Cette question est posée au nom de M. Jean Tricoire. Le carburant des avions, autrement dit le kérosène, ne fait l'objet d'aucune taxe : pas de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), pas de taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE). Il demeure le seul carburant d'origine fossile exonéré de toute taxe. Le transport aérien n'est pas neutre d'un point de vue écologique. L'empreinte carbone d'un vol en avion est de 145 grammes de CO2 par passager contre 100 grammes environ pour le transport en voiture, et c'est 40 fois plus que le transport par TGV. Pour autant, le diesel et l'essence supportent la TICPE et le train la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Cette exonération constitue de fait une forme de distorsion de concurrence au profit du secteur aérien. La convention de Chicago, adoptée en 1944, prévoit que le carburant d'un avion ne peut pas être taxé à l'arrivée. Toutefois, il conviendrait de prévoir une taxation pour les vols intérieurs, qui représentent 20 % du trafic en France. Cela permettrait de promouvoir des moyens de transports plus écologiques. Ainsi, elle lui demande quelles actions le Gouvernement compte mettre en œuvre sur la fiscalité du kérosène, notamment afin de tenir les engagements internationaux que la France s'est fixée dans le cadre de l'accord de Paris.
Partant des données du CITEPA en 2017, le transport aérien, avec 21,1 Mt de CO2e, représente 13,42 % des émissions de CO2e du transport en France (157,2 Mt), soit 4,41 % des 478,5 Mt d'émissions de CO2e françaises globales ; 17,4 Mt sont à rattacher au transport aérien international et 3,7 Mt au transport intérieur. Entre 2000 et 2018, le nombre de passagers équivalents-kilomètres-transportés a augmenté de 62 %, tandis que la croissance des émissions de CO2 du transport aérien en France a été limitée à 21 %, soit une diminution de 25 % des émissions de CO2 unitaires (en kg de CO2 par passager équivalent-kilomètre-transporté), correspondant à une décroissance moyenne de 1,6 %/ an. Ces chiffres témoignent des efforts consentis depuis plusieurs années par ce secteur pour réduire son niveau d'émission, notamment grâce au renouvellement des flottes. En France, la détaxation du kérosène embarqué pour les vols internationaux répond aux recommandations de l'Organisation de l'avion civile internationale (OACI), destinées historiquement à faciliter l'essor du transport aérien et le développement des liaisons internationales, et est traduite dans les accords internationaux sur les services aériens. Une taxation du kérosène pour les vols internationaux serait dès lors contraire aux engagements internationaux de la France. Au niveau européen, les carburants aériens sont exonérés de TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) en application de la directive dite « accises » (2003/96/CE) qui impose aux États membres l'exonération de taxes sur les carburants utilisés pour la navigation aérienne à l'exception de l'aviation de tourisme privée. Une taxation du carburant pour les services aériens intérieurs mise en place par notre seul pays compromettrait la compétitivité et l'activité des compagnies aériennes françaises, particulièrement fragiles, qui effectuent ces liaisons, sachant que le transport aérien domestique représente environ 20 % de l'activité aérienne commerciale et est effectué majoritairement par des compagnies françaises. Une telle mesure impacterait la connectivité de nos aéroports (hub de Paris et l'ensemble de nos aéroports) avec des conséquences sur l'emploi direct et indirect, mais également, sur l'économie et l'attractivité des territoires. Enfin, une telle taxe apparait difficilement compatible avec le mode opérationnel de l'aérien car les avions sont indistinctement utilisés pour des vols intérieurs et internationaux. La taxation du kérosène inciterait les compagnies aériennes, notamment étrangères, à développer la pratique du sur-emport (systématisation du ravitaillement des compagnies dans des Etats au sein desquels le prix du carburant aéronautique serait plus compétitif) qui entraînerait une surconsommation et pourrait engendrer des rallongements de parcours pour se ravitailler en kérosène, augmentant les émissions. Une taxe sur le kérosène devrait donc être envisagée à l'échelle de l'ensemble de l'Union européenne. Le transport aérien doit se mobiliser dans la lutte contre le changement climatique. À ce titre, il assume d'ores et déjà des contributions fiscales significatives directement liées à son activité, assises, compte tenu des contraintes juridiques internationales, sur les passagers transportés et non sur le carburant comme pour les transports terrestres. Ainsi la taxe de l'aviation civile (487 M€ en 2019) finance les missions d'intérêt général de la direction générale de l'aviation civile, la taxe d'aéroport (1 Md€ en 2019) finance les missions de sûreté et sécurité dans les aéroports. Par ailleurs, l'aérien est le seul secteur à financer une taxe de solidarité (267 M€ en 2019, qui, avec l'écocontribution, aurait été portée à 440 M€ en 2020 hors crise), au profit du Fonds de solidarité pour le développement et des infrastructures de transport. En matière environnementale, ce secteur, au travers de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA – 49 M€ en 2019), finance l'aide à l'insonorisation en faveur des riverains des 10 principaux aérodromes français. Au regard de l'étude mentionnée, il peut être précisé qu'en se limitant au périmètre "liaisons intérieures métropole", les recettes des 3 taxes aéronautiques nationales sur les billets d'avion (taxe de l'aviation civile, taxe d'aéroport et taxe de solidarité) se sont élevées à 380 M€ en 2017, soit l'équivalent de 0,46 € par litre de kérosène consommé. Si l'on ajoute la taxe sur les nuisances aéronautiques, la TVA ainsi que le système communautaire d'échanges de quotas d'émission (SEQE-UE), les prélèvements obligatoires dont s'acquitte le transport aérien sur les liaisons domestiques atteignent près de 0,76 € par litre de kérosène. D'autres actions sont engagées au niveau international par le secteur aérien, témoignant d'un engagement financier du secteur et de sa participation effective à la lutte contre le changement climatique. L'aérien est ainsi le seul mode de transport qui participe au système communautaire d'échanges de quotas d'émission (SEQE-UE), dispositif qui contribue à la politique climatique de la France en plafonnant les émissions européennes de gaz à effet de serre ; en 2017, les compagnies aériennes françaises ont acheté 1,8 million de quotas de CO2, représentant un coût total de 27,7 M€, et reversent tous les ans plusieurs millions d'euros au budget de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). De même, à compter de 2023, ce secteur deviendra le premier au niveau mondial à compenser toute nouvelle émission de carbone par l'achat d'unités générées par des projets de réduction ou de séquestration carbone. Le coût lié à ces différentes mesures de compensation, répercuté par les compagnies sur le prix du billet d'avion, fait qu'est ainsi intégré dans le prix du billet une partie des externalités négatives de l'aviation. Enfin, dans le contexte de la transition écologique et de celui de la crise sanitaire, le Gouvernement entend préparer la rupture environnementale de l'aviation en confortant et en transformant les capacités de toutes les composantes de la filière par un soutien accru à la recherche et l'innovation. L'objectif est de mettre sur le marché un avion neutre en carbone d'ici 2035. A plus court terme, le Gouvernement souhaite accélérer le déploiement de carburants durables pour l'aviation. Le volet verdissement du plan de relance contient de nombreux projets en ce sens. Dans le contexte de la convention citoyenne pour le climat, le Gouvernement porte par ailleurs un projet de loi visant à soutenir la contribution du secteur aérien à la décarbonalisation de l'économie (interdiction des vols courts, renforcement de la tarification carbone au niveau européen, interdiction des extensions d'aéroports, mise en place d'une compensation obligatoire des émissions liées aux vols domestiques.)
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