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Sylvain Waserman
Question N° 13506 au Ministère de la justice


Question soumise le 23 octobre 2018

M. Sylvain Waserman interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'efficacité de l'action des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires dans le cadre de la liquidation des entreprises. Chaque année ce sont environ 55 000 entreprises qui font l'objet d'une procédure collective. En 2017 il y a eu 37 519 ouvertures de liquidations judiciaires directes soit environ 68 %. Cette situation dramatique pour les petites et moyennes entreprises nuit gravement à l'économie de la France. Consciente de l'enjeu, l'Allemagne a d'ailleurs réformé son système avec l'entrée en vigueur en 2012 de la loi pour l'allègement du redressement des entreprises. À l'occasion de son rapport pour le Premier ministre sur le transfrontalier, il a pu constater que le modèle allemand a apparemment progressé sur le sujet. Le mandataire judiciaire, en qualité de représentant des créanciers dans le cadre des procédures de sauvegarde et redressement judiciaire, émet des avis sur les projets de plan de redressement lors de la période d'observation et est désigné liquidateur de l'entreprise lorsque le redressement échoue. À tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si « le redressement est manifestement impossible » (article L. 631-15 du code du commerce). Le faible taux de sauvetage d'entreprises françaises (notamment comparativement à l'Allemagne), qui rentrent dans une telle procédure, pose plusieurs problèmes. Premièrement, le rôle des mandataires judiciaires en amont de la décision et l'incitation financière des mandataires judiciaires à sauver l'entreprise plutôt qu'à la liquider. En effet, la rémunération des mandataires judiciaires se fait principalement sur la base de droits proportionnels calculés sur le montant cumulé des sommes encaissées et de l'actif réalisé en cas de liquidation judiciaire ce qui est plus rémunérateur qu'une entreprise sauvée. Deuxièmement, l'indépendance entre la fonction de redressement de l'entreprise et les intérêts particuliers à sa liquidation. Troisièmement, le modèle d'accompagnement des entrepreneurs dans cette situation. Quatrièmement, la représentation et l'accès au droit et à l'information du débiteur durant la période d'observation. Cinquièmement, la durée des procédures dont certaines durent depuis plus de 10 ans. Cette situation était déjà soulignée dans le rapport sur le projet de loi (n° 2544), modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise. Il lui demande donc quelles sont les réformes envisagées pour répondre aux difficultés que vivent des dizaines de milliers d'entreprises tous les ans et s'il est possible d'obtenir des indicateurs et statistiques précises pour évaluer cette situation en particulier pour les 32 % des entreprises qui ne sont pas directement liquidées et sur l'opportunité d'analyser plus en avant la situation.

Réponse émise le 26 mars 2019

Le sauvetage des entreprises en difficulté et la prévention des liquidations constituent l'objectif premier du législateur français depuis la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire. A cette fin, les procédures préventives amiables de conciliation et de mandat ad hoc ont été développées et les procédures de sauvegardes ont été créées. Le droit français se distingue ainsi du droit allemand dont l'objectif unique est la satisfaction des créanciers et qui ne dispose pas de procédure préventive mais d'une procédure unique dite d'insolvabilité (Insolvenzverfahrung) qui regroupe la liquidation judiciaire et le redressement judiciaire. Le nombre important de liquidations judiciaires françaises en comparaison avec l'Allemagne s'explique par le fait qu'en France, la liquidation judiciaire est ouverte à tous les débiteurs alors qu'en Allemagne, seuls les débiteurs qui sont en mesure de s'acquitter des frais de procédure peuvent bénéficier d'une telle procédure. Les débiteurs impécunieux continueront à faire l'objet de poursuites de la part de leurs créanciers et ne pourront pas bénéficier d'une seconde chance. Selon les statistiques de la République fédérale, en 2016, 21 518 procédures d'insolvabilité ont été ouvertes et 9 347 demandes d'ouverture ont été rejetées du fait de l'incapacité du débiteur à s'acquitter des frais de procédure. A ces chiffres, il convient d'ajouter les débiteurs personnes physiques qui ne présentent pas de demande d'ouverture car ils savent qu'elle sera rejetée du fait de leur impécuniosité. En outre, les statistiques françaises sont à relativiser pour trois raisons : 1- De nombreuses liquidations concernent des travailleurs indépendants comme des micro-entrepreneurs, et ont donc peu d'effet sur l'emploi. Selon les statistiques, en 2017, sur un total de 48 011 liquidations judiciaires, 21 927 procédures concernaient des débiteurs n'ayant aucun salarié et 4 092 concernaient des personnes physiques. Aussi, en excluant les procédures des micro-entreprises, qui seraient impécunieuses en Allemagne, les chiffres français et allemands sont très proches. 2- De nombreuses liquidations sont en réalité des cessions d'entreprise. La société est liquidée, mais l'activité continue. Il convient de préciser que lorsqu'une cession est ordonnée dans le cadre d'un redressement judiciaire, celui-ci est ensuite systématiquement converti en liquidation judiciaire. 3- Le nombre de liquidations doit être mis en regard du nombre de création d'entreprises qui reste très élevé en France : 591 000 entreprises créées en 2017 selon l'INSEE. Le ratio entre entreprises créées et entreprises liquidées témoigne ainsi du dynamisme entrepreneurial français. Par ailleurs, il convient de rappeler que les procédures préventives amiables ont développé une véritable culture de la prévention, pour laquelle la France est précurseur en Europe. Chaque année, environ 2500 procédures préventives amiables sont ouvertes et permettent aux débiteurs de résoudre leurs difficultés avec leurs créanciers en amont. Ces procédures sont utilisées par les entreprises les plus importantes. En 2016, elles concernaient au total 612 000 salariés. Le succès de ces procédures et du modèle français transparaît dans la proposition de directive dite « insolvabilité », en cours d'adoption, largement influencée par notre modèle, qui promeut le sauvetage des entreprises viables. Les professions d'administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires participent pleinement de cette culture de la prévention et du sauvetage. Leurs fonctions sont strictement incompatibles, l'administrateur judiciaire assistant ou surveillant le débiteur, le mandataire judiciaire représentant l'intérêt collectif des créanciers. Cette scission des professions, unique en Europe, a pour objectif de favoriser le redressement des entreprises en évitant que le même professionnel serve des intérêts contradictoires. Les émoluments susceptibles d'être perçus par le mandataire judiciaire en cas de liquidation judiciaire seront donc sans influence sur le rôle de l'administrateur judiciaire qui aide l'entreprise à se restructurer en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Par ailleurs, le tarif a été modifié par la loi du 6 août 2015 afin de prendre en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable. Le Gouvernement poursuit ses réformes afin d'aider les entrepreneurs en difficulté et de réduire les délais et les coûts de procédure. Le soutien aux petites et moyennes entreprises constitue l'une de ses priorités, comme en témoigne le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Les articles 14 et 15 de ce projet de loi ont pour objet de mettre un terme à la stigmatisation des entrepreneurs confrontés à des difficultés et de favoriser le rebond rapide des débiteurs faillis. Dans ce cadre, le Gouvernement promeut deux procédures : le rétablissement professionnel et la liquidation judiciaire simplifiée, qui réduiront les délais des procédures ouvertes pour les débiteurs dont la situation est irrémédiablement compromise. Selon les chiffres du ministère de la justice, la durée moyenne des redressements judiciaires est de 13.7 mois devant le tribunal de commerce et la durée moyenne des liquidations judiciaires est de 30 mois. Le recours facilité au rétablissement professionnel et à la liquidation judiciaire simplifiée permettra de limiter à 6 mois la durée de la procédure, voire 12 mois pour les entreprises les plus importantes. Ce même projet de loi contient une demande d'habilitation à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la transposition de la future directive « insolvabilité ». Cette future directive aura pour effet de renforcer l'efficacité des procédures de restructuration préventive, de réduire les délais et les coûts de procédure et de faciliter les procédures transfrontalières, qui représentent les dossiers les plus complexes et les plus longs. Enfin, cette directive permettra une harmonisation entre les droits de l'insolvabilité européens et le rapprochement des droits français et allemand souhaité par l'honorable député comme par le Président de la République.

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