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Cécile Muschotti
Question N° 13565 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 23 octobre 2018

Mme Cécile Muschotti interroge M. le ministre de l'intérieur sur l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) qui a été institué par l'article 11 de la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991. Le décret n° 95-313 du 21 mars 1995, a précisé les conditions d'octroi de cet avantage. Cette mesure devait s'appliquer à partir du 1er janvier 1995. En ce qui concerne les policiers nationaux, l'arrêté interministériel du 17 janvier 2001 limitait au « ressort territorial des circonscriptions de police relevant des secrétariats généraux pour l'administration de la police de Paris et de Versailles », l'attribution de cet avantage. Un arrêt du Conseil d'État n° 229547 en date du 9 février 2005, confirmait la rétroactivité des effets de l'ASA au 1er janvier 1995 pour tous les fonctionnaires, y compris les fonctionnaires de police. Le Conseil d'État en 2011 et le Médiateur interne de la police, dès 2013, ont souligné la rupture d'égalité vis-à-vis des policiers affectés en province et contraignaient le ministère de l'intérieur à revoir sa copie afin de répondre aux critères fixés par la loi. Submergé par des dizaines de milliers de recours, le ministère de l'intérieur finissait par établir l'arrêté du 3 décembre 2015 qui fixait la nouvelle liste des circonscriptions de police ouvrant droit à l'ASA, à compter du 16 décembre 2015. Pour le passé, la directive (NOR : INTC1605372J) du ministre de l'intérieur, en date du 9 mars 2016, publiée au BOMI n° 2016-4 du 15 avril 2016, a prévu la régularisation de la situation des fonctionnaires de police pour la période comprise entre le 1er janvier 1995 et le 16 décembre 2015, et établi la liste des circonscriptions éligibles à l'ASA. Actuellement, l'administration n'a régularisé que très peu de dossiers. Et pour certains, de manière très parcellaire, puisque l'indemnisation liée à la reconstitution de carrière ne leur est pas versée. Outre cela, l'administration oppose désormais le principe de la prescription quadriennale, afin d'éviter le paiement de l'ASA au-delà de quatre années. Et ce quand bien même l'affectation du fonctionnaire remonterait au 1er janvier 1995. Il est incompréhensible que l'administration, qui a toujours nié, par écrits, l'existence de cet ASA pour la province, puisse opposer cette prescription. Beaucoup de policiers nationaux attendent cette reconnaissance depuis le 1er janvier 1995, alors qu'elle est mise en place dans d'autres ministères depuis cette date, sans qu'il n'y ait de difficultés ou de contentieux. Elle lui demande quelle est la position du Gouvernement sur cette question.

Réponse émise le 16 juin 2020

L'avantage spécifique d'ancienneté (ASA), institué par l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, est un dispositif interministériel qui se traduit par l'attribution d'une bonification d'ancienneté à certains agents de l'Etat affectés dans « un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles ». Conformément au décret du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles, ces quartiers doivent correspondre, pour les fonctionnaires de police, « à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ». Un premier zonage, défini par arrêté du 17 janvier 2001, réservait cet avantage aux seuls fonctionnaires de police en fonction dans le ressort territorial des anciens secrétariats généraux pour l'administration de la police de Paris et de Versailles. Cette rédaction excluait les fonctionnaires affectés en dehors de l'Ile-de-France, ce que le Conseil d'Etat a jugé illégal en l'absence d'examen de la situation concrète des zones d'affectation des agents (Conseil d'Etat, 16 mars 2011, n° 327428, Leducq). Sur la base de cette jurisprudence, plus de 25 000 agents affectés en dehors de l'Ile-de-France ont engagé des recours contentieux qui ont abouti, principalement à compter du premier semestre 2015, à la condamnation de l'Etat à réexaminer leur situation. En parallèle, un second arrêt du Conseil d'Etat a obligé l'Etat à abroger les dispositions litigieuses (Conseil d'Etat, 20 novembre 2012, n° 37912, 377146, 379735, 380784). Par suite, le ministère de l'intérieur a pris des mesures visant, d'une part, à mettre en conformité le dispositif de l'ASA et, d'autre part, à régulariser la situation de l'ensemble des agents qui en avaient été illégalement privés par le passé. Un arrêté du 3 décembre 2015 a ainsi fixé une liste de 161 circonscriptions de police identifiées sur la base d'éléments statistiques consolidés relatifs à la délinquance locale. Il ouvre l'avantage aux 36 000 fonctionnaires - dont 17 000 en dehors de l'Ile-de-France - affectés dans les services désignés, qui assurent des missions de sécurité publique en relation directe avec les quartiers visés. Aucune extension aux fonctionnaires amenés à exercer une partie de leurs missions dans ces mêmes quartiers, sans y être affectés, pour légitime qu'elle soit, n'est toutefois légalement envisageable dans le cadre actuel de l'ASA (Conseil d'Etat, 6 juillet 2018, n° 415948). En second lieu, une directive du 9 mars 2016 établit une seconde liste de circonscriptions de sécurité publique (CSP) pouvant être considérées comme particulièrement difficiles entre 1995 et 2015, au vu des statistiques de la délinquance de l'ensemble de la période. Cette directive garantit aux agents qui y ont été affectés qu'ils bénéficieront d'une reconstitution de carrière, même en l'absence de demande de leur part. Ils seront reclassés à l'échelon auquel le bénéfice de l'ASA leur donne droit. Cette opération permet d'identifier les périodes au cours desquelles l'agent n'a pas bénéficié d'un avancement d'échelon auquel il aurait pu accéder plus tôt, les traitements non versés constituant alors des créances que l'agent possède sur l'Etat. Le paiement de ces créances est régi par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, qui prévoit la prescription des créances de l'Etat « qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ». Il est de jurisprudence constante que les créances de rémunération des agents publics résultent du service fait, conformément à l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, même en cas de faute de l'administration. Les agents privés de tout ou partie de leur rémunération disposent donc d'un délai de quatre ans, à compter du 1er janvier de l'année suivant la réalisation du service, pour demander le paiement d'une créance de rémunération. D'ores et déjà, le Conseil d'Etat a rappelé que la prescription s'appliquait au contentieux de l'ASA et les juridictions administratives font pleine application de ces dispositions et de la jurisprudence et rejettent les recours tendant à l'annulation des décisions opposant la prescription quadriennale. En revanche, le Gouvernement considère que la publication de la directive du 9 mars 2016 a interrompu la prescription quadriennale pour l'ensemble des créances non prescrites à cette date, permettant ainsi de préserver les droits des agents illégalement privés de l'ASA par le passé, dans les conditions fixées par la loi. Le ministère de l'intérieur est ainsi engagé dans une opération de régularisation massive mobilisant d'importants moyens humains, techniques et financiers. Ce travail a permis de réexaminer à ce jour plus de 10 000 dossiers et le paiement de plus de 14 M€ au titre des rappels en 2017 et 2018. Près de 40 M€ d'euros supplémentaires sont d'ores et déjà prévus pour les années 2019 à 2022. Un logiciel dédié sera développé dans les mois à venir pour faciliter les opérations complexes de reconstitution de carrière. Le Gouvernement souhaite ainsi réaffirmer sa volonté de régulariser d'ici 2023 la situation de l'ensemble des fonctionnaires de police qui ont effectivement assuré leurs missions dans les circonscriptions les plus difficiles du territoire avant 2015. S'agissant des zones retenues, il peut être rappelé que, pour identifier les secteurs éligibles, correspondant conformément au décret du 21 mars 1995 précité « à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de celles-ci », le ministère de l'intérieur a établi une méthodologie statistique basée sur quatre indicateurs liés à l'activité des services et à la délinquance pour les années 2012, 2013 et 2014. L'ensemble des CSP dont les indicateurs se sont révélés supérieurs à la moyenne nationale ont ainsi été retenues dans un nouvel arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des circonscriptions de police éligibles. Ainsi que l'a reconnu le Conseil d'État, le choix des CSP retenues s'est fondé sur des critères objectifs, rationnels et cohérents, que l'inscription non justifiée de CSP supplémentaires compromettrait.

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