Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Élodie Jacquier-Laforge
Question N° 13580 au Ministère de la transition écologique et solidaire


Question soumise le 23 octobre 2018

Mme Élodie Jacquier-Laforge interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur l'effectivité du règlement européen Reach n° 1907/2006, entré en vigueur en 2007, pour sécuriser la fabrication et l'utilisation des substances chimiques dans l'industrie européenne. Il s'agit de recenser, d'évaluer et de contrôler les substances chimiques fabriquées, importées, mises sur le marché européen. Déjà plus de 20 000 sont connues et leurs risques potentiels établis ; l'Europe dispose ainsi des moyens juridiques et techniques pour garantir à tous un haut niveau de protection contre les risques liés aux substances chimiques. Or, après trois années de recherches, l'Institut fédéral allemand des risques (BfR), équivalent de l'Agence française de sécurité sanitaire (Anses), vient de révéler qu'un tiers des produits qui sont les plus utilisés en Europe, ne respectent pas la réglementation de protection de la santé et de l'environnement. Le BfR, avec l'appui de l'Agence allemande de l'environnement, a étudié les molécules produites ou importées massivement en Europe (plus de 1 000 tonnes par an) depuis 2010. 1814 ont été identifiées et pour 32 % d'entre elles les données fournies ne sont pas conformes. Ces substances, présentes partout, sont loin d'être anodines et peuvent être des perturbateurs endocriniens, cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques. Selon le Bureau européen de l'environnement (BEE), « Ces résultats effarants montrent que les industriels violent les lois européennes en commercialisant des centaines de substances chimiques potentiellement dangereuses et largement répandues dans les produits de grande consommation ». Pourtant, la loi est claire : c'est aux industriels de faire la preuve que leurs produits ne sont pas dangereux. La loi dit : « Pas de données, pas de marché ». Cela signifie que ces substances ne devraient pas être utilisées, tant que leur innocuité n'est pas démontrée. ». Face aux risques particulièrement graves de santé publique révélés par ces recherches, elle lui demande ce que le Gouvernement compte mettre en œuvre, au niveau européen et national, afin de protéger la santé des Français et leur environnement.

Réponse émise le 11 juin 2019

L'attention du ministre de la transition écologique et solidaire a été appelée sur les dossiers d'enregistrement des substances chimiques au titre du règlement REACH ainsi que sur l'étude de l'institut fédéral allemand d'évaluation des risques (BfR) et l'agence allemande pour l'environnement (UBA) ayant indiqué qu'un tiers des dossiers d'enregistrement n'étaient pas conformes à la réglementation. Le projet allemand REACH Compliance auquel il est fait référence consiste à examiner la disponibilité des données sur la santé humaine et l'environnement dans les enregistrements REACH et leur conformité par rapport aux exigences en matière d'informations toxicologiques et écotoxicologiques du règlement. Il a été constaté que les déclarants ont couramment utilisé la possibilité offerte par REACH de dévier des exigences standards d'information (exemption ou possibilité d'adaptation) en cas de justification adaptée : le taux moyen est de 70 % pour les points évalués, avec une fourchette allant de 50 à 93 %. Cependant, les justifications fournies n'étaient souvent pas suffisantes. Pour les dossiers d'enregistrement à des tonnages supérieurs à 1 000 tonnes par an, 32 % étaient non-conformes avec les exigences de REACH sur les points évalués. Ce taux est de 19 % pour les dossiers de substances enregistrées entre 100 et 1 000 tonnes par an. Il convient de noter que la méthodologie d'évaluation n'a pas permis de décider pour tous les dossiers s'ils étaient conformes ou non avec les exigences de REACH. Pour les deux bandes de tonnage considérées, 37 % des dossiers en moyenne n'ont pu être évalués (évaluation nécessitant trop de temps – par exemple pour les études pour lesquelles il n'existe pas de lignes directrices – ou en dehors du périmètre du projet). Ce manque de conformité des dossiers d'enregistrement a aussi été souligné par la Commission européenne dans son rapport REACH review de mars 2018 et fait l'objet de 2 des 16 mesures proposées par la Commission pour améliorer la mise en œuvre du règlement REACH : l'action 1 sur « encourager la mise à jour des dossiers d'enregistrement » et l'action 2.1 « améliorer les procédures d'évaluation : identifier les raisons principales de non-conformité des dossiers d'enregistrement et développer des solutions ». La France avait fait part par écrit de sa position sur le sujet. Il est clair que la situation doit être améliorée, et que les moyens alloués aux agences, tant européennes que nationales, doivent être confortés. Ce sujet a par ailleurs fait l'objet d'échanges lors du séminaire franco-allemand des ministères de l'environnement des 5 et 6 septembre 2018, à la suite duquel les deux pays ont envoyé une lettre commune à la Commission soulignant l'importance d'améliorer la qualité des dossiers d'enregistrement et la nécessité pour l'agence européenne des produits chimiques (ECHA) de disposer de ressources supplémentaires pour mener à bien ses missions. Lors des réunions des autorités compétentes (CARACAL) de juin et novembre 2018, la Commission Européenne a identifié le manque d'incitations comme raison à l'absence de mise à jour des dossiers et proposé un règlement d'implémentation afin de préciser les cas et délais associés pour lesquels une mise à jour est obligatoire. Une mise à jour obligatoire des dossiers à un intervalle de temps régulier, par exemple tous les 4-5 ans, est également envisagée. La France a exprimé son soutien à ces propositions. Une autre idée évoquée par la Commission serait d'augmenter le pourcentage de dossiers évalués par l'ECHA. Le point 7 de l'article 41 (5) de REACH prévoit que la Commission peut, après consultation avec l'agence, prendre une décision pour varier le pourcentage de dossiers sélectionnés pour les contrôles de conformité. Pour rappel, ce pourcentage est actuellement de 5 % minimum des dossiers par bande de tonnage. Après échanges avec l'ECHA, les DG ENV et DG GROW de la Commission proposent de relever cette valeur à 20 %, ce qui peut être accueilli favorablement. Les autorités de contrôle nationales ont aussi un rôle important dans la vérification du respect par les entreprises de leurs obligations d'enregistrement. Un forum européen d'échange des contrôles a été mis en œuvre dans le cadre de REACH, au niveau de l'ECHA, pour coordonner l'action des différents États membres sur les politiques de contrôle en matière de produits chimiques. Enfin, les services du ministère de la transition écologique et solidaire ont organisé en collaboration avec France Chimie et l'ECHA une conférence en ligne à l'attention des entreprises françaises afin de les informer sur la situation, les enjeux et les actions qui peuvent être mises en place pour améliorer la qualité des dossiers d'enregistrement. Cette conférence s'est tenue le 9 avril 2019 et a réuni plus de 150 participants. Les conclusions de l'étude allemande ne doivent pas faire oublier les apports en matière de protection de la santé et de l'environnement dus à la mise en œuvre de REACH. À l'issue des 10 premières années et à la fin des trois échéances d'enregistrement du règlement, l'Union européenne dispose aujourd'hui d'un inventaire unique au monde sur les substances chimiques et les usages et risques qui leurs sont associés. Dans son rapport de mars 2018 sur le fonctionnement du règlement, la Commission européenne rappelle que l'ampleur estimée des avantages potentiels pour la santé humaine et pour l'environnement de REACH est de l'ordre de 100 milliards d'euros sur une période de 25 à 30 ans.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.