M. Luc Carvounas interroge Mme la ministre, auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes, sur l'absence de débouchés du « Pilier social européen » ou « projet de socle européen des droits sociaux », lancé à Göteborg le 17 novembre 2017. M. le président de la Commission européenne disait alors « s'engager en faveur d'un ensemble de 20 principes et droits. Du droit à un salaire équitable au droit à la protection de la santé ; de la formation tout au long de la vie, d'un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, de l'égalité entre les femmes et les hommes au revenu minimum. En établissant le socle européen des droits sociaux, l'UE entend défendre les droits de ses citoyens dans un monde en mutation rapide ». Or la réunion du Conseil emploi et politique sociale (EPSCO) prévue pour le 11 octobre 2018 a été annulée par la présidence autrichienne de l'UE. Alors que près de 40 % des personnes interrogées par l'enquête européenne sur la qualité de vie en 2016 ont indiqué qu'elles avaient du mal à assumer toutes leurs responsabilités familiales à cause du temps qu'elles passent au travail et que la protection des salariées est chaque année moins assurée, à mesure que les politiques de dérégulation économique se généralisent à travers l'Union européenne, le Gouvernement français ne semble pas se préoccuper outre mesure de l'abandon de cette problématique. Tandis que le Président de la République et sa majorité ont été élus en martelant la promesse de construction d'une « Europe qui protège » et gouvernent en appliquant la doctrine du « laissez-faire », le Gouvernement ne se formalise pas grandement de l'enterrement annoncé d'une grande initiative d'harmonisation des politiques sociales européennes. Les attributions de la Commission de Bruxelles ne lui permettant pas d'imposer des mesures de cet ordre aux États-membres sans le soutien du Conseil des ministres européen, l'appui de la France, modèle européen de l'État-providence, eût très probablement pu empêcher la chute de ce projet. Il lui demande donc si le Gouvernement français compte proposer une nouvelle initiative de convergence des modèles sociaux européens en faveur de l'augmentation des droits des citoyens européens.
Le 17 novembre 2017, les chefs d'Etat et de gouvernement réunis au Sommet social de Göteborg ont proclamé le socle européen des droits sociaux, un ensemble de 20 principes et droits fondamentaux devant être garantis à tous les travailleurs dans l'Union européenne. Ce socle prend la forme d'un accord interinstitutionnel, signé à la fois par le Parlement européen, le Conseil et la Commission. Il constitue un élément fondamental de la dynamique de convergence sociale au sein de l'Union souhaitée par les autorités françaises. Pour autant, il ne s'agit pas en l'état d'un document juridiquement contraignant. En effet, sa mise en œuvre relève, en fonction de la répartition des compétences, d'une série de législations individuelles à réviser ou adopter au niveau national ou au niveau de l'Union européenne. Ces travaux ont commencé et de premiers résultats ont déjà été obtenus. En juin 2018, la révision de la directive relative au détachement des travailleurs a été actée. Cette révision a traduit dans les faits l'application du principe « à travail égal, rémunération égale sur le même lieu de travail » et réduit la durée normale du détachement à un maximum de 12 mois. Plusieurs autres textes sont en cours de négociation au niveau européen pour mettre en œuvre le socle européen des droits sociaux. Il s'agit notamment : - de la création d'une autorité européenne du travail, visant à mieux contrôler les fraudes. - de la révision de la directive relative à la conciliation entre vie privée et vie professionnelle, qui vise à instaurer une série de nouveaux droits dans toute l'Union européenne : droit à un congé paternité, droit à un congé parental, droit à un congé pour aider un proche dépendant, droit à des formules souples de travail pour les parents d'enfants en bas âge et aux aidants. Si certains de ces droits existent déjà dans quelques Etats membres, tous ces droits n'existent pas dans tous les Etats membres. Cette directive concrétise donc une convergence sociale par le haut dans toute l'Union. - de l'adoption d'une directive relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles, qui vise à répondre aux défis posés par les mutations intervenues dans le monde du travail depuis 30 ans, en instaurant de nouveaux droits pour tous les travailleurs, notamment en ce qui concerne la protection des travailleurs occupant des emplois précaires. Les autorités françaises sont mobilisées pour faire aboutir les négociations sur ces textes aussi rapidement que possible, et seront plus généralement attentives au suivi fait par la Commission de la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux dans son ensemble.
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