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Muriel Ressiguier
Question N° 13702 au Ministère de la transition écologique et solidaire


Question soumise le 30 octobre 2018

Mme Muriel Ressiguier interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la catastrophe naturelle survenue dans l'Aude. Les dramatiques inondations survenues dans l'Aude qui ont causé la mort de 14 personnes et fait 75 blessés doivent interroger sur les changements climatiques qui sont en train de s'opérer et les moyens d'en limiter les effets. À Trèbes, le lundi 15 octobre 2018, il est tombé l'équivalent de six mois de précipitations en une nuit, et l'Aude est monté de 1 mètre à 7,68 mètres en six heures. Il s'agit d'une crue sans précédent depuis celle de 1891 dans la vallée, selon Vigicrues. Dans le sud de la France notamment, ces épisodes météorologiques violents appelés « épisodes méditerranéens » s'aggravent depuis une cinquantaine d'années. Cumulés à la progression de l'artificialisation des sols (urbanisation galopante, développement d'infrastructures routières) qui imperméabilise les sols, diminue l'infiltration de l'eau jusqu'aux nappes phréatiques et augmente le ruissellement, cela crée des situations d'inondations catastrophiques comme celle qui vient d'être vécue. Ces phénomènes anormaux font amèrement échos aux avertissements des scientifiques. Le dernier rapport du GIEC publié le 8 octobre 2018 est accablant. Il confirme que le climat mondial s'est réchauffé de 1 degré depuis l'ère préindustrielle. Il atteste à nouveau, si besoin en était, que la cause de ce réchauffement est bien imputable aux activités humaines et à leurs émissions de gaz à effet de serre. Enfin, il explique que le réchauffement climatique a déjà des conséquences visibles sur certains écosystèmes ou phénomènes naturels mondiaux comme la fonte des glaces, l'élévation du niveau de la mer, mais surtout l'augmentation des évènements climatiques extrêmes comme les cyclones ou les inondations. Et à l'été 2018, on vient d'apprendre la fissure de la banquise du Groenland dans ses couches les plus anciennes, phénomène jamais observé jusqu'à ce jour. En 2017, 15 000 chercheurs du monde entier signaient une tribune commune pour lancer un signal d'alarme à l'humanité sur les conséquences en cascade que va occasionner ce saccage de l'environnement, dont l'une est l'augmentation des réfugiés climatiques. Lors des accords climats signés à la COP 21 de 2015, la France s'engageait comme 197 autres États à limiter les effets d'un réchauffement de 1,5 °C des températures mondiales. À la veille de la prochaine COP 24 qui aura lieu du 3 au 14 décembre 2018 en Pologne, quels engagements compte-t-il prendre, concrètement, pour limiter la production de gaz à effet de serre sur le territoire français ? Pour favoriser une transition énergétique vers des solutions durables ? Quelle planification écologique compte-t-il mettre en place ? Le Président de la République, récemment sacré « Champion de la terre et champion du climat » au dernier One Planet Summit compte-t-il user de sa nouvelle influence pour convaincre son homologue américain, le président Donald Trump, à revenir dans l'accord de Paris, quitté unilatéralement le 1er juin 2017 ? Enfin, que va-t-il mettre en place concrètement, et sur le plan financier, pour aider les habitants de l'Aude touchés par les inondations et premières victimes de ces dérèglements climatiques ? Elle lui demande enfin comment il va soutenir les agriculteurs dont les champs ont étés saccagés et demeurent incultivables pour plusieurs mois.

Réponse émise le 15 janvier 2019

Le Groupe intergouvernemental d'experts sur le changement climatique (GIEC) a publié le 8 octobre dernier son rapport spécial sur « les impacts d'un réchauffement climatique global de 1.5°C par rapport à 2°C et les trajectoires d'émissions de gaz à effet de serre à suivre pour limiter le réchauffement à 1.5°C » dans le cadre plus général du développement durable et de l'éradication de la pauvreté. Les constats du GIEC sont sans équivoque : le climat mondial s'est déjà réchauffé d'un degré environ en moyenne par rapport à l'ère pré-industrielle, mais il est encore possible de limiter cette hausse à 1,5 °C et de limiter les dégâts pour l'homme et son environnement que le rapport du GIEC décrit en détail : recrudescence et intensification des évènements climatiques extrêmes, hausse du niveau des mers, fonte des glaces, raréfaction des ressources en eau, diminution de la production agricole, accentuation des menaces sur la biodiversité terrestre et marine, atteintes à la santé, pertes économiques, accroissement de la pauvreté. Le rapport du GIEC présente les différentes options possibles pour ne pas dépasser 1.5°C, qui nécessiteront des transformations radicales dans tous les secteurs de la société et dans le monde entier. La rapidité avec laquelle elles doivent être mises en œuvre est essentielle pour atteindre cet objectif. Après plusieurs années de stabilisation, les émissions mondiales sont reparties à la hausse ces deux dernières années. Il faut inverser cette tendance de toute urgence en renforçant l'action climatique dans tous les pays. L'Accord de Paris adopté en 2015 définit le cadre international de lutte contre les changements climatiques. Malgré le retrait annoncé des États-Unis, l'Accord bénéficie d'un fort soutien international et devrait être pleinement opérationnel une fois que ses règles d'application seront adoptées à la COP24 en décembre 2018. Toutefois, le rapport du GIEC souligne que les contributions communiquées par les États dans le cadre de l'accord sont à l'heure actuelle insuffisantes pour parvenir à limiter l'augmentation des températures à 2°C, et a fortiori 1.5°C. Dans le cadre du dialogue Talanoa, l'ensemble des pays sont ainsi invités à revoir leurs contributions d'ici 2020, et l'Union Européenne doit contribuer à cette dynamique collective. La France joue un rôle moteur pour que l'UE révise à la hausse l'ambition de sa contribution à l'Accord de Paris (qui est aujourd'hui de réduire d'au moins 40 % les émissions de GES en 2030 par rapport au niveau de 1990), et qu'elle adopte une stratégie de long terme à la hauteur des enjeux soulignés par le rapport 1,5° du GIEC, en particulier en visant la neutralité carbone dans l'UE d'ici 2050. Avec l'Union européenne, un important travail diplomatique est mis en œuvre pour inciter les autres États, et en particulier les grands émetteurs, à réviser leur contribution. Aussi, le One Planet Summit, organisé par le Président de la République avec le Secrétaire Général de l'ONU et la Banque mondiale, continue à fédérer une variété d'acteurs (entreprises, états, régions, villes, philanthropies, détenteurs d'actifs financiers, banques de développement, etc.) autour de la redirection des flux financiers vers la transition écologique, ainsi qu'au renforcement de l'action sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'adaptation aux conséquences du changement climatique. La France doit également renforcer ses propres efforts. Le Gouvernement s'y est engagé dès juillet 2017 au travers d'un Plan climat qui renforce l'ambition de la France, en visant notamment l'atteinte de la neutralité carbone sur le territoire français en 2050. Un an après le lancement du Plan climat, de nombreuses avancées sont déjà constatées : - Concernant les transports, le plan climat fixe un objectif de fin de vente de véhicules émetteurs de gaz à effet de serre en 2040. Les Assises de la mobilité, qui se sont tenues de septembre à décembre 2017, ont permis de préparer l'avenir de la mobilité en France. Les conclusions des Assises de la mobilité proposent plusieurs mesures à fort impact, visant à soutenir le développement des filières de véhicules électriques et de carburants alternatifs (aides à l'achat, mesures de développement des infrastructures de recharge) et à valoriser l'usage de ces véhicules au travers des mesures de restriction de la circulation. Les Assises ont également recommandé d'accompagner l'essor des modes partagés et les mobilités actives (notamment avec le Plan vélo). Concernant le transport de marchandises, le volet « fret » vise des réductions d'émissions ambitieuses au travers de différents leviers, dont un report modal plus prononcé. Le projet de loi sur l'orientation des mobilités, déposé en première lecture au Sénat le 26 novembre 2018, intègre ces recommandations.  - Concernant les bâtiments, conformément au Plan climat, le plan rénovation énergétique des bâtiments présenté le 26 avril 2018 vise la fin des « passoires thermiques » en 10 ans avec 4 milliards d'euros dédiés à la rénovation énergétique. Ce dernier intègre plusieurs mesures phares telles que le lancement d'un fonds de garantie pour les ménages aux revenus modestes ou encore la fiabilisation des diagnostics de performance énergétique (DPE).  - La transformation de nos systèmes agricoles et alimentaires est également engagée à la suite des États Généraux de l'Alimentation (EGA) menés du 20 juillet au 30 novembre 2017. Plusieurs recommandations qui en découlent, reprises dans la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, sont directement favorables à l'atténuation des gaz à effet de serre comme :le soutien aux systèmes de production biologique, avec notamment la réglementation de la part minimale, à l'horizon 2022, de produits agricoles locaux ou sous signes de qualité (dont les produits issus de l'agriculture biologique) servis en restauration collective,la mise en place de diagnostics préalables à la démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire (incluant l'approvisionnement durable) obligatoires pour l'ensemble des opérateurs de la restauration collective.  - De même, la feuille de route sur l'économie circulaire, publiée le 23 avril 2018, contribue directement à la réduction des consommations de matières et d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre.  - Le Plan climat a également ouvert la voie vers la fin du recours aux hydrocarbures en France. Plusieurs mesures phares pour sortir des énergies fossiles ont été mises en œuvre. En particulier, la loi hydrocarbures a été adoptée en décembre 2017 (loi N°2017-1839 du 30 décembre 2017). Elle constitue une première étape importante vers la sortie des énergies fossiles, en interdisant tout nouveau permis d'exploration ou d'exploitation d'énergies fossiles et en asseyant l'objectif de fin des exploitations de production existantes en 2040. Au-delà de ces mesures phares, l'objectif de l'atteinte de la neutralité carbone à l'horizon 2050 est intégré dans la révision en cours de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), qui se fait de manière conjointe à la révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie de la métropole. L'atteinte de la neutralité carbone à l'échelle nationale implique d'accentuer fortement la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La SNBC décrira la feuille de route de la France pour y parvenir et se base sur un travail de scénarisation pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Une très grande partie des politiques publiques dans les domaines de l'aménagement et de l'urbanisme, de la construction et du logement, des transports, de l'économie circulaire, de l'agriculture et de la sylviculture vont être réinterrogées par l'objectif de neutralité carbone. Un tel objectif implique en particulier de réduire fortement les consommations d'énergie dans tous les secteurs et de décarboner complètement d'ici 2050 l'énergie que nous consommons. La Programmation Pluriannuelle de l'Énergie, également en cours de révision et couvrant la période 2019-2028, reprendra ces objectifs et visera spécifiquement la réduction de consommation d'énergies fossiles. Elle entérinera en particulier la fermeture des centrales à charbon d'ici 2022. Le projet de SNBC a été publié en décembre 2018 et le projet de programmations pluriannuelles de l'énergie (PPE) sera publié très prochainement avant de faire l'objet d'une consultation publique. Si les actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont incontournables pour limiter l'aggravation du changement climatique, ses effets se font déjà sentir sur le territoire national et vont s'amplifier. Inscrit dans le Plan climat, le deuxième plan national d'adaptation au changement climatique, publié en décembre 2018, prévoit un ensemble de mesures pour préparer la France aux impacts que les émissions passées de gaz à effet de serre rendent désormais inéluctables. Concernant la catastrophe naturelle survenue dans l'Aude mi-octobre, les aides financières pour les sinistrés sont encadrées par le code des assurances et la circulaire N° 84-90 du 27 mars 1984 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophe naturelle. À ce titre, l'arrêté de catastrophe naturelle du 29 octobre 2018 permettra aux assurés et notamment aux exploitants agricoles, de bénéficier de la garantie contre les effets de la catastrophe naturelle.

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