M. Philippe Huppé interroge M. le ministre de l'action et des comptes publics au sujet de l'application et du contrôle du « permis de faire » instauré par la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (loi ESSOC). En effet, de nombreux acteurs locaux du secteur de la construction lui ont fait part de leur inquiétude face à une mesure qu'ils approuvent, mais dont ils craignent le dévoiement par certains, pouvant entraîner une dégradation de la performance énergétique des logements. Cette mesure, prévue par l'article 49 de la loi ESSOC permet de déroger à certaines règles de construction, sous réserve que le maître d'œuvre apporte la preuve qu'il parvient, par les moyens qu'il entend mettre en œuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l'application des règles auxquelles il a dérogé et que ces moyens présentent un caractère innovant. L'interprétation de la loi par certains donneurs d'ordre et intervenants leur permet néanmoins, au vu des retours d'expérience locale, de chercher à s'exonérer des dispositions de la loi ESSOC, en particulier s'agissant des obligations d'atteindre des résultats équivalents dans le domaine de la performance énergétique. Le risque, à terme, est ainsi d'accentuer drastiquement la précarité énergétique des logements, derrière l'objectif non-avoué mais pourtant évidemment de recherche d'économies financières. C'est pourquoi, il souhaite connaître quelles sont les mesures que le Gouvernement mettra en place dans les décrets d'application afin d'encadrer pleinement ce permis de faire, pour ne pas le dénaturer et permettre à la France continuer à lutter contre le dérèglement climatique.
L'article 49 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (dite loi « ESSOC ») autorise le Gouvernement à prendre deux ordonnances afin de faciliter l'innovation technique et architecturale. La première ordonnance (ordonnance n° 2018-937 du 30 octobre 2018 visant à faciliter la réalisation de projets de construction et à favoriser l'innovation) cadre les modalités selon lesquelles les maîtres d'ouvrage peuvent réaliser des projets de construction en mettant en œuvre des solutions d'effet équivalent aux dispositions constructives applicables à l'opération. Ces solutions ne seront autorisées que sous réserve d'apporter la preuve de l'atteinte de résultats équivalents aux dispositions constructives auxquelles il est dérogé. Cette ordonnance est prise dans l'attente d'une seconde ordonnance qui a pour objectif de réécrire le code de la construction et de l'habitation selon une logique de résultats et dont l'entrée en vigueur est prévue d'ici 15 mois. Les solutions d'effet équivalent ne peuvent en aucun cas aboutir à une baisse de la performance que l'application de la réglementation en vigueur permet d'atteindre et ce, quel que soit le domaine ciblé. Les opérations s'inscrivant dans la démarche de la première ordonnance ne subiront aucunement une dégradation de leur performance énergétique. Il en est de même pour les autres dispositions constructives entrant dans le champ d'application de cette ordonnance. Il semble nécessaire de rappeler qu'au cours de la concertation menée avec les acteurs en lien avec le conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE), un groupe de travail fut spécifiquement dédié à la question de la performance énergétique et environnementale des bâtiments. Il a été convenu dans ce groupe de travail d'exclure du champ de l'ordonnance les domaines suivants : la réglementation thermique par élément pour les bâtiments existants, les objectifs de résultats de la réglementation thermique pour les bâtiments neufs (Bbio, Cep et Tic) et les dispositifs d'attestation du respect de la réglementation. Il sera précisé dans le décret d'application que les exigences de résultats déjà inscrites dans la réglementation thermique pour les bâtiments neufs ne pourront pas faire l'objet de solution d'effet équivalent. Ce même groupe de travail du CSCEE a établi la pertinence de conserver la thématique de la performance thermique du bâtiment dans le champ de l'ordonnance, compte tenu d'exigences de moyens qu'elle contient : exigence de 1/6ème de parois vitrées, dont l'objectif sous-jacent correspond à des apports solaires minimaux ; exigence de chauffage qui peut être superflue pour un bâtiment dont la conception bioclimatique est particulièrement poussée (bâtiment passif) ; éventuelle dérogation à des éléments du moteur de calcul si ces derniers s'avèrent insuffisants pour évaluer le réel potentiel du bâtiment. Le groupe de travail a également insisté sur la nécessité de respecter les directives européennes et tous les objectifs de résultats visant à maximiser la sobriété des bâtiments, limiter les consommations en énergie primaire, assurer le confort d'été et la perméabilité à l'air des bâtiments. Enfin, il a été rappelé que la non-performance énergétique pouvait être un motif d'impropriété à destination (engageant la garantie décennale), ce qui représente une sécurité quant au maintien de la qualité de conception énergétique des bâtiments. Le contrôle prévu par l'ordonnance est multiple et renforcé par rapport au droit commun. Le premier contrôle a lieu avant la demande d'autorisation d'urbanisme par un organisme indépendant du projet qui vérifie l'équivalence de résultat atteint par la solution proposée. Selon la thématique sur laquelle porte la solution d'effet équivalent, cet organisme peut être : un contrôleur technique agréé, le centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) ou un bureau d'étude qualifié par un organisme agréé par le comité français d'accréditation (COFRAC). Ainsi, la compétence de l'organisme délivrant l'attestation est assurée. Tout au long des travaux, un contrôleur technique s'assure de la bonne mise en œuvre de la solution et en atteste auprès de l'autorité compétente à l'achèvement des travaux. Le projet reste par ailleurs soumis au contrôle régalien des règles de construction (CRC). Tout ce processus est de plus sécurisé par les régimes d'assurances des acteurs ainsi que par le respect de l'indépendance des entités de contrôle vis-à-vis du projet. Pour toutes ces raisons, les acteurs qui se sont montrés inquiets à l'idée d'une baisse de la qualité énergétique des bâtiments peuvent être rassurés.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.