Mme Danièle Obono interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le manque de moyens de la protection judiciaire de la jeunesse de même que sur l'augmentation de l'enfermement des enfants pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse, au détriment des missions éducatives et d'insertion en milieu ouvert. Dans son rapport de 2014 portant sur la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), la Cour des comptes mettait l'accent sur le recentrage fonctionnel de la PJJ sur les mineurs ayant commis un ou plusieurs actes délictueux. Ce recentrage fonctionnel s'est couplé d'une diminution importante des effectifs dans un premier temps de 2008 en 2012 avant une nouvelle augmentation des effectifs à partir de 2012 jusqu'à présent. Les équivalents temps plein travaillés (ETPT) sont en 2018 à peine au-dessus de ceux de 2008 (9 027 ETPT en 2008 contre 9 108 ETPT en 2018), ce qui revient en réalité à une baisse importante des effectifs par nombre d'habitants (2 008 ETPT pour 7 597 habitants et 2018 1 ETPT pour 1 552 habitants), la population ayant augmenté entre temps. Cette baisse importante des effectifs sur une mission essentielle de l'État - la prise en charge des mineurs en danger - affecte l'ensemble de la justice des mineurs, des juges des enfants aux équipes éducatives. Cette baisse des effectifs est doublée d'une réaffectation importante du personnel à la lutte contre le terrorisme au détriment des autres missions de protection, purement éducatives, d'insertion et de socialisation de la PJJ. Enfin les moyens augmentés sont également - et très problématiquement - largement affectés aux centres éducatifs fermés (650 euros par mineur et par jour). Il s'agit principalement de lieux d'enfermement où l'aspect éducatif est malheureusement très souvent absent, contourné ou confondu avec des notions désuètes et dangereuses de « ré-éducation ». Il y a une augmentation continue de l'enfermement des mineurs, comme le souligne clairement la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), dans son avis du 25 mars 2018 portant sur la privation de liberté des mineurs. Cette hausse concerne notamment les structures relevant de la PJJ (centre éducatif fermé, quartier pour mineur et établissement pénitentiaire pour mineurs). Cette augmentation s'explique par une « surpénalisation » de certains comportements qui ont fait de la privation de liberté, également lorsqu'il s'agit d'enfants, la peine de référence. L'avis signale également l'inadéquation de la prise en charge des jeunes filles, dont le manque d'alternatives éducatives à l'enfermement, le manque de places réservées dans des établissements pénitentiaires pour mineurs de même que dans les établissements pénitentiaires pour femmes rendent leur enfermement particulièrement problématique. Concernant les mineurs incarcérés, dont le nombre est en hausse, la détention provisoire est utilisée à 75 % alors même que ses fonctions sont juridiquement strictement circonscrites, cela apparaît indiquer un usage abusif de cette procédure. Le manque de moyens de la PJJ et les choix de l'affectation des crédits posent questions. Les centres fermés dits éducatifs ne permettent pas de lutter efficacement contre la récidive, les rapports d'observation de la récidive le montrent année après année. À l'inverse, les effets nocifs de l'enfermement font l'objet de nombreuses recherches et ne sont plus à démontrer. À ce titre, la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 (articles 20 et 37), de même que l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante font de l'enfermement d'enfants des mesures d'exception. Ainsi, l'augmentation de l'enfermement des personnes mineures ayant commis des infractions apparaît être particulièrement contre-productive et nuit cruellement au bien être des mineurs et à leur développement. Elle aimerait donc savoir si le ministère de la justice d'une part prévoit d'augmenter substantiellement les moyens et les effectifs de la PJJ en général et notamment ceux affectés aux mesures éducatives, d'autre part dans quelle mesure le ministère de la justice utilise l'évaluation concernant l'efficacité des mesures d'enfermement et avec quels résultats. Elle lui demande également si les bilans sur les centres éducatifs fermés produits en 2014-2015 peuvent être publiés.
Le budget 2019 de la protection judiciaire de la jeunesse prévoit la création de 51 emplois et l'augmentation des crédits de fonctionnement, d'investissement et d'interventions de 5,23%. Le rapport de juillet 2015 portant sur le dispositif des centres éducatifs fermés mené par l'inspection générale du ministère et l'inspection générale des affaires sociales a fait l'objet d'une publication sur le site du ministère de la justice. Une enquête de 2011 sur les risques de récidive des sortants de prison montre que 78 % des personnes libérées mineures sont recondamnées dans les cinq années suivant leur libération, et 68 % recondamnés à de la prison ferme. Cette évaluation montre que l'incarcération doit demeurer une décision de dernier ressort. Elle justifie le développement des structures alternatives à la détention et, notamment pour les mineurs les plus anciens dans la délinquancce ou qui commettent les actes les plus graves, de centres éducatifs fermés.
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