M. Jérôme Nury interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la fragilité des industries bio françaises. Les industries de transformation alimentaire manquent de compétitivité en France. Elles sont les grandes oubliées des politiques publiques et le déficit commercial retenu en produits transformés bio est abyssal. L'euphorie autour de ce mode de consommation dissimule la fragilité criante des industries bio françaises et l'impasse des politiques publiques. Il devient urgent d'inclure dans ces politiques un volet de développement industriel accompagné de politiques de financement et d'innovation. C'est d'autant plus souhaitable que les industries agroalimentaires constituent le premier secteur manufacturier français avec un peu plus de 550 000 emplois. Mais après décomposition du résultat, il s'avère que le solde des industries alimentaires hors boissons n'a fait que se dégrader pour s'établir à 4 milliards d'euros de déficit en 2016. En aval de la filière, les industries pâtissent d'un manque d'attention de la part des pouvoirs publics. Sur les 11,4 milliards d'euros de crédits européens alloués à la politique de développement rural de 2014 à 2020, les industries alimentaires ne se sont vu attribuer que 304 millions d'euros, soit moins de 3 %. Le constat est le même pour les aides à l'innovation. Ce résultat n'est pas surprenant puisque la France exporte des produits bruts et importe des produits transformés. Le marché bio, malgré une croissance phénoménale reste le laissé pour compte des politiques publiques alimentaires. Alors que le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales et une alimentation saine et durable fait un grand pas en avant vers la production bio, rien ne prévoit les changements d'organisation chez les entreprises de transformation. Deux grandes catégories d'entreprises font face à ces défis. Pour les acteurs historiques, l'enjeu est de croître au rythme du marché et de faire face à d'importants besoins de financements. Pour les industriels conventionnels qui se lancent dans le bio, l'enjeu est de rendre plus flexibles des lignes de production souvent surdimensionnées pour le bio et d'adapter leur logistique pour de petites séries. De manière générale, les études montrent que les industries du bio sont sous-capitalisées, malgré une volonté affichée du Gouvernement de favoriser ce mode de consommation et de production. Le résultat est sans appel : la France accuse un déficit commercial abyssal dans le bio porté à 1,8 milliard d'euros. Il l'interroge ainsi sur sa position en la matière et lui demande si des solutions sont envisagées afin de répondre rapidement à ces enjeux.
La production biologique connaît un succès qui ne se dément pas depuis plusieurs années avec une croissance en France à deux chiffres que beaucoup de secteurs d'activité pourraient lui envier. Les chiffres en attestent : en 2017, plus de 5 000 exploitations se sont engagées dans le bio. Au total ce sont plus de 8 % des fermes qui sont en bio (36 691). 1 744 411 hectares étaient engagés en bio fin 2017, soit 6,5 % de la surface agricole utile (SAU). Cette dynamique très positive de développement ne concerne pas uniquement l'amont agricole mais aussi les entreprises de transformation et plus globalement l'aval avec plus de 17 000 opérateurs concernés. Le marché est estimé à plus de 8 Mds€ en 2017, contre 5,7 Mds en 2015, soit une hausse de près de 40 % en trois ans. La production biologique est particulièrement innovante notamment dans son approche des produits, de leur formulation et de leur présentation mais également dans la construction des relations entre les acteurs. Pour les années à venir, il est apparu impératif de favoriser encore davantage ce développement voulu par la société civile et permettant une amélioration globale des pratiques de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Le Gouvernement a donc décidé de soutenir le développement de la production biologique à travers le programme ambition bio 2022 qui est doté de 1,1 Mds€ et qui porte notamment un objectif de 15 % de SAU bio d'ici 2022 et 20 % de produits biologiques servis dans la restauration publique. L'objectif est double : accompagner le changement d'échelle qui s'opère et satisfaire le niveau élevé de demande de consommation tout en conservant les valeurs qui ont fait la bio et auxquelles adhèrent les consommateurs et citoyens. Les enjeux et les actions à conduire sont multiples : produire des matières premières au plus près de leur lieu de transformation ; transformer des produits en maintenant un haut niveau d'exigence et d'innovation ; structurer des filières de manière équilibrée et garantir une juste répartition de la valeur tout au long de la chaîne ; lever les difficultés liées aux impasses techniques par des programmes de recherche et les diffuser à toutes les formes d'agriculture ; informer les consommateurs au plus juste ; promouvoir la bio et ses valeurs ; éduquer à la bio ; former les futurs acteurs comme les acteurs déjà en place. Le fonds de structuration « Avenir Bio » qui concerne les opérateurs de l'amont à l'aval, géré par l'agence Bio, a été augmenté de 4 à 6 M€ en 2018 et est porté à 8 M€ dès 2019. Par ailleurs, le grand plan d'investissement (GPI) présenté par le Premier ministre fin 2017, dont le volet agricole est doté de 5 Mds€ sur cinq ans, comporte un axe de 1,7 Mds€ consacré aux entreprises agroalimentaires. À travers toutes ces actions, le Gouvernement marque sa volonté de soutenir et développer les filières biologiques au plus près des territoires.
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