M. Éric Ciotti alerte M. le ministre de l'intérieur sur l'avenir de l'enquête nationale de victimation « cadre de vie et sécurité ». Initiée en 2007, suite aux préconisations du rapport parlementaire Caresche-Pandraud et parallèlement à la création de l'Observatoire national de la délinquance, ce dispositif fournit un baromètre de l'insécurité vécue et ressentie qui éclaire le débat public comme aucune autre source statistique ne peut le faire. Elle permet aussi de répondre à de nombreuses questions au cœur des préoccupations du corps social et portant notamment sur les violences faites aux femmes, les injures, menaces et violences à caractère raciste ou sexiste, l'insécurité dans les transports, etc. Mesurant simultanément l'évolution de la victimation et du sentiment d'insécurité, elle éclaire de surcroît sur le décalage qui peut exister, voire se creuser, entre délinquance vécue et délinquance reportée aux autorités. Depuis 2007, cette enquête est au cœur des études et des analyses réalisées par l'ONDRP et d'autres organismes. Elle est actuellement financée par l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ dont dépend l'ONDRP), l'INSEE, qui en assure la passation, et le ministère de l'intérieur, pour un montant total de 4 millions d'euros. Or l'INSEE a annoncé sa volonté de cesser de financer et de réaliser cette enquête dans les prochaines années. La remise en cause de cette enquête serait de nature préjudiciable au regard de la nécessaire connaissance des évolutions des différentes atteintes qui touchent les citoyens et ce dans une période où l'opinion publique (y compris les pouvoirs publics) exige d'être informée le plus précisément possible de l'état de la criminalité et de l'évolution des menaces. Il lui demande donc dans quelle mesure cette décision est définitive et quelles solutions sont envisagées pour remédier à sa suppression.
L'enquête « cadre de vie et sécurité » (CVS), dite de « victimation », est conduite chaque année depuis 2007. Elle vise à connaître les faits de délinquance dont les ménages et les individus ont pu être victimes dans les deux années précédant l'enquête, qu'ils aient, ou pas, donné lieu à une déclaration dans les services de police ou de gendarmerie, mais également à recueillir leur opinion concernant leur cadre de vie et la sécurité, à analyser le sentiment d'insécurité ainsi que le niveau de satisfaction envers l'action de la justice et des forces de sécurité. Elle permet également d'établir des comparaisons internationales, de suivre des évolutions et de fournir des indicateurs concernant certains territoires (nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville, etc.). Les informations issues de l'enquête CVS sont distinctes et complémentaires des données enregistrées par la police et la gendarmerie nationales. Combinées, elles offrent des outils précieux pour évaluer et analyser tant la délinquance que le sentiment d'insécurité. L'enquête est menée en face à face par des enquêteurs de l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) auprès d'environ 23 000 ménages ordinaires résidant en France métropolitaine et a ponctuellement couvert une partie de l'outre-mer. La maîtrise d'ouvrage (décisions sur le questionnaire, méthodes statistiques, etc.) en est assurée par l'INSEE, l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) et le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) du ministère de l'intérieur. L'INSEE, l'INHESJ et le ministère de l'intérieur sont actuellement les principaux contributeurs à son financement. La maîtrise d'œuvre (échantillonnage, organisation de la collecte, élaboration et diffusion des bases de données, etc.) est assurée par l'INSEE. L'enquête bénéficie pour chacune de ses éditions du label d'intérêt général et de qualité statistique avec caractère obligatoire délivré par le conseil national de l'information statistique (CNIS). S'agissant de l'avenir de cette enquête, l'INSEE a effectivement fait part au ministère de l'intérieur de ses contraintes budgétaires, croissantes, en termes de programmation d'enquêtes et de moyens en enquêteurs. Ces contraintes conduiront l'INSEE à repousser le calendrier de l'enquête CVS de deux mois à compter de 2020 et à réduire de 30 % la taille de l'échantillon en 2021. A partir de 2022, l'INSEE ne sera plus en mesure de réaliser l'enquête dans son format actuel (rythme annuel, mode de collecte, etc.). Pour autant, il convient de souligner que le service statistique public continuera de réaliser des enquêtes de victimation, sous une forme différente (combinaison de différents modes de collecte : internet, téléphone, face à face, etc.). Le ministère de l'intérieur mettra en effet en œuvre des moyens financiers et humains pour garantir, par l'intermédiaire de son service statistique, la pérennité d'un dispositif d'enquête de victimation. La réflexion sur le futur dispositif est d'ailleurs d'ores et déjà engagée, sous le pilotage du SSMSI et avec l'appui de l'INSEE, avec pour objectif des résultats les plus représentatifs possibles à un coût maîtrisé. Les contraintes de l'INSEE, les questions de financement de l'enquête, ainsi que les limites du cadre actuel - mises en lumière notamment lors des rencontres organisées par le CNIS en 2015 et 2016 - invitent en tout état de cause à réfléchir à l'évolution à moyen terme du mode de collecte de l'enquête CVS, à son questionnaire, et plus largement au dispositif d'enquête de la statistique publique sur la victimation. Deux expérimentations sont à cet égard en cours. Dans le cadre de la collecte de 2019, des « réinterrogations » par téléphone et internet des répondants à l'enquête 2018 sont actuellement réalisées. Une seconde expérimentation porte sur l'introduction de questions de victimation en 2018 et 2019 dans le panel « statistiques sur les ressources et les conditions de vie ». Les enseignements qui pourront être tirés de ces expérimentations, ainsi que les travaux méthodologiques de l'INSEE sur les enquêtes multimodales, permettront de mieux cibler le dispositif d'enquête de victimation qui pourrait être mis en place à partir de 2022. Cette réflexion sera pilotée par le SSMSI en lien avec ses partenaires et les utilisateurs potentiels (INSEE, ONDRP, commissariat général à l'égalité des territoires, ministère de la justice, centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, institut national d'études démographiques, etc.) dans le cadre d'un groupe de travail qui sera mis en place en 2019. Le financement du futur dispositif devrait également être abordé dans ce cadre. Il est donc prématuré à ce stade de se prononcer sur ce que sera le futur dispositif. Mais comme pour toute enquête réalisée par le service statistique public, il aura vocation à être examiné, le moment venu, par le Conseil national de l'information statistique.
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